Déconfinement : consommer plus local, se rapprocher de sa famille... leurs bonnes résolutions pour la vie d'après

Lundi 11 mai marque le début du déconfinement. Ces huit semaines à la maison ont permis à certains de faire le bilan. Désir de campagne, de se rapprocher de sa famille ... Ardennais et Marnais ont fait le point et nous racontent leurs décisions. Rencontres.

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Troquer son appartement pour une maison. Se rapprocher des siens. Au contraire, ne rien changer. Nous avons interrogé des volontaires pour nous parler de leur bilan après deux mois de confinement. Et si pour certains cela ne changera rien, d'autres envisagent un nouveau mode de vie. "Face à une situation exceptionnelle, il y en a certainement qui changeront de vie, mais pour beaucoup, c'est une réaction normale face à une situation exceptionnelle de se dire qu'on modifiera notre manière de vivre. La majorité d'entre eux ne passeront pas forcément à l'acte", nuance Fabien Getten, médecin psychiatre à l'EPSM (établissement public de santé mentale) de la Marne.


Troquer son appartement en ville pour une maison à la campagne

Stéphanie Batends habite dans le centre-ville de Carignan, au nord des Ardennes. Pour elle, fin du confinement rimera avec la fin de sa vie de citadine. "J'ai toujours vécu à la campagne. Depuis quelques années, j'ai dû choisir des logements en ville, mais ça ne me convient plus", constate la postière ardennaise. Même si elle dispose de 60 mètres carrés pour elle et sa fille, elle regrette de ne pas avoir d'accès sur l'extérieur. "Le confinement, c'est un moment qui permet de se remettre en question. Si on en venait encore à être à nouveau confinés, j'aimerais avoir un carré de jardin, pour sentir un peu le vent, la pelouse", souhaite-t-elle simplement. 
 

À vrai dire, cette période inédite n'a pas créé cette envie de mise au vert, mais plutôt accéléré un projet de vie qui trottait dans sa tête depuis plusieurs mois. "Je m'en étais déjà rendu compte, mais le confinement m'a poussée dans la décision. Ça m'a confortée dans l'idée qu'il fallait changer, pour la tranquillité, pour tout. Si j'avais des doutes, ça les a effacés. J'ai déjà engagé des démarches pour changer." Et de lâcher dans un rire : "Quand on a un petit jardin, c'est mieux pour s'occuper. Parce que bon, dans un appartement, après avoir regardé Netflix, Canal et retourné trois fois l'appartement, il ne reste plus grand-chose à faire." 
 

Se rapprocher des siens

Un autre changement s'est opéré dans la vie de Stéphanie Batends. Depuis la crise sanitaire, elle s'est rendu compte qu'elle n'avait "pas mesuré ses priorités". Après avoir consacré beaucoup de temps à son travail, elle a constaté qu'elle n'avait pas assez pris le temps avec ses proches. Mère d'une adolescente, elle surveille beaucoup ses résultats scolaires : "Je vais arrêter d'être sans arrêt sur son dos pour les notes. Je vais aussi changer de comportement en m'ouvrant un peu plus vis-à-vis de mes sentiments par rapport à ma famille, être plus dans l'affection que dans le 'tu as bien fait les devoirs'."
Même constat pour ses parents, désormais âgés : "Vu le nombre de victimes, je me rends compte que mon entourage n'est pas éternel. Je veux profiter un maximum d'eux. Je suis en couple et je pense qu'on va franchir une nouvelle étape. J'ai vu mes parents hier, ils sont à risque, et je leur ai quand même fait un gros câlin, comme si j'avais cinq ans."

"On est dans le passage à l'acte verbal, mais entre le passage à l'acte verbal et le passage à l'acte physique, il y a un grand chemin à faire. Le passage à l'acte verbal permet de se préserver psychologiquement en se disant qu'il existe une autre solution, décrypte Fabien Getten, médecin psychiatre. C'est une réaction humaine normale : quand on est soumis à une difficulté qui devient ingérable, on essaie de trouver une solution alternative. Quand les choses redeviendront normales, que les gens pourront revenir au cinéma, dans les parcs et au restaurant… est-ce qu'ils se diront qu'ils toujours qu'ils voudront vivre sur la Côte d'Azur? Ceux qui sont partis vivre dans leur résidence secondaire ont envie de revenir. Ils n'ont pas envie d'y rester."
 

