REPLAY - "Faut-il supprimer l'ENA ?" trois raisons de regarder ce documentaire pour mieux comprendre les enjeux

C'est une école qui fait couler beaucoup d'encre: l'Ecole nationale d'administration, l'ENA. Depuis qu'Emmanuel Macron a évoqué son éventuelle suppression, le débat n'en finit plus. Voici 3 bonnes raisons de regarder le documentaire "Faut-il vraiment supprimer l'ENA", en replay. 

La polémique a été relancée par le président Emmanuel Macron en 2019. Le 25 avril, il déclare “je pense qu'il faut supprimer l'ENA [...], pas pour se donner le plaisir de supprimer, mais pour bâtir quelque chose qui fonctionne mieux” Le Président avait fait de la réforme de cette institution, un argument de sa campagne électorale.

L'auteur et politologue Roland Cayrol et le réalisateur Olivier Vaillant se posent la question "Faut-il supprimer l'ENA?" Un documentaire à voir en replay. Voici trois bonnes raisons de le regarder.


1 - Parce que l'ENA rime avec formatage et conformisme

Le président de la République, Emmanuel Macron, lui- même issu de cette école prend l'initiative d'évoquer, lors de sa campagne électorale d'abord, puis en avril 2019 la suppression de l'école. Et ce jeudi 8 avril, le couperet tombe : l'ENA est morte, vive l'Institut de service public (ISP). Au fond, que reproche-t-on à l'Ecole nationale d'administration?

Est-ce que notre haute fonction publique ressemble à la société que nous sommes? Non.
- Emmanuel Macron

L'ordonnance de Gaulle de 1945, à l'origine de la création de l'ENA visait à la démocratisation du système de recutement des élites par le biais d'un concours d'entrée à l'école d'administration. L'objectif de départ a petit à petit été perdu de vue. Qui ose se présenter au concours d'entrée? 

Il n'y a pas assez de gens qui se disent que c'est possible, qu'il faut tenter le concours. 
- Adélie Pommier, promotion Molière de l'ENA.
 

Pour moi, les gens qui préparaient le concours de l'ENA, c'étaient des demi-dieux et ceux qui étaient accepté des dieux, donc je n'avais pas le niveau.
- Julien Aubert, ENA promotion 2004, député LR

Le manque d'information, les inégalités de représentations de la société dans les promotions de l'ENA sont les premiers freins à une égalité des chances. 

On a besoin d'une fonction publique qui ressemble à la société au service de laquelle est se met
- Nathalie Loiseau, ancienne ministre, directrice de l'ENA de 2012 à 2017.

Si une ancienne directrice exprime cela, c'est qu'elle part bien du constat que ce n'est pas le cas. Anthony, élève de la promotion 2019 l'exprime à travers son propre exemple:

Les Antillais n'ont pas moins de chances que les autres Français d'intégrer les hautes écoles, mais il y a moins d'informations sur ce type de débouchés. 
- Anthony Broussillon, élève de l'ENA, promotion Molière.

L'ascenseur social, prévu à l'origine ne fonctionne pas. L'égalité des chances reste un objectif à atteindre.
 


La conséquence de cette inégalité c'est la fabrication d'un système de réseau d'influence. La création d'un moule du prêt-à-penser, promotion après promotion, entre étudiants issus du même milieu donc avec une pensée commune, formatée. Et un gouffre qui se créé avec la société.

 

Le problème de la France, ce n'est pas la qualité de ses élites, mais leur déconnexion. L'ENA est une machine à fabriquer de la déconnexion 
Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, ancien ministre.

C'est le cercle vicieux. Si des jeunes méritants n'osent pas se présenter aux concours, ne se présentent que les jeunes issus de classes favorisées, conscients de leurs chances. Les promotions sont alors constituées par une frange de la société déjà privilégiée, ne connaissant rien d'autre comme modèle de société. D'où un formatage et un conformiste qui est le reproche principal fait à l'école. 

On a des institutions qui sont des fabriques de mandarins. Sur huit présidents de la Ve République, quatre sont issus de l'ENA.
- Jean Peyrelevade, polytechnicien, promotion 1958, ancien président du Crédit lyonnais de 1993 à 2003.

