Le gouvernement annonce ce lundi son nouveau plan Ecophyto. Objectif : réduire de 50% l'utilisation des produits phytosanitaires d'ici 2030 en France. Les agriculteurs seront accompagnés dans cette transition. Les pesticides sont-ils très utilisés en Champagne-Ardenne ? Le point par secteur.
Que risquons-nous à habiter dans la campagne champardennaise ? Les vignes s'étendent à perte de vue dans la montagne de Reims et les champs de blé font blondir l'horizon. Derrière ce tableau bucolique, une réalité bien moins agréable : la présence massive de pesticides, justifiée par les agriculteurs et dénoncée par les associations environnementales. Alors que le gouvernement réaffirme sa volonté de réduire leur utilisation, dans son nouveau plan Ecophyto présenté ce lundi, où en sommes-nous dans notre région ?
Des pesticides dans les vignes et zones céréalières
Dans une carte interactive produite par l'association Solagro, association qui évalue notamment l'impact environnemental de l'agriculture, la Champagne-Ardenne se pare de rouge. Sur cette carte, produite en partie avec les données de l'Agreste (agence de statistiques agricoles) en 2023 pour évaluer l'utilisation des pesticides, cette couleur désigne un traitement très fréquent des surfaces agricoles avec produits phytosanitaires.
Parmi les zones les plus touchées : les vignes d'Epernay et de la montagne de Reims, mais aussi les secteurs céréaliers de Suippes et des alentours de Sommesous, entre la Marne et l'Aube, les vignes du Sézanais et, dans une moindre mesure, le sud de Rethel.
L'utilisation des pesticides est donc fréquente dans nos campagnes. Selon la DRAAF (Direction régionale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt), la Champagne-Ardenne représente même les deux tiers de l'utilisation de produits phytosanitaires dans le Grand Est, sur la période 2014-2019.
La moitié de ces produits sont des herbicides, notamment le glyphosate dans les vignes. Les trois quarts des surfaces viticoles traitées avec un herbicide le sont d'ailleurs avec du glyphosate. Ces produits servent à lutter contre les mauvaises herbes, qui viennent concurrencer les cultures, afin d'augmenter les rendements.
Quel impact sur la santé ?
Les pesticides et leurs résidus se retrouvent un peu partout : dans notre nourriture, mais aussi dans notre air.
Dans son rapport de 2022, évaluant la situation des pesticides dans le Grand Est, l'ATMO (association surveillant la qualité de l'air) rappelle que les pesticides peuvent contaminer l'air ambiant, par dérive au cours du traitement, par volatilisation des substances ou à cause du vent qui balaye les particules au sol sur lesquelles des pesticides peuvent être fixés. Le rapport pointe notamment du doigt la présence de cinq substances interdites sur certains sites.
L'eau est également touchée. En 2023, des métabolites (ou résidus) de chloridazone avaient été retrouvés dans l'eau du Grand Reims, alors que ce pesticide est interdit en France depuis 2020.
Habiter près des vignes ou des champs traités n'est donc pas anodin. Le ministère de la santé rappelle qu'une exposition répétée à ces pesticides peut avoir des conséquences sur la santé à court et long terme.
Des études épidémiologiques ont mis en évidence des liens entre l’exposition aux pesticides et le risque d’apparition de pathologies cancéreuses, neurologiques ou encore de troubles de la reproduction, en particulier en milieu professionnel.
Ministère du travail, de la santé et des solidarités
Réduire les pesticides en Champagne-Ardenne ?
Compte tenu de la nature de nos cultures, se séparer des pesticides en Champagne-Ardenne n'est pas simple. Dans un rapport remis au gouvernement en 2017, les experts concèdent que l'émergence de nouveaux nuisibles (pucerons, cicadelles, mouches mineuses de céréales, etc.) pouvait "rendre parfois nécessaire le traitement", notamment dans certaines cultures céréalières, surtout le blé. Or, le Grand Est est la première région céréalière de France : dix millions de tonnes de céréales y sont produites par an, dont la moitié de blé, selon l'association Intercéréales.
Des efforts ont toutefois été constatés. Selon la DRAAF Grand Est, on observe en 2019 une baisse des achats de pesticides de 28% en Champagne-Ardenne par rapport à 2018. Des chiffres qui semblent encourageants mais qui sont à relativiser, car ils font suite à une hausse des achats de 13% dans le Grand Est, constatée l'année précédente.
Le nouveau plan Ecophyto, présenté par le gouvernement aujourd'hui, prévoit, lui, une réduction de 50% de l'utilisation des produits phytosanitaires d'ici 2030. Une date repoussée à plusieurs reprises. Le gouvernement se félicite d'avoir déjà réduit drastiquement l'utilisation des pesticides. L'ONG Générations Futures, elle, dénonce un simple et "trompeur" changement d'instrument de mesure.