Le gouvernement a décidé d'engager sa responsabilité pour faire passer le projet de loi sur la réforme des retraites, via le fameux article 49 alinéa 3 de la Constitution, ce jeudi 16 mars. France 3 Champagne-Ardenne a recueilli l'analyse du politologue Olivier Dupéron.
Des huées à l'Assemblée nationale. Ce jeudi 16 mars 2023, le gouvernement a décidé d'engager sa responsabilité en recourant à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution française.
Son principe est simple. Incertain de sa majorité pour faire voter le projet de loi devant réformer les retraites, le gouvernement engage sa responsabilité. L'Assemblée nationale voit alors ce texte adopté, à moins de déposer sous 24 heures une motion de censure du gouvernement, puis réussir à la voter.
Si la motion échoue, le texte passe. Dans le cas contraire, le gouvernement doit démissionner (et le texte ne passe pas). Dans la foulée, le président de la République peut faire usage de son droit de dissolution, appelant ainsi à de nouvelles élections législatives. Lesquelles seraient alors très incertaines.
Le politologue Olivier Dupéron était présent sur le plateau du 19/20 de France 3 Champagne-Ardenne. Questionné par la journaliste et présentatrice Leïla Salhi, il a tenté d'éclairer la situation actuelle, très agitée.
Quelles vont-être les conséquences de ce passage en force ?
"Les conséquences sont imprévisibles. En tout cas, la situation est assez inédite sous la Ve République. En réalité, elle l'est depuis les législatives de l'année dernière. On est dans l'énième réplique de cette absence de majorité en France. La réalité, c'est qu'il n'y a pas de majorité aujourd'hui au Parlement. On a recours à des procédures qui sont normalement exceptionnelles. Et qui deviennent une méthode de gouvernement. Élisabeth Borne en est à son onzième 49.3 [réservé normalement pour le vote du budget ou de la loi de financement de la Sécu', ainsi qu'un autre texte par session, ici celui sur les retraites donc; ndlr], c'est à dire à elle seule 10% de ceux pratiqués depuis 1958."
Est-ce que la France est encore gouvernable ?
"Elle est gouvernable, mais dans la tension, dans une forme de contrainte des institutions, de contrainte procédurale. On peut effectivement - et c'est effectivement ce qui est en train de se passer - passer systématiquement en force. Sans vote, au 49.3, on a eu le vote bloqué au Sénat... On a tout l'arsenal constitutionnel qui est actuellement en train d'être mis en oeuvre. Mais on se dit quand même que ces cinq ans de législature vont être extrêmement longs."
Une motion de censure transpartisane peut-elle fonctionner ?
"Sur le papier, mathématiquement : oui. Politiquement, probablement pas. Pour que le gouvernement soit renversé, il faudrait que très très majoritairement, une cinquantaine d'élus sur les 62 du groupe Les Républicains vote la motion de censure [appelée des voeux du député centriste Charles de Courson; ndlr]. C'est possible - on n'est pas à une surprise près - puisqu'il faudrait vraiment une alliance de tous les partis contre la majorité pour que cette motion passe. Et après, la question sera : qu'est-ce qu'on fait? Comment on gouverne ? Comment on construit un dialogue avec les corps intermédiaires, comment on renoue également avec une forme de travail apaisé ? Là, on est dans l'hystérisation totale à l'Assemblée nationale."
Quelle forme pourrait prendre la mobilisation dans la rue ?
"Il faut aussi apaiser, et tenir compte, du terrain. Et c'est évidemment l'élément qu'on maîtrise le moins. On a connu les Gilets jaunes, par exemple Il y a aussi la crise sanitaire, la situation internationale très compliquée. On a une inconnue, qui pourrait peser sur l'évolution de la vie politique. On sait qu'Emmanuel Macron a l'intention de s'adresser, peut-être à la fin fin mars, aux Français; relancer les questions institutionnelles. Mais ça risque d'être très compliqué maintenant. "