Près de 200 événements étaient organisés ce samedi 16 mars dans toute la France pour alerter sur les enjeux du changement climatique. A Strasbourg, la marche pour le climat a rassemblé entre 4.000 et 6.000 personnes.
Après les collégiens et les lycéens vendredi, c’était au tour de monsieur et madame Tout-le-Monde de se mobiliser pour sauver la planète ce samedi 16 mars, partout en France. Une "Marche du siècle" à grande échelle censée frapper les consciences mais surtout interpeller le gouvernement jugé passif sur les enjeux environnementaux. Un gouvernement sommé d’agir pour enrayer le dérèglement climatique.
A Strasbourg, 4.000 personnes selon la police, 6.000 selon les manifestants ont défilé de la place de l’Esplanade au tribunal de grande instance. Elles étaient plus d’un millier à Mulhouse et environ 500 à Colmar. Des marcheurs "lambda", d’autres réunis sous différentes bannières syndicales et politiques, mais surtout à l’humour débordant, rivalisant de jeux de mots sur les pancartes pour se faire entendre.
"Phoque le réchauffement", "Arrête de niquer ta mer", "Je préfère mettre les 3°c dans mes verres" ou encore "Bouffe des sexes, pas des animaux" faisaient partie du florilège. D’autres messages traduisaient tout aussi bien l’inquiétude des citoyens face à l’urgence de la situation, à l’image de "C’est maintenant, pas dans 50 ans", "il n’y a pas de plan(ète) B", ou encore de ce simple "Je suis la Terre". Un slogan décliné à travers le mégaphone en "Je, tu, il, nous sommes la Terre". Un cortège à l’unisson, mais aux mille visages.
Céline, professeur des écoles et Clara 12 ans: "Le tournant c’est maintenant"
Dans la foule, impossible de ne pas la remarquer. Céline est venue en famille pour prendre part à la manifestation. Sans pancarte, mais avec une couronne végétale vissée sur la tête. "Elle symbolise le fait que nous faisons partie de la nature et que la nature c’est notre maison. Protéger la nature, c’est aussi se protéger nous-même". Un discours auquel acquiesce sa fille Clara, 12 ans, avec qui elle a tenu à défiler.
"Je suis venue avec ma fille parce qu’elle est concernée et elle est même en première ligne. C’est le monde de demain qui se joue, c’est pour elle. Aujourd’hui, les mesures gouvernementales ne nous satisfont pas. Et nous voulons dire, entre autres, qu’on voudrait bien pouvoir respirer un air non-pollué. Nous habitons à Strasbourg, en ville, et ici on ressent vraiment la pollution."
C’est par l’éducation qu’on réussira à faire changer les choses
- Céline, professeure des écoles -
"Malgré cela, on se bat pour garder un lien avec la nature, on se bat aussi pour que l’éducation des enfants passe par le respect de l’environnement. On entend sans cesse que les lois doivent changer. Que la préservation du climat doit être davantage prise en compte dans les décisions. Oui mais ça ne passera pas par un grand débat national. Ça, je n’y crois pas. Je suis professeure des écoles et j’en parle à mes élèves dès la maternelle. La sensibilisation commence dès le plus jeune âge. C’est par l’éducation qu’on réussira à faire changer les choses. On a encore de l’espoir. On sent que les mentalités sont en train de changer. Le tournant, c’est maintenant !"
Jean-Christophe, informaticien, 39 ans: "si il ne se passe rien, ce sont nos enfants qui auront une vie de merde"
Sur la place de l’Esplanade, Jean-Christophe est perché sur un plot en béton. Dans ses mains, il tient un dessin qu’il brandit fièrement. Un soleil, une Terre, et un message: "2050, 50°c, bonne cuisson". Cet informaticien de 39 ans est venu avec sa femme qui lui a "ouvert les yeux sur le problème". "On se mobilise parce que si on veut continuer à exister, il va falloir qu’on commence à se secouer et à se préoccuper de l’existentiel" lance-t-il en avouant ne pas être très optimiste.
