Féminicide : assassinat de Christine Bailly, son ex-compagnon condamné à 29 ans de prison aux assises du Bas-Rhin

Bruno Peter a tué son ex-compagne le 26 septembre 2020 d'une dizaine de coups de couteau portés à la gorge, il avait méticuleusement prévu de l'assassiner les jours qui ont précédé. Il a été condamné par la cour d'assises du Bas-Rhin le 26 janvier 2024 à 29 ans de réclusion criminelle, ainsi qu'à 10 ans d'inéligibilité et 15 ans d'interdiction de port d'armes.

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La cour d'assises du Bas-Rhin a condamné vendredi 26 janvier Bruno Peter à 29 ans de réclusion criminelle pour l'assassinat de son ex-compagne Christine Bailly à Wissembourg en 2020. Un verdict légèrement inférieur aux réquisitions de l'avocate générale, qui avait demandé dans la matinée une peine de 30 ans de réclusion, assortie de 20 ans de sûreté. 

À cela s'ajoute une peine d'inéligibilité de 10 ans, ainsi que 15 ans d'interdiction de port d'armes. Il devra également verser plus de 170.000 euros aux enfants, conjoints des enfants et petit-fils de la victime, au titre des préjudices affectifs, matériels et de frais d'avocat. Il dispose de 10 jours pour faire appel du verdict.

La troisième et dernière journée du procès de Bruno Peter aux assises du Bas-Rhin avait commencé par la projection de plusieurs photos de Christine Bailly en 2020 : posant en robe à fleurs, entourée de ses enfants ou souriant avec son petit-fils dans les bras. Perrine et Nicolas, les deux enfants de la victime sont en pleurs, l’accusé dans son box aussi.

L’avocate générale résume ainsi la relation entre la victime et l’accusé : "une histoire d’amour qui devient une histoire d’assassinat. Ce n’est pas un crime de passion, mais de possession. Christine Bailly était son objet, sa propriété. Quitter Bruno Peter et aller avec un autre méritait la peine de mort."

Ce n’est pas un crime de passion, mais de possession. Christine Bailly était son objet, sa propriété. Quitter Bruno Peter et aller avec un autre méritait la peine de mort

L'avocate générale

Le 26 septembre 2020 au matin, Bruno Peter a gazé puis tué Christine Bailly dans le sous-sol de sa maison de Wissembourg. Il lui a porté plus de dix coups de couteau à la gorge, après avoir soigneusement préparé son crime deux jours avant, et anticipé sa cavale vers le Sud de la France. Il sera arrêté à Alès dans le Gard le 28 septembre, en possession de l’arme du crime, d’argent liquide et de nombreux effets personnels. Il a rapidement reconnu les faits. 

Les trois jours du procès aux assises du Bas-Rhin ont permis d’affirmer qu’il y a bien eu préméditation, qu’il s’agit bien d’un assassinat suivi d’une cavale, méticuleusement préparés plusieurs jours auparavant par Bruno Peter. À aucun moment, son jugement n’a été altéré. Il a agi comme il avait prévu de le faire, sans aller jusqu’au suicide qu’il annonçait.

Un accusé égoïste et obsessionnel

Tout commence en 2019, via un site de rencontres. Lui cherche une compagne, alors qu’il est déjà en couple. Elle cherche à rencontrer quelqu’un, un an après la mort de son mari. Ils font des voyages, des sorties, vivent ensemble, puis se séparent une première fois. En juin 2020, Christine Bailly met un terme à leur relation, en expliquant pourquoi elle n’est pas heureuse, accaparée par une relation amoureuse qui ne la satisfait plus.

Bruno Peter refuse de reconnaître la fin de cette relation, et va continuer de harceler son ex-compagne de messages. Lui enjoignant de le revoir, de partir avec lui au mois d’août en vacances, de lui expliquer encore une fois ce qui ne va pas. 