Ne rien changer

C'est l'avis de Jean-Pierre Collet, 61 ans. L'habitant de Damery dans la Marne se montre quant à lui très sceptique par rapport à ces idées de changements. "Derrière son ordi et son clavier, on peut écrire ce que l'on veut. Après, est-ce que les gens vont vraiment le faire ?, s'interroge-t-il. A titre personnel, je ne vais rien changer dans ma vie d'après. Et je ne pense pas, plus globalement, qu'il y aura de grands bouleversements. J'espère juste que le gouvernement aura compris qu'il ne faut pas faire d'économie sur le dos du secteur de la santé!", explique ce passionné de photos animalières qui rêve de pouvoir à nouveau courir librement les grand espaces.
 

Sylvie Toussaint ne promet pas un changement radical. Habitante de Bogny-sur-Meuse, l'animatrice en périscolaire aura une priorité une fois le confinement terminé : consommer plus local, ce qu'elle a déjà commencé, et se rapprocher de sa famille italienne. "Même si c'est parfois difficile, parce que j'essaie de me remettre en question, ce confinement a des aspects agréables. On vit plus lentement, on prend plus le temps. Je me sens plus proche de ma fille et mon mari, c'est un autre rythme. On prend le temps de vivre. On s'est retrouvés, on est plus calmes, que de courir, travailler, courir." Même si elle peine parfois à se projeter, l'Ardennaise reconnaît avoir "commis des erreurs".

On a zappé notre vie, c'est le rendement. Mon mari a une entreprise, notre vie, ça a toujours été la tête dans le guidon. C'est ce qu'il va falloir changer.
-Sylvie Toussaint, habitante de Bogny-sur-Meuse.


Quand elle mentionne ses erreurs de parcours, Sylvie Toussaint repense à cet été de 2010. Sa mère projette des vacances à Sondrio, au nord de l'Italie à la frontière suisse, pour retrouver sa famille. À ce moment-là, elle et son mari décident finalement de ne pas la rejoindre, préférant d'autres vacances. Depuis, sa mère est décédée. "C'est mon grand regret, mais dès que tout cela est fini, c'est d'aller les rejoindre là-bas, se désole-t-elle. Là j'essaie d'appeler ma famille, mes soeurs, mes oncles par Messenger. Je sais qu'ils sont isolés, ça me fait du bien de leur parler. On a resséré des liens avec une de mes cousines en Italie. Elle a des parents âgés, on s'en fait pour eux. Il va falloir faire un effort et aller les voir une fois cette crise terminée. Je suis très famille donc c'est un lien important."
 

Appliquer les gestes barrières, même pour la nouvelle année

"Il va y avoir une modification de notre façon de voir l'existence. Certains disent qu'ils iront plus vers du bénévolat, dans l'aide à la personne. Cela va également resserrer les liens familiaux pour certains… il va y avoir un recentrage sur la famille, on va devenir plus égocentrique, même si je pense qu'on l'était déjà avant quand même", sourit Fabien Getten. "Cela peut provoquer de bonnes réactions, comme des changements de vie, comme ça peut provoquer des catastrophes comme des violences sur les femmes et les enfants", abonde Patrick Chemla, psychiatre à Reims.
 

Annie Cartier, elle, poursuivra ce qu'elle avait déjà commencé : ne plus faire la bise à tort et à travers. "C'est fini de souhaiter la bonne année à tout le monde avec les microbes !", assène la Vitryate. D'une santé un peu fragile, elle "chope tous les virus qui passent", ce qui la pousse d'ordinaire à être plus vigilante que la normale. "Je trouvais déjà que tout ça c'était de trop, des copines qui faisaient la bise et qui me disaient après coup qu'elles avaient la grippe", raconte-t-elle. Désormais, elle pourra ne plus faire la bise "sans passer pour un extra-terrestre".

 
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