Un homme âgé de 27 ans, d’origine afghane, a mis fin à ses jours ce samedi 25 mai au matin, parc du Glacis à Strasbourg. Il y avait rejoint un camp de sans domicile fixe depuis un mois.
Il s’appelait Habib. Débarqué en France il y a six mois, avant de rejoindre Strasbourg et un camp de sans domicile fixe installé parc du Glacis. A 27 ans, ce migrant afghan s’est donné la mort ce samedi 25 mai peu avant 8h du matin, à côté de la tente dans laquelle il avait dormi. "Je me suis levé pour uriner, et c’est là que je l’ai découvert, pendu à un arbre", raconte Lahcen, l’un de ses compagnons de fortune, choqué, des sanglots dans la voix.
C’est quelqu’un que tout le monde connaissait, que tout le monde aimait. Il était simplement désespéré
-Un ami-
Sur le campement, qui regroupe une cinquantaine de personnes françaises, guinéennes, maliennes ou encore roumaines, le drame attise la détresse et la colère. "Habib est passé devant une dizaine d’assistantes sociales qui n’ont pas détecté qu’il était vulnérable. Nous même qui sommes dans la rue et qui n’avons aucune expérience du social, on l’a aidé, on lui a donné à manger, on lui a offert une place sous nos tentes, tout ce que l’Etat n’a pas fait", martèle Edson Laffaiteur, 33 ans, un habitant du campement qui a créé l’association La Roue tourne 67.
"C’est l’Etat qui l’a tué"
Selon lui, avant de commettre son geste, le jeune migrant avait passé la soirée à téléphoner au 115 pour trouver un hébergement d’urgence, sans succès. "Il voulait vivre, il a traversé des frontières pour arriver ici et avoir une meilleure vie. Et aujourd’hui il est mort. A force d’entendre "non", lui-même s’est dit non, ce n’est plus possible".Sur des banderoles étalées au sol, les bombes de peintures expriment, dans l’urgence, l’exaspération. Aujourd’hui, Habib, que "personne n’a en photo ici", a pourtant le visage de tous. "On perd un frère. C’est l’Etat qui l’a tué. Ce n’est pas un martyr, ce n’est pas un exemple, mais on ne veut pas que cette mort passe inaperçue".
Des chiffres sont brandis. 200 tentes seraient installées dans la capitale alsacienne, "je les ai compté moi-même" affirme Edson Laffaiteur. trois tentatives de suicide auraient également été dénombrées ces deux derniers mois dans les campements. "Les aides matérielles et financières sont de moins en moins garanties, il n’existe aucune prise en charge médicale et psychologique. Il y a trois semaines encore une femme enceinte de 9 mois a failli accoucher sous sa tente complétement livrée à elle-même", dénonce à son tour Gabriel, membre du collectif D'ailleurs nous sommes d'ici 67.
Un manque de réponses concrètes
Jointe par téléphone, l’adjointe au maire en charge de l’action sociale territoriale, Marie-Dominique Dreyssé, qui s’est rendue sur place ce matin, dit avoir conscience de la situation, mais se retranche derrière l’Etat. "Nous avons alerté les services de l’Etat et entrepris la fermeture de plusieurs sites. Il y a des situations critiques, celle de ce camp en fait partie" reconnaît l’élue qui rappelle que la ville a ouvert cent places pour sans-abris en 2018 et qu’elle s’apprête à en créer encore 80. "Nous sommes dans une organisation insuffisante en terme de réponses. Il y a une inadéquation entre le système d’hébergement par rapport aux besoins. La Ville s’affiche comme volontariste mais le chef d’orchestre, l’Etat, ne donne pas la bonne partition".
Des réponses, des explications jugées insuffisantes et décevantes par les membres du camp du Glacis, résolus à se faire entendre. En fin d’après-midi, ils ont manifesté devant la gare de Strasbourg. "Les gens ont traversé des mers, des fleuves, des océans avec des histoires de dingue, et quand ils demandent de l’aide et qu’on leur dit non, ce n’est pas possible. Faut arrêter les conneries. On est comme vous. On est Français, ou on veut le devenir parce qu’on respecte ce pays, on veut l’aimer et pas en profiter. C’est ça que personne ne veut comprendre", exulte Edson, le regard noir, perçant, chargé de dépit, avant de conclure : "des personnes vulnérables, il y en a d’autres. Des morts, il y en aura d’autres. Demain, ça sera peut-être moi".