L'inflation galopante, et les salaires ou les aides sociales qui ne suivent pas. Jamais le Secours Populaire du Bas-Rhin n'a été autant sollicité que cet hiver. Des retraités, des étudiants, des travailleurs précaires, mais aussi de nombreux migrants. Ils sont nombreux à se tourner vers les associations, faute de réponse des pouvoirs publics.
Trouver un logement : c'est la première des urgences pour plusieurs centaines de personnes dans le Bas-Rhin. Au cours de la semaine écoulée, entre le 30 janvier et le 5 février, 800 personnes ont appelé le 115 dans le département. Une solution a pu être trouvé pour 300 d'entre elles. Le calcul est vite fait : 500 personnes sont donc restées à la rue.
Pourtant, après plusieurs jours de températures polaires, et lorsque la préfecture du Bas-Rhin déclenche enfin un plan Grand Froid vendredi, seules 80 places sont proposées au gymnase Branly à Strasbourg. C'est le troisième plan du genre cet hiver, puisque les structures ferment dès qu'un redoux est amorcé.
Des hébergements en pointillés, et non dénués d'arrière-pensées, selon Camille Vega, Secrétaire Général du Secours Populaire 67 : "A la fermeture, les services de l'OFII, l'Office français de l'immigration et de l'intégration sont présents pour vérifier les statuts administratifs de chacun, et repérer ceux qui peuvent faire l'objet d'une expulsion. Du coup, il y a des familles entières qui n'osent plus y aller" explique-t-il
Dans ce domaine dit-il, les pouvoir publics à tous les échelons manquent à leurs obligations.
- L'Etat, et donc la préfecture, qui a le devoir de mettre à l'abri de façon inconditionnelle
- La CEA, Collectivité Européenne d'Alsace, censée assurer la protection des mineurs et des handicapés, mais sans réaction face à toutes ces familles, enfants et vieillards inclus, qui vivent dans la rue
- Et enfin l'Eurométropole de Strasbourg, qui de par le Droit Local, aurait la possibilité de prendre des mesures de mises à l'abri et demander le remboursement des frais à l'autorité compétente. "Cette disposition sur la mise à l'abri des indigents existe, soutien Camille Vega. Elle a même fait l'objet d'une question au gouvernement en 2010 et elle a été confirmée"
Pallier les manquements des pouvoirs publics
De plus en plus, les associations multiplient les actions en faveur des plus défavorisés. "Nous ne sommes plus dans le soutien subsidiaire, nous devons de plus en plus pallier les carences toujours plus importantes des pouvoirs publics" s'indigne Camille Vega.
C'est encore plus vrai avec la dématérialisation des démarches. Beaucoup d'administrés se retrouvent désarmés, perdus, faute d'interlocuteurs. Il suffit d'un document manquant, et leur situation peut basculer.
Ceux-là viennent grossir les rangs des bénéficiaires des associations d'entraide. "Mais nous ne sommes que des bénévoles, des citoyens engagés. On ne peut pas nous déléguer la responsabilité de mettre à l'abri, ou d'aider à payer les facture!" dit Camille Vega qui reconnaît malgré tout, qu'il est impossible de ne rien faire, face à la détresse des demandeurs.
Appel aux dons et aux bénévoles
Alors, faute de mieux, et en attendant une réaction de l'Etat et des collectivités, le Secours Populaire du Bas-Rhin en appelle à la bonne volonté des citoyens. Pour du bénévolat, pour des soutiens financiers, et pour des dons en matériel.
Le budget annuel de 800 000 à 900 000 euros pourrait être englouti par les seuls postes "Alimentation" ou "Hygiène", explique-t-il. De quatre distributions alimentaires par semaine, l'association est passée à six, et cela ne suffit toujours pas.
Strasbourg, ville de plus en plus inégalitaire
La précarité augmente : d'autres structures caritatives strasbourgeoises font le même constat. Et ce phénomène est corroboré par les dernières statistiques de l'INSEE, publiés en 2022.
Selon ces chiffres, le taux de pauvreté à Strasbourg atteint 26%, 4 points de plus que la moyenne des grandes villes de France. Une réalité que l'Eurométropole elle-même ne manque pas de relever dans son analyse des besoins sociaux pour la période 2022-2026