Un message daté du 2 août 2020, écrit par Christine Bailly à Bruno Peter est "d’une clarté biblique" pour Maître Francis Metzger, avocat des parties civiles : "J’ai voulu rompre avec toi parce qu’au fond de moi-même, je sentais que je m’éloignais de mes enfants, je passais trop de temps avec toi. [...] Ton côté insistant et accaparant, je l’ai ressenti avant déjà, je n’étais pas heureuse à 100%. […] Je me suis réinscrite récemment sur le site de rencontres, je te signale que tu as fait de même de ton côté, et que je n’ai pas porté de jugement."

L’avocat des enfants de la victime insiste sur ces échanges de SMS, très fréquents alors même que l’accusé ne vit plus avec la victime depuis plusieurs mois : "plus il sent Christine Bailly lui échapper, plus il redouble d’assauts verbaux, de « ma chérie », de « je t’aime ». Il y a un refus fondamental, catégorique de l’altérité, pointé aussi par l’experte psychiatrique. L’autre n’existe pas. Il portait le casque d’une surdité volontaire, il n’entend pas ce que dit Christine Bailly, il ne cherche qu’à réfuter ses propos et continuait à mouliner dans une seule direction : la sienne. Aucun avis ne pouvait exister dans un sens différent du sien."

Il y a un refus fondamental, catégorique de l’altérité. L’autre n’existe pas [chez Bruno Peter]

Maître Metzger, l'avocat des parties civiles

Son obsession pour Christine Bailly ne cesse d’empirer, il met même en place une surveillance de son ex-compagne : une voisine directe est chargée de surveiller les allers et venues au domicile de l’ex-compagne, un ami passe parfois devant son domicile pour lui donner quelques informations supplémentaires, un troisième surveille sa messagerie et sa présence sur les sites de rencontres.

Tout s’accélère dans la tête de Bruno Peter quand il apprend qu’elle a rencontré quelqu’un, un autre Bruno, le hasard sans doute. Le 18 septembre, la voisine appelle Bruno Peter pour lui décrire le véhicule du nouvel amant, elle lui délivre tous les détails, sa voiture est immatriculée dans le Gard, il a passé la nuit sur place. Quand il repart quelques jours plus tard, Bruno Peter met en route son projet.

Un crime préparé minutieusement plusieurs jours avant

Dans une lettre retrouvée à son domicile, Bruno Peter expliquait son geste avant même de le commettre : "j’ai fait ma justice à ma façon, je préfère quitter le monde", "j’ai décidé de tuer Christine parce qu’elle s’est bien moquée de moi. […] elle m’a trahi".

Jeudi 24 septembre, il se rend dans une armurerie en Allemagne, où il achète une bombe au poivre et un couteau de chasse à manche orange. 

Le lendemain, il fait le plein d’essence en Allemagne, et se rend dans la soirée à sa banque à Herlisheim pour essayer de faire plusieurs retraits d’argent liquide. Il ne parvient qu’à retirer 300 euros. Il va nager dans une piscine en Allemagne, puis charge sa voiture des affaires qui seront retrouvées lors de son interpellation, trois jours plus tard, "un véritable kit de survie", détaille l’avocate générale : une couverture, des habits, une lampe, du papier toilette, une boussole.

J'ai décidé de tuer Christine parce qu’elle s’est bien moquée de moi

lettre de Bruno Peter écrite avant l'assassinat de son ex-compagne

Et une liste d’amis, numéros de téléphone et adresses pour pouvoir passer des coups de fil sans allumer son portable.

Samedi 26 sept, avant 9h, il est de nouveau devant l’agence bancaire, pour demander un retrait exceptionnel de 1.500 euros. Il est détendu et fait même la causette avec une cliente. Puis il se rend chez Christine Bailly, à 30 minutes de route, prétextant de reprendre son barbecue qu’elle lui demande de venir chercher depuis leur rupture. 

