Ils étaient une grosse cinquantaine d'employés d'Adidas à manifester devant le site strasbourgeois de la marque aux trois bandes ce 21 juin 2022. Tous refusent de quitter l'Alsace pour Paris, comme l'envisage la direction du groupe.
En avril, les employés d'Adidas de Strasbourg ont été informés que la direction envisageait de fermer son site alsacien pour regrouper toutes les activités à Paris. 140 emplois sont en jeu, et les salariés ne voient pas d'un bon œil ce possible déménagement qui mettrait en péril leurs vies familiales et personnelles. Ils l'ont montré devant les locaux strasbourgeois le mardi 21 juin 2022.
"Adidas, en Alsace!", voilà le slogan qu'on scandé les plus de cinquante salariés du site strasbourgeois de la marque allemande présents pour manifester. Depuis 2018 et son déménagement depuis le site de Landersheim (Bas-Rhin), le siège d'Adidas France se trouve dans le quartier d'affaires du Wacken, au nord de Strasbourg. Mais pour combien de temps ?
La direction envisage en effet de rapatrier son siège strasbourgeois à Paris pour rejoindre les 140 autres salariés de la capitale. Hors de question pour les salariés : "C'est le moment de revenir en arrière sur ce projet de fermeture du site de Strasbourg. Combien de vous accepteraient d'être mutés sur Paris ?", a lancé Olivier Apell, délégué syndical, à ses collègues. Réponse de ces derniers : "Zéro!"
"Ça voudra dire 'plus de job ici'. Donc soit des licenciements, soit des déménagements sur Paris, et ça personne n'en veut. Ceux qui en ont envie, ils y sont déjà", analyse Marius Muller, employé en informatique depuis 1999 et qui a donc connu l'ancien site d'Adidas de Landersheim (Bas-Rhin).
"On se demande vraiment à quelle sauce on va être mangé, continue cet habitant de Brumath (Bas-Rhin). Si on doit aller à Paris plusieurs fois par semaine, qui va payer le train et l'hôtel ? Personne ne le sait." Tous les salariés s'accordent à dire qu'aller à Paris tous les jours serait intenable.
Travailler pour Paris depuis l'Alsace ?
Vient alors l'option du télétravail, qui a fait ses preuves pendant le confinement : "Et encore, ça marche un temps mais on perd du lien entre nous. Il nous faut un système hybride", propose Marius Muller, qui aimerait que lui et ses collègues retournent à Landersheim, dans un espace de coworking.
Matthieu a 26 ans, et travaille pour Adidas depuis 2018 : "Au quotidien, j'ai un vrai sentiment d'appréhension et de peur. Je suis attaché à l'Alsace, et de savoir que le site peut fermer, ça remet en question beaucoup de projets personnels. J'ai acheté il y a quelques mois un appartement à Wiwersheim et là on apprend ça..."
"Ça crée un environnement instable, témoigne ce salarié en logistique. Est-ce qu'on fait des enfants ? Est-ce qu'on achète une maison ? Surtout, on ne connait pas encore comment les choses vont exactement fonctionner, on veut en savoir plus rapidement."
Car comme le répète Olivier Apell, "140 postes, c'est 140 familles". Les salariés espèrent que la direction les entendra : "Ils avaient l'air plutôt souples lors de la dernière réunion. Il ne faut pas oublier que ce n'est qu'un projet, et on veut qu'il s'arrête, point. On veut qu'ils choisissent le plan A comme 'Alsace', et pas le plan P de 'Paris", ajoute un salarié.
Une décision "incohérente" pour les élus locaux
Le lundi 20 juin, les élus et représentants de la Ville de Strasbourg, de l'Eurométropole, de la Collectivité européenne d'Alsace et de la Région Grand Est ont rencontré la direction générale d'Adidas France. Lors de cette entrevue, les élus de ces collectivités ont notifié "leur totale opposition quant à la réflexion engagée par Adidas", indique la Ville de Strasbourg dans un communiqué, qui juge une telle décision "incohérente".
La municipalité écrit que "les élus et représentants des collectivités ont demandé à Adidas d’examiner toutes les alternatives [...] permettant de maintenir les emplois à Strasbourg. Les collectivités se tiennent prêtes à accompagner et soutenir l’entreprise dans cette démarche et ne comprendraient que cette proposition ne soit pas examinée par Adidas." La direction du groupe doit annoncer sa décision définitive à leurs salariés le jeudi 30 juin.