C'est une petite ville dans la ville. À Strasbourg, le Parlement européen s'étend sur 220 000 mètres carrés. Les nouveaux députés européens élus en juin tentent de prendre leurs marques dans ce dédale, qui recèle tout un tas de symboles. Visite guidée avec une Alsacienne qui le connaît par cœur.
Caroline Huck Hiebel travaille au Parlement européen depuis 2015. Un "rêve et une fierté" pour cette européenne convaincue, d'abord assistante parlementaire de la députée alsacienne Anne Sander jusqu'en juin 2024, et fonctionnaire au service communication de l'institution depuis. Intarissable au moment de nous faire visiter "son" Parlement.
Elle nous guide, de symbole en symbole, avec tout un tas d'anecdotes à partager. Des petites histoires qui racontent la grande et n'ont en réalité rien d'un hasard. Dans son architecture, le bâtiment Louise Weiss (le plus emblématique), inauguré en 1999, se veut l'incarnation de la démocratie européenne.
La tour de 60 mètres de haut est visible de loin. Et si vous vous êtes parfois dit en l'observant que son sommet est inachevé, sachez qu'il n'en est rien. Il a été spécialement dessiné ainsi pour "symboliser le projet européen en évolution, en construction", indique Caroline Huck Hiebel. Les façades en grès rose des Vosges - la pierre emblématique de l'Alsace -, inscrivent, elles, le Parlement européen à Strasbourg.
"De la même manière, regardez cette ligne rouge au sol qui traverse la cour de la tour en son milieu : elle représente le tracé du méridien de Greenwich. Le bâtiment a été conçu autour de cette ligne. Encore une fois, cela rappelle que le siège du Parlement européen se situe à Strasbourg, c'est très important pour nous en Alsace", détaille l'Alsacienne. Selon les heures, l'ombre de la cathédrale prend forme dans cette cour. Entre magie et symbole.
Immersion dans des lieux d'ordinaire inaccessibles
À l'intérieur, Catherine Huck Hiebel nous emmène dans des lieux fermés au public. Pour entrer dans les plus de 200 000 mètres carrés du Parlement, nous empruntons le tapis rouge. "Nous sommes privilégiées, chuchote-t-elle. Seules les grandes personnalités arrivent par cette entrée protocolaire du Parlement européen". Des chefs d'État, des premiers ministres, des acteurs célèbres ou le Pape François en 2014, par exemple.
Ce tapis rouge débouche sur l'escalier protocolaire. Une impressionnante structure où s'entrelacent en fait deux escaliers : "Si on prend du recul, on croit distinguer l’ADN du corps humain. Cela pour signifier qu’en Europe, nous nous développons tous ensemble. Nous avons une histoire commune et abordons l’avenir ensemble."
Direction désormais l'endroit préféré de la fonctionnaire : la grande passerelle au-dessus de l'Ill, qui fascine souvent les passants.
Eux doivent se contenter de l'admirer de l'extérieur. Caroline, elle, l'emprunte régulièrement, avec à chaque fois une pointe d'émotion : "Cette passerelle représente la paix. On est à quelques mètres de la frontière avec l'Allemagne, qui a été le théâtre de deux guerres mondiales. C’est donc important d’avoir un symbole de paix. J’ai grandi à Roeschwoog, qui se situe également à la frontière, mon papa était travailleur frontalier. Les ponts, ça veut dire beaucoup pour moi. C’est un beau clin d’œil."
552 combinaisons de langues différentes à interpréter en simultané
Lorsqu'elle travaillait au Parlement comme attachée parlementaire, elle fréquentait très régulièrement l'hémicycle, le "cœur du navire". Les 720 députés européens y passent quasiment une semaine par mois (du lundi au jeudi) pour voter les lois lors des sessions. À midi pile, chaque jour. "Chez nous, à midi, on ne mange pas, on vote !", sourit Caroline Huck Hiebel.
Même habituée de l'institution, elle reste émerveillée par son fonctionnement : des députés de 27 pays qui doivent travailler ensemble, négocier, s'accorder sur des compromis... et tout cela dans 24 langues différentes. Plus de 250 interprètes traduisent les débats en permanence. "Ça fait 552 combinaisons de langues différentes à interpréter en simultané, explique-t-elle à un groupe de visiteurs pour lequel elle donne une conférence. Si demain un agriculteur ne peut pas travailler au Parlement à cause de la barrière de la langue, il ne pourra pas représenter tous les agriculteurs derrière lui, c’est donc très important que chacun puisse s’exprimer dans sa propre langue et surtout comprendre la même chose que les autres."
En quittant l'hémicycle, nous sommes face à un alignement de petites passerelles. Là encore, très symboliques pour figurer la démocratie européenne : elles évoquent les fameux compromis. "D'un côté se trouvent les salles de réunion et les bureaux où on travaille pour trouver des compromis, incarnés par ces ponts. Puis en face, le processus se poursuit dans l’hémicycle où la loi est votée", détaille Caroline.
La jeune femme tient à faire connaître ces histoires et la manière dont le Parlement œuvre pour nous au quotidien. Elle invite les citoyens à visiter l'institution. C'est possible du lundi au samedi, librement et gratuitement. Car mieux comprendre l'Union européenne, c'est pouvoir participer aux débats. Fondamental selon elle, alors que l'Europe est de plus en plus décriée.
Lors des journées de sessions, vous pourrez découvrir une véritable fourmilière avec parfois 8 000 personnes sur le site. Le Parlement héberge plusieurs restaurants, un salon de coiffure, une crèche ou encore une salle de méditation.