Le Premier ministre Jean Castex inaugure ce vendredi 28 janvier le tout nouvel Institut national du service public voulu par Emmanuel Macron pour remplacer l'ENA. Une petite révolution en réponse à l’appel de la rue. Exit l’ENA. Bonjour l’INSP. À Strasbourg la transition d’une institution à l’autre se joue avec 30 ans d’intervalle.
L'ENA disparaît et devient l'Institut national du service public, INSP. Il sera inauguré ce vendredi 28 janvier à Strasbourg par le Premier ministre Jean Castex. Trente ans après le transfert contesté de l'ENA en Alsace, la prestigieuse école n'existe plus dans sa forme historique.
En janvier 1992, la promotion Condorcet de l’ENA déménageait à Strasbourg non sans grincer des dents. L'école des hauts fonctionnaires quittait les beaux quartiers parisiens pour rejoindre la capitale européenne, et plus précisément les locaux de l'ancienne Commanderie Saint-Jean.
Une installation en province qui en avait agacé plus d’un. Et voilà que sa disparition est scellée au profit d’un tout nouvel institut. Oui, trente ans plus tard, et presque jour pour jour, l’ENA disparaît et devient l’Institut national des services publics. Dites INSP.
Nouveau nom, nouvelle image. La réforme de la haute fonction publique avait été promise par Emmanuel Macron après la crise des gilets jaunes en 2019. Elle entre cette fois dans sa phase concrète. Et la suppression de l’ENA est plus qu’un symbole en écho au bruit de la rue.
Un président issu de la promotion "rébellion"
Mais ce n’est pas un hasard non plus si Emmanuel Macron, ancien élève de l’ENA, décide de sa transformation. "On nous a appelé la promotion rébellion !" raconte Olivier Becht, député du Haut-Rhin et issu de la même promotion que le président de la république en 2004.
"On a contesté notre classement devant le Conseil d’État et obtenu gain de cause parce que les épreuves avaient été bidonnées pour favoriser certains élèves. On avait aussi remis un rapport à la direction pour dénoncer le contenu de la formation car on avait le sentiment d’avoir perdu du temps à l’ENA."
La partie scolaire était trop théorique et ne préparait pas bien à nos futurs métiers.
Alain Fontanel, conseiller municipal de Strasbourg
Alain Fontanel, ancien premier adjoint au maire de Strasbourg, énarque lui aussi, confirme : "Les élèves ont des souvenirs contrastés de l'école. Les stages étaient formateurs mais la partie scolaire était trop théorique et ne préparait pas bien à nos futurs métiers. Maintenant la formation va être plus ouverte sur l'Europe, sur le monde, le management aussi, le savoir-faire en matière de négociation et c'est très bien."
Il fallait oser tout de même supprimer l'ENA. Car le président touche à une institution fondée en 1945 par une ordonnance du gouvernement provisoire de la République française, alors présidé par…le Général de Gaulle. On est au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Il faut reconstruire la France, réorganiser ses services, moderniser l'administration française.
L’ENA forme alors les hauts fonctionnaires, les futurs ministres, la classe politique. En deux mots, l’élite dirigeante du pays. Avec le temps elle est accusée par ses propres élèves parfois, comme Jean-Pierre Chevènement dans les années 90, de fabriquer des élites "hors sol". Elle formerait en vase clos des têtes très bien faites mais déconnectées des réalités des Français.
Un manque de mixité sociale
On lui reproche aussi son manque de mixité sociale. Et de fait, les enfants d’ouvriers ne représentent que 5% des effectifs de l’ENA. Malgré une prépa "égalités des chances" créée en 2009.
Le nouvel INSP « sera plus ouvert à l’égalité des chances » et sa formation « plus en lien avec le monde académique », soutient Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publique qui sera aux côtés de Jean Castex pour inaugurer le nouvel institut. Elle va permettre de "décloisonner l’administration et faciliter les mobilités. Les carrières à vie sont supprimées", affirme encore la ministre.
L’INSP promet donc plus de diversité. Il formera désormais l’ensemble des cadres de l’État avec un "tronc commun" pour 14 écoles du service public. Chaque année 74 classes préparatoires permettront à 1.700 boursiers "parmi les plus méritants de l’enseignement supérieur" de préparer les concours donnant accès aux postes d’encadrement et 15% des places leur seront réservées.
Les élèves devront également passer plusieurs années sur le terrain avÀant d’intégrer les grands corps. "C'est le bon sens, ne pas être jugé sur des résultats scolaires mais sur un comportement opérationnel", se félicite Alain Fontanel. "Il fallait supprimer l'accès direct aux grands corps à l'issu de la formation", confirme Olivier Becht.
Envoyer les élèves deux ans sur le terrain avant d'obtenir un poste c'est très bien.
Olivier Becht, député du Haut-Rhin
On l’aura compris, l’INSP veut favoriser la diversification des recrutements. Les prochaines années diront si le projet est concluant. En attendant l’ENA disparaît mais la formation des élites se fera toujours à Strasbourg. Ils ne s’appelleront simplement plus les "énarques".
La perte de ce nom provoque des réactions contrastées auprès de deux anciens élèves ralliés aujourd’hui à la macronie. "On aurait dû garder le nom ENA qui est une marque de prestige à l'international", commente Olivier Becht. "On remplace juste des lettres par d'autres", nuance Alain Fontanel. "Ce qui est important c'est que l'assise de l'école est renforcée. Avant elle ne formait que les hauts fonctionnaires, maintenant c'est toute la haute administration de l'État, les magistrats, les ingénieurs qui passeront par Strasbourg."
Le Premier ministre est attendu ce vendredi 28 janvier à 9h20 pour inaugurer le nouvel institut.