Cette initiative citoyenne qui vise à désigner un candidat pour représenter la gauche à l'élection présidentielle à du mal à séduire en Champagne-Ardenne. Que ce soit du côté des militants ou des élus.
"Une fausse bonne idée", "un concours de beauté", "désespérant". Les mots ne manquent pas pour qualifier la Primaire populaire. Pourtant, tout partait d'une bonne intention, celle d'unir la gauche "car un candidat seul ne peut pas arriver au second tour" comme l'explique Robin Le Priol, chargé de mobilisation à la primaire de la gauche, en amont de l'élection présidentielle 2022.
Cette initiative originale est née du rassemblement de divers mouvement du climat, féministe, anti-raciste et bien d'autres. Ils ont rédigé un "socle commun" qui détaille l'ensemble des valeurs qu'ils s'engagent à défendre tel que la justice sociale, la justice environnementale et la justice démocratique.
Candidats malgré eux
Huit mois après sa création, cette primaire populaire cherche maintenant à élire le candidat qui sera le plus à même de défendre ces valeurs parmi des personnalités proposées par les citoyens. Sept noms sont proposés : Anna Agueb-Porterie, Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Pierre Larrouturou, Charlotte Marchandise, Jean-Luc Mélenchon et Christiane Taubira.
Mais tout ne se déroule pas comme prévu : Jean-Luc Mélenchon, Anne Hidalgo et Yannick Jadot claquent la porte à cette primaire. Ce dernier la qualifie même de "tromperie". Seule Christiane Taubira s'est engagée à respecter l'issue de la primaire, c'est-à-dire en cas de victoire se présenter à l'élection présidentielle, ou en cas de défaite soutenir le vainqueur.
Peu de défenseurs en Champagne-Ardenne
Aujourd'hui, la Primaire populaire fait parler d'elle, car plus de 250 000 personnes se sont inscrites pour voter. C'est plus que lors de la primaire d'Europe Ecologie les verts et des Républicains.
Une primaire qui rassemble ... mais peu dans la région. "La Champagne-Ardenne est une des seule zones où il n'y a pas de groupe local qui fonctionne" détaille Robin Le Priol. Et cela se voit sur la carte des groupes locaux sur leur site internet : il y a comme un trou en Champagne-Ardenne. Des groupes locaux ont par le passé existé à Charleville-Mézières et Reims, mais n'ont pas subsisté. Les organisateurs assurent qu'un nouveau est en création à Troyes et qu'ils cherchent toujours à recruter dans la région.
Même la gauche n'y croit pas
Cette faible présence de la Primaire populaire dans la région s'explique en partie par la configuration politique champardennaise : le conseil régional est à droite, les conseils départementaux sont à droite, les grandes villes ont des maires de droite, les élus parlementaires sont essentiellement de droite.
Mais même à gauche certains élus mettent peu d'espoirs en cette primaire. Comme Olivier Girardin, maire de La Chapelle-Saint-Luc fidèle du Parti socialiste qui n'a jamais renoncé à son étiquette. "Le principe d'une primaire populaire, pourquoi pas. Mais au regard de la situation, j'avoue ne pas comprendre où on est. On a empêché Arnaud Montebourg et Fabien Roussel de participer et on met Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon et Anne Hidalgo qui n'en veulent pas".
Ce fidèle du PS dit son "désespoir" voire "lassitude" vis-à-vis de la situation politique de la gauche. Pour lui, il y a trop de candidats à gauche, ce qui la rend inaudible. "Il y a un refus de la gauche d'incarner une majorité. Quand on incarne une majorité, on fait moins de bruit, on entend que son point de vue, ses convictions sont à modérer en regard du chemin qui vise à rassembler".
Il y a un refus de la gauche d'incarner une majorité
Olivier Girardin, maire de La Chapelle-Saint-Luc (PS)
Juste un "concours de beauté"
Ce rassemblement impossible, Christophe Dumont, secrétaire régional d'Europe Ecologie les Verts, le partage : "L'union ça ne se décrète pas, ça se construit sur la durée. Ce n'est pas un point de départ, c'est un aboutissement". Selon lui, la Primaire de la gauche est "fausse bonne idée". Il pointe du doigt le flou qui règne autour du programme politique porté par cette primaire : "C'est juste un concours de beauté sans savoir sur quel programme on part, ce n'est pas sérieux".
L'union ça ne se décrète pas, ça se construit sur la durée.
Christophe Dumont, secrétaire régional d'Europe écologie les verts
Christophe Dumont renvoie la balle de l'union de la gauche en faisant observer qu'ils ont déjà participé à cet effort de rassemblement dans certains cantons aux élections départementales et surtout à la dernière élection présidentielle en se rangeant derrière la candidature de Benoît Hamon.
"Une bonne initiative"
A l'opposé, Florian Lecoultre, maire de Nouzonville Divers gauche, croit en cette primaire, justement au nom de l'union de la gauche. "Autant de candidatures à gauche ça me mortifie car c'est l'échec assuré au premier tour". Il assure qu'il s'inscrira pour voter à cette primaire même s'il ne sait pas encore pour qui. "Je loue la volonté de cette primaire. Si c'est de dégager un candidat commun, c'est une bonne initiative. Mais comme Mélenchon, Jadot et Hidalgo sont tous candidats isolés, ce sera un coup d'épée dans l'eau, c'est désespérant". Cet élu a d'ailleurs signé le serment de Romainville aux côtés d'une centaine de maires et élus régionaux pour implorer les candidats de la gauche de s'unir, sous peine de ne pas parrainer de candidats à l'élection présidentielle.
Tous saluent la forte mobilisation autour de cette primaire avec ses 250 000 inscrits mais relativisent "Ca ne me paraît pas beaucoup 250 000 personnes qui veulent la victoire de la gauche" estime Christophe Dumont. Olivier Girardin renchérit : "Si toutes gauches confondues il n'y a que 250 000 personnes qui veulent se battre, il y a un problème. 250 000 ce n'est même pas le PS il y a 15 ans ..."
Autant de candidatures à gauche ça me mortifie car c'est l'échec assuré au premier tour
Florian Lecoultre, maire de Nouzonville (DVG)
Côté organisateurs, on espère que ce nombre important donnera de la légitimité à ce qui est "la plus grosse primaire pour 2022". La Primaire de la gauche continue d'espérer qu'après leur scrutin du 27 au 30 janvier, tous les candidats de la gauche se rangeront derrière le gagnant.
A moins de trois mois du premier tour de l'élection présidentielle, tout peut encore se jouer.