A Colmar, face aux critiques, le chef étoilé Jean-Yves Schillinger réagit: "les gens sont bêtes et méchants""

Faire un repas gastro pour les détenus de la maison d'arrêt de Colmar : l'initiative de Jean-Yves Schillinger n'a pas plu à tout le monde. Sur les réseaux sociaux, certains se sont déchaînés. Face à cette déferlante de commentaires négatifs, Jean-Yves Schillinger réagit.

Avoir la main sur le coeur peut parfois avoir de sales répercussions. Jean-Yves Schillinger s'en doutait. Là, il en est sûr. Le chef étoilé du JY's  s'est rendu lundi 12 novembre à la maison d'arrêt de Colmar pour concocter un menu gastronomique aux quelque 80 détenus de l'établissement. Mal lui en a pris. Dès le lendemain, sur les réseaux sociaux y compris sur notre page Facebook, il a été la cible de propos haineux tout bonnement honteux. Joint par téléphone, Jean-Yves Schillinger nous raconte.
  

"Si c'était à refaire, je le referais" 

Ce n'est pas un euphémisme de dire que Jean-Yves Schillinger a en gros sur la patate. Et pas besoin d'être chef étoilé pour se mettre à sa place. Quand Marguerite Rodenstein, visiteuse à la maison d'arrêt de Colmar, lui propose de venir y cuisiner un menu gastronomique, ce dernier n'hésite pas une seconde. Faire le bien en même temps que le bon, ça ne se refuse pas si?

"Ça partait d'une bonne intention, ça l'est toujours d'ailleurs. Et mieux, si c'était à refaire, je le referais. Le chef a ainsi servi 140 couverts gastronomiques aux détenus, mais aussi au personnel de l'établissement. Tout le monde était ravi, détendu, la cuisine était nickel, très propre. Ça a été un réel plaisir. Moi je ne suis pas là pour juger."


Moi je ne suis pas là pour juger, mais pour cuisiner


Oui, mais voilà, certains ont décidé de le faire à sa place. De juger. Et de façon assez consternante. Cette initiative qui devait rester confidentielle a été médiatisée. Nous France 3 Alsace, France Bleu, les DNA, bref les grands classiques régionaux ont été conviés au repas. Question de relayer, une fois n'est pas coutume, une belle histoire. Et bien évidemment postée sur les réseaux sociaux.

 

" Les gens sont bêtes et méchants"

Dès le lendemain, ça n'a pas fait un pli de tablier, les commentaires haineux et stupides sont arrivés. Sur notre page Facebook comprisDes commentaires au ras des paquerettes. Florilège. 

"J'ai reçu des milliers de messages comme ceux là. Des insultes sur les réseaux sociaux et ma propre boîte mail. De Caen, d'Angers, de partout en France. J'ai eu droit à des commentaires négatifs sur mon restaurant sur des sites comme Trip Advisor. Ils se sont déchaînés. J'ai été très surpris. J'ai même dû fermer provisoirement le compte Facebook du restaurant."

Des critiques que Jean-Yves ne comprend pas. " Déjà, il faut savoir que certains détenus sont en prison pour pas grand-chose et que quand bien même ces gens sont en train de payer leur dette à la société." Des gens qui vivent dans des conditions difficiles. C'est un fait. " Leur apporter du réconfort est, selon moi, faire une bonne action." Ça aussi c'est un fait. Implacable.
 

Dans les commentaires, c'est simple, les détenus doivent crever


Certains commentaires tournent en boucle. "Y en a qui reviennent souvent : et les SDF ? Et les Ehpad ? Dans les commentaires, c'est simple, les détenus doivent crever." Comme s'il devait y a avoir une préférence dans le malheur. Une hiérarchie dans la détresse humaine. " Les gens sont bêtes et stupides. Ce sont des imbéciles. J'ai déjà cuisiné pour les SDF à Colmar et là comme par hasard, aucun commentaire ni en bien ni en mal. Tout le monde s'en fout. Quant aux Ehpad si on m'y invite, bien évidemment, j'y vais." 
 


"Moi, un incendie criminel a détruit ma vie"

Jean-Yves Schillinger comprend d'autant moins toute cette violence que lui même a été victime d'un acte criminel. Il aurait pu, oui, faire partie de la meute. Il a choisi une autre voie. Celle du pardon. Celle de la raison. " En décembre 1997, le restaurant de mon père a été incendié. Volontairement. On a tout perdu. Trois ans plus tard, les incendiaires ont été interpellés. Trois jeunes de 17 à 19 ans. Ils savaient que nous étions dans le restaurant cette nuit là. Ils ont pris huit ans de prison." Un incendie qui ruine sa vie familiale. "Je n'avais pas l'argent pour tout reconstruire. Une partie de ma famille n'a pas voulu m'aider, question d'héritage. Je suis parti à New York refaire ma vie avec le soutien d'un de mes anciens chefs."


