Schiltigheim : une campagne d'affichage choc contre les violences faites aux femmes

Durant tout ce mois de novembre, la ville de Schiltigheim organise une campagne d'affichage sur les violences faites aux femmes : harcèlement, viols et féminicides. Afin d'éveiller les consciences et contribuer à libérer la parole.

Depuis le 2 novembre, des textes s'affichent en grand dans les rues de Schiltigheim, en noir et en violet, couleur du féminisme. Des phrases choc, type slogans de manifestations, accompagnées de chiffres qui parlent d'eux-mêmes.

"Ma jupe n'est pas une invitation - 1 femme sur 5 a été victime de harcèlement sexuel au travail" - "Tu n'as pas compris quoi dans "Non" ? – 94.000 femmes sont victimes de viol ou tentative de viol par an" – ou encore "Il ne m'a frappée qu'une fois – chaque année, 213.000 femmes sont victimes de violences de la part de leur conjoint ou ex-conjoint".

Durant tout ce mois de novembre, d'autres affiches, d'autres phrases, suivront : "Elle a pas l'air si choquée que ça - 32% des femmes victimes de viol ou de tentative de viol ont tenté de se suicider. Et ça, ça ne vous choque pas ?". Ou : "Dans 15 féminicides, c'est Noël  - 122 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint en 2021".

Cette installation progressive se fera jusqu'au 25 novembre, Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, instaurée par l'ONU en 1999. La campagne est également visible à Mulhouse (Haut-Rhin).

Pour la municipalité, cette montée en puissance et en intensité résulte d'un choix assumé : "Il s'agit de préparer les esprit, d'intriguer, en voyant qu'il y en a de plus en plus" explique Danielle Dambach, maire (EELV) de la troisième commune du Bas-Rhin. Afin d'interpeller, bousculer et aider à libérer la parole. 

"Il est extrêmement important d'alerter l'opinion publique sur ce qui reste encore trop souvent caché, et non-dit" précise la maire. "Tout le monde doit se sentir visé, car le premier écueil est l'indifférence. Souvent, l'entourage (d'une femme victime de violence) sait, mais n'ose pas en parler." L'objectif de cette campagne est donc "de dire que ça nous concerne tous. C'est l'affaire du collectif, et pas d'une femme seule qui se fait agresser."

Des premières réactions mitigées

Durant ces premiers jours, les affiches sont encore discrètes. Peu nombreuses, et principalement placées sur des panneaux déroulants, donc seulement visibles par intervalles. "Je travaille juste à côté, et ne les avais pas encore vues" explique un jeune homme. "Mais le texte est provocateur, ce qui est bien, ça interpelle."

"C'est vraiment très bien qu'il y ait ce genre de sensibilisation. C'est une bonne idée" estime un autre jeune passant. Et un troisième renchérit : "C'est cool qu'on puisse avoir un élan sur ce sujet si important. Ce n'est pas normal qu'on ait encore ce genre de violence dans notre société actuelle. J'espère que ça va aider à changer les choses. Plus on aura de la prévention, de l'affichage, des discours, plus on avancera."

Devant le panneau énonçant "Ma jupe n'est pas une invitation", un homme commence par avancer qu'"il faut comprendre que, parfois, il y a des femmes provocantes". Avant de se reprendre, en reconnaissant que "les femmes ne peuvent plus se promener comme elles veulent, les gens les agressent, sifflent et arrêtent même leur voiture" pour les accoster. Et de conclure : "Il faut changer cette mentalité, parce que c'est exagéré."

D'autres passants, principalement des femmes, sont d'avis que cette campagne "est un début, mais ne suffira pas." L'une doute fort que "les personnes qui font subir de la violence aux femmes se sentent concernées par ce type de slogan." Une autre pense que pour "soulager la violence", il faudrait plutôt "aller sur le terrain, dans les foyers pour femmes, dans les cellules de prison (…) pour approcher de la réalité et de la vérité."

Plusieurs Schilikois verraient plutôt des "campagnes de sensibilisation dans les établissements scolaires", parfois même "dès la maternelle et la primaire, pour parler de ça, et pas attendre l'âge adulte." 

Comment aller plus loin ?

Pour Anaïs Fuchs, une avocate strasbourgeoise régulièrement appelée à défendre des femmes victimes de harcèlement ou de violences conjugales, cette campagne d'affichage de Schiltigheim est la bienvenue. "Compte tenu des chiffres absolument alarmants des féminicides en France, et des violences faites aux femmes de manière générale, tous les moyens sont à explorer, il faut monter en force pour lutter contre ce phénomène" affirme-t-elle. "Si on voit (ces phrases) dans la rue, au moins, ça fait parler, ça fait débat, ça provoque peut-être des discussions le soir autour de la table, et ça libère la parole, c'est forcément positif."

Autre avantage, selon elle : ce genre d'affiches peut aider certaines femmes à réaliser qu'elles sont victimes. "Si on est sous l'emprise d'une personne violente, parfois on encaisse cette violence au quotidien sans vraiment mettre un mot sur ce qu'on vit" explique-t-elle. "Mais ces phrases choc peuvent aider à se dire : 'C'est ce que je suis en train de vivre, et ce n'est pas normal. Et peut-être qu'il faudrait que j'aille demander de l'aide.'"

Une aide pour laquelle certaines femmes commencent par solliciter, non pas la police, un avocat ou une association, mais la mairie. "Le maire et les conseillers municipaux sont des acteurs de la vie politique locale, et donc des interlocuteurs privilégiés pour les citoyens" rappelle Anaïs Fuchs. "Certains citoyens vont donc plus facilement se diriger vers eux." 

Une situation que Danielle Dambach connaît bien. C'est pourquoi le personnel d'accueil de la mairie de Schiltigheim, mais également la police municipale, sont formés "à avoir une première écoute active, afin de prendre ces femmes au sérieux, et savoir vers où les diriger."  

Avant la fin novembre, une dernière affiche sera placardée au point information de la mairie, ainsi qu'à l'intérieur du bâtiment. Intitulée "à nos mortes", elle rappellera qu'en France, rien qu'entre le 1er janvier et le 14 octobre de cette année, 106 femmes ont succombé sous les coups d'un conjoint, ex-conjoint ou proche. L'affiche listera tous les noms des victimes, ainsi que la date et la cause de leur décès. Un dernier "coup de massue", afin que chacun comprenne l'urgence d'agir, à son niveau. Enfin.

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