Strasbourg : une mosaïque de visages sur 900m², le projet post-confinement d’un photographe alsacien

Depuis la sortie du confinement, un photographe strasbourgeois photographie des visages de citoyens masqués, avec un message inscrit au marqueur sur leur masque. Objectif : tirer 450 portraits en noir et blanc de 1m² et les coller sur le sol de la place Kléber, mi-juillet.

 

Les candidats volontaires pour se faire tirer le portrait et finir collés sur un papier d'un mètre de côté, sur le sol de la place centrale de Strasbourg était une vingtaine ce mercredi 17 juin. Ils ont répondu à l'invitation de Christoph De Barry, photographe indépendant strasbourgeois. Son objectif est simple : créer une œuvre magistrale, composée de quatre-cent cinquante regards et d’autant de messages d’espoir, le tout exposé au cœur de Strasbourg, place Kléber. Ce sera "La mosaïque de l’espoir". 

"J'ai eu cette idée le 11 mai. Date du déconfinement officiel en France" se souvient le photographe, "Sauf que ce jour-là, il était strictement impossible de se retrouver, de faire la fête, d’être vraiment ensemble en grand nombre". Ça a déclenché un premier gros sentiment de frustration chez lui. Et il y a eu ensuite la réalité économique à affronter. Impossible de reprendre le travail comme avant, pas de commandes annoncées…C’est à ce moment-là qu’il a pensé à Jean-René. Mieux connu sous ses seules initiales : JR, le maître du street-art et des portraits collés sur les murs de Berlin et ailleurs dans le monde. A quoi s'est ajouté le souvenir d'une discussion autour de l'Industrie magnifique, événement culturel suspendu pour cause de covid19, et sa décision était prise de créer une œuvre monumentale dans un grand espace de la ville de Strasbourg.

A travers la photo, je peux rassembler des personnes en grand nombre, à un moment où ce n’est pas encore possible en vrai, à cause de l'épidémie de covid19.

Christoph De Barry, photographe à l'initiative de la mosaïque de l'espoir

Au shooting du jour, des participants un réseau d’entraide à l’attention des plus précaires. Pendant tout le confinement, ils ont prêté main-forte à l'association "Les petites cantines" pour concocter et distribuer des repas aux étudiants, aux familles sans ressources, aux migrants, aux personnes âgées isolées. "On distribuait cent-cinquante repas par semaine" explique le Luc Vicherat, co-président du restaurant participatif, "c'était une évidence d'accueillir un des shootings dans nos locaux et d'y participer". 

 

"Souriez ! Même derrière le masque, ça se voit."

Le photographe est catégorique : "On voit le sourire derrière le masque. Il y a des indices, les plis autour des yeux, l'expression des yeux eux-mêmes. Plus je fais ces photos, plus je me rends compte combien les micro-expressions parlent, que beaucoup plus d'émotions passent, que ce qu'on croit à prime abord. C'est comme s'il y avait plus d'intimité. Ça développe l’acuité visuelle d'essayer de voir un visage, malgré un masque." 

"Je trouve cette idée super" s'enthousiasme Laure, "J’ai un peu participé au réseau de solidarité des petites cantines. Ce qui m’a plu, c’est que tout le monde a aidé, malgré les contraintes imposées. Pour moi, cette mosaïque géante sera un souvenir de la solidarité de tous ces acteurs et petites mains, pendant cette période difficile."

Pour Déborah, le mot choisi est : "Confiance". "Je pense à la confiance en soi et en l'autre, qui permet de construire un monde meilleur." Adeline choisit : "Sororidade". Comme chaque candidat à la séance photo, elle signe d'abord l'autorisation d'utilisation de son image - dans le cadre de cette mosaïque uniquement - ensuite c'est "atelier masque".

 Adeline : "On peut écrire un mot en langue étrangère?

Christophe : "Oui bien, sûr! " Alors pour elle, ce sera Sororidade (sororité).

 

La mosaïque de l'espoir devrait être visible à Strasbourg, mi-juillet 

Si l'autorisation demandée est accordée, la création monumentale sera mise en place mi-juillet. Le photographe et plusieurs bénévoles réaliseront le collage des portraits sur le sol de la place Kléber, au centre de Strasbourg. Une action prévue sur une journée pour cette mosaïque qui couvrira 900 m². Un mètre carré restera libre entre deux portraits, question de distanciation…

Les passants découvriront les quatre-cent cinquante visages en papier, collés au sol sur les deux-tiers de la place Kléber, entre la statue du Général et les bassins à fontaines. Les photos seront imprimées sur des feuilles de papier d'un mètre de côté, l’encre est prévue pour résister aux UV, mais pas à la pluie, c’est donc la météo qui décidera de la durée de vie de cette œuvre géante. "S’il fait beau, elle tiendra probablement une semaine, mais s’il pleut, peut-être deux jours" estime le photographe. 

 

Le coût du projet est estimé à 11.000 euros, pour couvrir les frais d'impression, d'achat de matériaux (papier, encre résistante aux UV, colle) pour 900 mètres carrés, ainsi que la prestation de la graphiste et celle du photographe. Une cagnotte sur une plateforme participative a permis de collecter 4.500 euros et le projet a convaincu différents partenaires de donner un coup de pouce financier, comme l'agence de communication strasbourgeoise Novembre ou la start'up Territoire Alsace, une association de résidents. Le soutien de la ville de Strasbourg et du Fonds régional d'art contemporain (FRAC Alsace) pourrait s'élever à 5.000 euros et il est possible de contribuer au projet, en passant par le site du photographe.

 

Prochains shootings 

Le bouche-à-oreille, sur les réseaux sociaux notamment, doit permettre d'atteindre les quatre-cent cinquante candidats rapidement. "La philosophie de ce projet est de faire ensemble, les partenaires servent donc aussi de relai." Ainsi, il y aura une cession de prises de vues organisée chez Emmaüs Mundolsheim et peut-être aussi dans une grande enseigne de supermarchés. Dates et horaires seront indiqués sur la page Facebook de la mosaïque de l'espoir.

Le photographe allemand Wilfried Beege fera lui aussi, de l'autre côté de la frontière, quelques portraits qui seront intégrés dans la mosaïque. "Sa participation me touche beaucoup" explique Christophe "Il a eu vent de mon projet pendant le confinement et m'a proposé d'y participer. A ce moment-là les frontières étaient encore fermées, sa proposition a été un vrai bol d'air!".

La mosaïque de l'espoir, une œuvre qui pourrait fleurir au cœur de la capitale européenne, résultat de belles rencontres, de solidarité et de volonté de dépasser l'impossible. Quatre cent cinquante visages de citoyens, masqués, mais souriants et porteurs d’espoir avec un mot, une envie, un souhait inscrit au marqueur en pleine face. Pour faire face. Souvenir et dépassement d'une période difficile.

 

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