On a déjà fait pas mal de dégâts collectivement
- Bruno, informaticien -
"Je suis dubitatif. Personnellement, je sais qu’il y a des solutions pour améliorer l’état de la planète. Le problème, c’est qu’il n’y a pas suffisamment de personnes qui réagissent. L’humanité est comme un gros bateau mais pour le faire tourner, il faut tourner fort. On a déjà fait pas mal de dégât collectivement, il est temps qu’on commence à réparer ce qu’on a fait avant d’envisager la suite." Du haut de son perchoir, Jean-Christophe est amer au regard de la foule qu’il balaye du regard.
"Il y a à peu près 3.000 personnes [au début de la manifestation, ndlr]. Ce n’est pas beaucoup. Quand on voit combien il y a de personnes dans les rues après une coupe du monde, c’est lamentable, et de conclure si il ne se passe rien ce sont nos enfants qui auront une vie de merde."
Margot, Natacha et Mathilda, étudiantes, 18 ans: "il ne faut pas baisser les bras"
Margot, Natacha et Mathilda sont étudiantes à Lyon. En week-end à Strasbourg, elles ont décidé de rejoindre la "Marche du siècle". "L’écologie, c’est un des sujets les plus importants du moment et pourtant il est dévalorisé et même nié par les gouvernements. C’est important de montrer que nous, en tant que citoyens, on y accorde de l’importance, et c’est pour ça que nous sommes là. Notre génération est sans doute la première qui constate les effets du réchauffement climatique, du coup, on se dit qu’on ne peut pas rester les bras croisés."
Ça ne suffit plus de trier ses déchets, il faut passer à l’étape supérieure
Margaux, Natacha et Mathilda, étudiantes
Convaincues et déterminées, les jeunes femmes se disent préoccupées. "C’est vrai que nous sentons un poids sur nos épaules. Mais il ne suffira pas de compter sur la jeunesse pour que les choses changent. Le mouvement doit être collectif et utile. Ça ne suffit plus de trier ses déchets, il faut passer à l’étape supérieure. Mais il ne faut pas que ce soit les vieux qui disent aux jeunes d’aller au front. Il faut que tout le monde s’y mette. Nous ne pourrons pas être la génération qui va tout faire changer sans soutien."
Tout faire changer, oui mais comment ? "C’est en manifestant qu’on va arriver à fédérer. On a remarqué depuis le début de l’année que les marches se multiplient, c’est très bien, ça doit continuer. Après, bien sûr qu’il faudrait aussi une vraie politique climatique. Le problème, c'est qu'en tant que jeunes on se sent exclus de la politique, on ne se reconnaît pas dans les paroles actuelles. Y a un problème de représentation. Et les manifestantes de conclure entre désillusion et optimisme, on a attendu trop longtemps mais il reste des choses à faire. Il ne faut pas baisser les bras."
Bruno, conseiller en environnement, 59 ans: "le paquebot est en feu"
Bruno non plus, on ne pouvait pas le rater ce samedi. Habillé en tenue de lapin, ce militant écologiste de la première heure est venu, comme tout le monde, crier son inquiétude.
"On arrive à un moment où se pose la question de la sursis de notre espèce. Ce n’est pas la planète qui a besoin de nous, c’est nous qui avons besoin de la planète. La biodiversité est en train de s’effondrer. Prenez la population des chauves-souris par exemple. En 10 ans, elle a diminué de 38%. Alors il faut se bouger. Ce qui est primordial, c’est l’éducation à l’environnement. Il faudrait aussi que l’Etat et les collectivités prennent un certain nombre de choses à bras le corps."
On n'a plus le temps d’être pessimiste
Bruno, conseiller en environnement
"Mais le problème, c’est que derrière il y a la logique économique et la puissance des lobbys. Nous ce qu’on demande c’est une vision politique à long terme. On est vraiment en train d’obérer la survie de l’humanité. Quand on entend des gamins dire: "ça sert à quoi d’apprendre des métiers sur une planète qui va mourir ?" Que voulez-vous leur répondre ? On n’a pas de planète B. On est dans un paquebot en feu. Malgré tout, je reste optimiste, on n'a plus le temps d’être pessimiste. Il n’est pas trop tard."