Il faut savoir pardonner


De quoi être rancunier contre "la racaille" que certains lapident d'un post. Pas du tout. "Sur le moment j'en ai voulu à la terre entière. Mais ils ont payé leur dette. Ils ont payé ce qu'ils devaient à la société. C'est comme ça que cela fonctionne. J'irais pas boire un coup avec eux quand même mais j'estime qu'il faut savoir tirer un trait dessus. Passer à autre chose et pardonner." 
 

" Heureusement il reste des gens bien "

Au beau milieu de toute cette fange intellectuelle, il y a quand même du bon. Du beau. De quoi ne pas totalement désespérer du genre humain. Et de l'intelligence. Bernard Rodenstein, l'aumonier de la maison d'arrêt de Colmar a pris la défense du chef étoilé. Lui qui pendant vingt ans a prodigué écoute et soins à tous ces hommes enfermés. Lui qui connaît ce milieu extrêmement difficile. Lui qui sait de quoi il parle. Et il ne mâche pas ses mots (lire encadré)
 

J’ai été aumonier de prison pendant 20 ans et je suis consterné par la connerie d’une opinion publique chauffée à blanc contre les détenus.


D'autres messages de soutien arrivent. Presque une centaine. Sur sa boîte mail. "On voit la différence avec les gens intelligents. Ils savent écrire. C'est argumenté. Ça donne un peu de réconfort après tous ces imbéciles. Ça fait du bien. Y a encore des gens qui savent réfléchir. Après l'orage, le soleil point le bout de son nez."  Du réconfort pour nous aussi, on ne vous le cache pas. Les commentaires racistes et haineux que nos sujets gênèrent inlassablement à chaque post sur les migrants, les détenus et tout le reste nous choquent en même temps qu'ils nous désespèrent. 
 

Au moins je sais que ces imbéciles ne viendront pas manger chez moi


Jean-Yves est serein.  "Avec les nombreux appels au boycott de mon restaurant, je suis tranquille, je sais que tous ces imbéciles ne viendront pas manger chez moi. Et puis, je vais pas repartir à New York, y a Trump maintenant !" Nous, on vous l'avoue, nous le sommes moins sereins. Nous ne sommes pas encore sous le coup d'un boycott. Alors s'il vous plaît les imbéciles de tous bords, abstenez-vous cette fois. Et toutes les autres.
Lettre de soutien: "J’ai honte pour les sales cons"

Notre ami jean Yves Schillinger , JYS pour les initiés, subit depuis ce matin des insultes et des agressions en pagaille pour avoir, hier, offert un repas gastronomique aux détenus et aux surveillants de la prison de COLMAR! Jean-Yves a décroché deux étoiles au guide Michelin ! Un restaurant gastronomique réputé à Colmar. Mon épouse qui anime un atelier d’écriture dans l’établissement lui a récemment demandé s’il viendrait piloter la cuisine pour sortir de l’ordinaire ! Il a accepté avec joie ! Qui est Jean-Yves ? Un grand chef reconnu et étoilé !

Le fils d’un autre grand de la gastronomie, son père Jean qui a été tué dans un incendie criminel allumé par des fils de bonnes familles. Si quelqu’un était en droit de détester les délinquants et les criminels, c’est bien lui, Jean-Yves . Il a été vers eux et a passé sa journée en cuisine à la prison. Il a tout offert. Y compris aux surveillants .

Ce matin, la presse a rendu compte de cet événement et les coups de téléphones insultants n’ont pas cessé au restaurant toute la journée ! J’ai honte pour les sales cons qui se livrent à cette action de représailles contre Jean-Yves ! Qui sont ils pour jeter le discrédit sur cet homme généreux et intelligent ?

Un détenu rencontré en prison ira peut être faire un stage d’insertion chez lui? Que peut on rêver de mieux ! Tout le monde veut que les détenus «en chient» en prison et tout le monde voudrait qu’ils soient moins dangereux en sortant! Ont-ils conscience , ces crétins, que plus ils sont maltraités en détention plus ils seront dans une logique de revanche en sortant? Plus ils sont punis avec intelligence et non avec cynisme, plus ils apprendront le respect d’autrui !

J’ai été aumonier de prison pendant 20 ans et je suis consterné par la connerie d’une opinion publique chauffée à blanc contre les détenus ! Ce sont des êtres humains ! Si nous voulons qu’ils évoluent en bien nous devons avoir envers eux une position positive . Jean Yves est entré dans cette logique ! Il mérite notre admiration et nos remerciements ! Ceux qui lui en veulent et qui le dénigrent sont de pauvres idiots ! Qu’ils aillent donc purger une peine de prison car ils ont tous des choses à se reprocher s’ils pensent que c’est en détention que l’on se fait bichonner ! J’ai honte pour elles et pour eux et je les hais ! Ils sont bêtes à bouffer du foin. Aux autres, à tous les autres, le foie gras !
 
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