Le marché de Noël de Strasbourg, vieux de cinq siècles, est le plus ancien d'Europe. Mais sait-on pourquoi il s'appelle "Christkindelsmärik" ? Et comment il a évolué au fil des siècles ? Rund um a mené l'enquête, en fouillant dans les archives de l'INA.
Lorsque l'on demande à un bambin qui amène les cadeaux de Noël, il répond du tac au tac : "le Père Noël, bien sûr!". Mais ce n'est le cas que depuis un siècle. Avant le Père Noël, c'était le Christkindel qui amenait les présents - personnage de jeune femme tout de blanc vêtu, ressemblant à un ange. Un personnage apparu au 16e siècle, pour remplacer le Saint Nicolas.
"A l'époque", explique l'historien et auteur Guy Trendel, "il existait déjà un marché de la Saint Nicolas, place de la Cathédrale, à Strasbourg. Or, au temps de la Réforme, le conseil municipal de Strasbourg est devenu protestant. Il a donc cherché à se débarrasser du saint de tradition catholique. Ainsi est apparu le marché de Noël, qui se tenait plus tard, en décembre. Or, il manquait quelqu'un pour distribuer les cadeaux, et ce n'est pas le petit Jésus, bébé, qui pouvait s'en charger." C'est ainsi que le Christkindel serait né.
Une tradition païenne
Le personnage n'est pas sans rappeler une certaine Frau Berchta, de tradition païenne. Dans la mythologie celte, elle était fileuse et servait la déesse Freya, la femme de Wotan. Et puis, Berchta sauvait des enfants. Ainsi, les chrétiens en ont fait un personnage qui emmène les enfants morts-nés au ciel le soir de Noël.
"Il faut comprendre qu'autrefois, les parents d'un enfant mort-né n'avaient pas le droit de le baptiser, c'était donc une double peine pour eux", explique Guy Trendel. "Frau Berchta soulageait un peu leur tristesse". Une explication que l'historien a trouvée au cours de ses recherches en Roumanie, là où de nombreuses familles alsaciennes avaient été exilées au 18e siècle. Des protestants qui entretenaient la légende de Frau Berchta.
Le marché de Noël, une histoire de famille
A ses débuts, le marché de Noël de Strasbourg a continué à se tenir autour de la cathédrale. Quelques siècles plus tard, il s'est retrouvé place Kléber, puis place Broglie. Depuis quelques décennies, les chalets sont installés aux trois endroits. "Nous sommes plus de 300 commerçants aujourd'hui, alors qu'il y a cinquante ans, nous n'étions que 30 ou 40", raconte Hezedine Ben Mourdi, président du syndicat des forains du marché de Noël. "Les affaires ne marchaient pas très fort, et il faisait très froid. Nous avions du -10, -15 degrés".
L'on trouvait déjà des vendeurs de sapins, de décorations de Noël, ou encore des maraîchers, disparus aujourd'hui. Hezedine Ben Mourdi, lui, fabrique des chouchous et des pommes d'amour. "J'ai commencé quand j'avais douze ans", nous dit le septuagénaire. "Mon père m'a appris la confiserie. Mes frères, ma fille, mes neveux et nièces s'y sont mis aussi". Une histoire de famille qui se perpétue, comme beaucoup d'autres, au Christkindelsmärik. Avec une fréquentation de plus de 2 millions de visiteurs chaque année.