Une scène de crime particulièrement sanglante

En sortant de sa voiture, devant la maison de son ex-compagne, il est muni d'un couteau et de la bombe au poivre. Il sait que son ex-compagne est seule ce jour-là. La surveillance qu’il a mise en place le renseigne précisément. "Il avait déjà décidé de passer à l’acte, ce serait arrivé de toute façon", explique Maître Metzger.

Après avoir demandé à rentrer dans la maison, pour aller aux toilettes, il revient vers Christine Bailly. Il vide la moitié de sa bombe au poivre sur son visage, elle tombe dans l’escalier et il se jette sur elle, il s’acharne sur son cou et sa nuque "avec sauvagerie, une sauvagerie liée au nombre de plaies et leurs positions, avant l’égorgement final". Face à cette violence, Christine Bailly essaie de se défendre, mais elle succombera rapidement à ces blessures fatales : les deux carotides sont sectionnées. "Il a envie de tuer, de la faire disparaître, de l’annihiler". Puis, il se lave les mains, immerge le portable de sa victime dans l’eau et coupe le sien. Il se changera quelques kilomètres plus loin, dans une forêt et abandonnera ses habits maculés de sang, avant de prendre la route vers le Sud, en passant par les départementales.

S’ensuit une cavale, une fuite en voiture, il va à l’hôtel et au restaurant, paie en liquide et utilise des téléphones empruntés à des inconnus. Recherché, il est finalement interpellé par les forces de l’ordre deux jours plus tard dans le Gard. Dans sa voiture, les enquêteurs trouveront le couteau à manche orange. Bruno Peter avouera assez rapidement le crime mais refusera de reconnaître formellement la préméditation, y compris au cours des trois jours de procès, après les témoignages à la barre des experts, enquêteurs et médecin légiste.

Les enfants de Christine Bailly veulent que chacun agisse contre les futurs féminicides

Les trois juges et les six jurés ont retenu la préméditation à l'unanimité. Les enfants, tous deux adultes, de la victime se disent contents que justice soit faite. "Ça nous paraît mérité", précise Nicolas Bailly.

"Mais un nombre d'années, ça ne nous parle pas et on n'arrive pas à faire une équation avec ce qui va nous manquer toute notre vie et tous les moments qu'on passera plus avec notre mère, et tout ce qu'elle aura loupé aussi, ça ne s'exprime pas en un nombre d'années."

Perrine Bailly ajoute qu'ils étaient venus avec trois objectifs : le vœu que la préméditation soit confirmée et retenue par le tribunal, le souhait d'exprimer devant la cour ce qu'ils vivent depuis l'assassinat de leur mère et la volonté de parler de leur mère au tribunal, pour expliquer quelle personne positive, joyeuse et aimante elle était. "Ce n'était pas une nième victime aux faits sanglants. C'était une mère, une grand-mère, une belle-mère et aide-soignante engagée auprès de ses patients et de sa famille."

Ils ont été entendus, et repartent un peu plus serein après l'audience, mais s'ils se disent "vidés et épuisés par les trois jours d'audience".

Ce qu'il faut retenir de ce procès c'est que la foudre ne s'abat pas sans prévenir. Il y a plein de gens qui sont au courant et qui portent une responsabilité

Nicolas Bailly, fils de la victime de Bruno Peter

Christine Bailly était le 68e victime de féminicide de l'année 2020 en France, il y a eu 102 femmes mortes sous les coups de leurs partenaires ou ex-partenaires cette année-là. "La source d'espoir, ce sera quand sur plusieurs années, et de manière marquée et pérenne, on aura des chiffres [de féminicides] qui baisseront", a ajouté Nicolas Bailly.

"Et ça c'est de la responsabilité de chacun. Ce qu'il faut retenir de ce procès c'est que la foudre ne s'abat pas sans prévenir. Il y a plein de gens qui sont au courant et qui portent une responsabilité sur les risques encourus par leur voisine, leur amie, les membres de leur famille.Il faut agir en tant que citoyens pour que ce fléau cesse".

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