Sans parler des conseillers dans les cabinets et les ministères, issus des grandes écoles, qui prennent à leur tour des engagements politiques, sont élus, donnant ainsi l'impression que le système du pouvoir s'auto-alimente. Dernier gros point noir, les fonctions de prestige - à vie - dans les grands corps d'Etat, qui confirment l'impression d'entre-soi. Impression à laquelle s'ajoute la circonstance aggravante du choix de poste en fonction du classement au concours de sortie et non pas le goût et l'appétence des tout nouveaux hauts fonctionnaires. Le prestige du poste prend le pas sur les centre d'intérêts des administrateurs.

Comment ne pas s'étonner du rejet des élites que ce système provoque? 


2 - Parce qu'on a besoin d'une administration compétente

Une question se pose. Si l'on envisage la fermeture de l'ENA : par quoi va-t-on la remplacer? Car l'enjeu de formation aux métiers de l'administration reste concret. Selon le directeur actuel de la grande école, l'avis des observateurs étrangers est unanime. Et doit rester le même.

Notre objectif, c'est que la France ait une administration intègre, compétente et admirée du monde entier. 
- Patrick Gérard, directeur de l'ENA, conseiller d'État.

Adélie, étudiante, confirme cette belle image des hauts fonctionnaires français:

C'est au cours de mon master aux États-Unis que je me suis rendue compte que pour être diplomate, il faut être fonctionnaire et que c'est la richesse du service public à la française.
- Adélie Pommier, ENA promotion Molière

Pourquoi fermer alors une école admirée, prestigieuse, qui forme correctement ses étudiants?

Un autre argument en faveur de l'ENA consiste à dire que pour réformer un système, il faut en connaître les rouages. Et que les étudiants d'aujourd'hui seront peut-être les réformateurs de demain. 

Si tu veux changer la société, c'est par l'Etat que passe la transformation, donc tu dois faire l'ENA. 
- Denis Olivennes, ENA promotion 1988, chef d'entreprise. 

Et c'est un argument repris par les étudiants de la promotion actuelle. Car un des points communs à tous ces jeunes, prêts à s'investir dans des études longues et sélectives est cette envie de changer le monde, de participer à la marche du temps. Un sentiment profond d'utilité et de service rendu à la nation. 

Sentiment qui est largement ressenti lors des deux stages obligatoires de la formation : en préfecture, en ambassade ou dans une institution européenne. Sur ce point, tous les anciens élèves s'accordent à dire que c'est le tournant de leur formation. 

Je viens de Paris, je ne connaissais rien à la province. J'ai alors découvert l'action de l'Etat (...). J'ai adoré.
- Denis Olivennes, ENA promotion 1988, chef d'entreprise. 

Contrairement aus stages d'observation classiques, les étudiants sont mis à contribution immédiatement dans leur affectation. En résulte un sentiment d'utilité, de progression concrète et de reconnaissance qui enchante tous les anciens stagiaires. 

Mes deux stages m'ont énormément marquée. 
- Chantal Jouanno, ENA, promotion 1999, présidente CNDP, ancienne ministre. 

Prestige de la fonction, sentiment d'utilité, reconnaissance des institutions, des qualités que l'ENA revendique et continue de conserver. 


3 - Parce que l'école peut évoluer 

Les détracteurs dénoncent l'arrogance, l'entre-soi, la cooptation des énarques. Les partisans saluent le prestige la compétence et l'utilité publique. L'entre deux serait d'imaginer une école où la sélection positive limiterait la toute-puissance des jeunes hommes blancs issus de classes favorisées.

Une école où les sélections issues des trois concours (externe, interne et le "troisième") seraient plus représentatives de la société et de ses évolutions. Avec par exemple une formation des jury sélectifs pour une plus grande ouverture. Et enfin où l'accent serait mis sur les points forts de la formation, c'est-à-dire les stages imposés, avec la mise en pratique concrète des actions de l'Etat sur la population, sa sécurité et ses droits. Une utopie ou le futur Institut du service public (ISP) remplira-t-il cette fonction ?
 

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