Briser le silence, dénoncer les féminicides, le harcèlement de rue, les tabous… A coup de collages, peintures, pochoirs ou tags, des femmes ont décidé d’occuper l’espace public de Marseille. Le film part à la rencontre de ces messagères d’un nouveau genre, dévoilant leurs aspirations et leurs motivations.
"Ici, il y a eu un viol". Cette phrase choc, peinte sur un mur du quartier des Réformés, a été l’élément déclencheur du documentaire. Des mots tracés par une femme, Maia Izzo, pour rappeler à tous un crime survenu ici, en plein centre-ville, un dimanche d’été de 2017 : non loin des terrasses de café bondées, une femme sans domicile fixe était violée sans que personne n’y prête attention.
"Ces mots nous avaient glacé le sang et donné envie d’agir. Nous les avons lus comme un cri, un appel, une volonté de transformer la société" racontent les réalisatrices Elodie Sylvain et Charlotte Ricco. Un cri qui résonne partout dans les rues de la ville.
Car depuis quelques années, une vague de messages féministes s’est répandue sur les murs, les trottoirs. De la dénonciation des violences au tabou de la ménopause, des femmes de tous âges et de tous horizons utilisent le street art comme une arme de communication massive, redonnant une dimension politique aux inscriptions urbaines.
Qu’est-ce qui les pousse à prendre ainsi possession de l’espace public, souvent dans l'illégalité ? Leurs actions, à la croisée de la pratique artistique et de l’acte militant, peuvent-elles vraiment changer l’ordre des choses, faire évoluer les mentalités ? Et que pensent celles et ceux qui lisent ces messages ?
Véritable immersion auprès de femmes militantes, le film dévoile plusieurs visages du féminisme. Les approches, les motivations, les sensibilités varient.
Certaines agissent seules, d’autres privilégient le collectif, mais toutes apportent leur pierre à un même édifice : la lutte pour l’égalité des droits. Car les sujets de dénonciation sont hélas nombreux.
Ce ne sont pas des slogans, ce sont des faits.
Geneviève Fraisse, philosophe de la pensée féministe
Ainsi, les féminicides sont au cœur des messages de Marguerite Stern, initiatrice d'un mouvement de collages qui a pris de l’ampleur et essaimé dans d’autres villes.
Zola, elle, s’en prend au harcèlement de rue quotidien, en créant des tee-shirts aux slogans cash, tandis qu’Amalia affiche des photos.
A travers ses collages originaux, Anne-Laure Maison prône l’émancipation de la femme hors de la sphère domestique.
Pour dénoncer la précarité menstruelle et le tabou des règles, l’artiste italienne ‘Ndrame utilise le sang menstruel dans des créations détonantes.
Le film évoque également le tabou de la ménopause, avec les pochoirs du collectif "Ménopause Rebelle", la révolution féministe avec le mouvement "Douceur Tarpin Extrême", ou encore la représentation des femmes dans l’espace public avec le "Collectif 2%".
En faire deux ou trois, ça ne suffit pas, il faut que les rues soient inondées, que les gens soient obligés de voir ces messages.
Marguerite Stern
Un détour par Toulon nous fait aussi rencontrer de jeunes lycéennes qui réalisent leurs premiers collages nocturnes. Leur cible : les violences conjugales. "On s’imagine que ça touche des femmes entre 30 – 45 ans, qui sont dans une vie de couple, installées depuis plusieurs années, alors qu’on l’a bien vu cette année, une jeune fille de 15 ans a été tuée par son copain qui avait 17 ans. C’est hyper choquant, on se dit que ça peut toucher n’importe qui dans le lycée…"
En contrepoint de ces différents témoignages, le film recueille à chaud les réactions de passantes et de passants. Que pensent-ils de ces messages qui leur sont destinés, qui veulent les bousculer, voire les provoquer ? Et de la légitimité de ces moyens d’expression ?
Les avis divergent, parfois la discussion s’engage. "On donne de plus en plus la parole à la femme, je trouve" glisse un homme. Et ‘Ndrame de répondre : "La parole, on nous la donne pas, on la prend !"
"J’irai crier sur vos murs", c’est aussi une web série de six épisodes à découvrir en ligne.
"J’irai crier sur vos murs"
Un film de 52’ d’Elodie Sylvain et Charlotte Ricco.
Une coproduction 13 Productions / France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur.