E-sport : comment l'Alsace devient une terre de gamers

L'Alsace est la deuxième région de France après Paris à avoir créé une fédération régionale d'e-sport. Plusieurs clubs sportifs professionnels comme le Sahb (club de hand de Sélestat) ou le Racing ont déjà lancé ou s'apprêtent à créer leur section ou leur formation dédiées.

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Des stades combles, une tension maximum, des compétitions retransmises en direct dans le monde entier, des dizaines de milliers de supporters et des gains qui se chiffrent en millions de dollars: bienvenue dans l’univers du e-sport. Un univers dans lequel l'Alsace tente de se faire une place.
 

 
Le Sahb, le club de handball de Sélestat, a été le premier à créer sa section esport en septembre 2017. "Nous voulions créer des passerelles entre le club et le jeune public attiré par l'e-sport, explique le vice-président du Sahb e-sports Yiri Guittin. Avoir une équipe qui porte notre maillot, engagée sur le circuit e-sport devrait nous permettre de redonner une nouvelle dynamique à l'image de notre club."


Le Sahb a d'abord formé sa propre équipe, les "magic stars", qui a rapidement intégré le top 10 français sur le jeu League of Legends. Une belle vitrine pour le club qui a même rapidement pâti de ce succès. "Atteindre aussi rapidement le haut-niveau nous a posé des soucis. A chaque tournoi, nous nous faisions siphonner des joueurs, raconte Yiri Guittin. On a donc dû changer de stratégie en 2018 pour se consacrer à l'e-sport amateur. On va plutôt chercher maintenant à développer la communauté locale de joueurs."


Les gamers estampillés SAHB ne sont pas rémunérés par le club. Ce dernier prend en charge leurs frais de déplacement lors des compétitions et les investissements nécessaires à leur équipement technique. Comme leurs homologues qui transpirent sur le terrain en dribblant, eux aussi sont soumis à plusieurs heures d'entraînement quotidien, avec debrief des parties et analyse vidéo de leurs matchs. Si ce ne sont pas encore les handballeurs qui prennent les commandes des manettes, sportifs traditionnels et e-sportifs commencent à participer ensemble à certains événements. "Certains joueurs pro de l'équipe de handball viennent jouer sur les tournois: ça fait venir du monde sur ces compétitions, ça détend les joueurs et c'est très positif pour leur image" se satisfait le responsable de la section e-sports. 


Pour l'heure, le jeu vidéo n'intervient pas dans l'entraînement des handballeurs. Mais à l'avenir, pourquoi pas. "Le jeu vidéo permet d'augmenter les réflexes des joueurs et d'améliorer la cohésion au sein d'une équipe parce qu'il faut être très rapide, explique Yiri Guittin qui a fait ses études de management sportif aux Pays-Bas, l'un des pays européens en pointe dans l'e-sport. La réalité augmentée s'immisce dans de plus en plus de disciplines comme le cyclisme, le tennis ou encore le ski." Du 20 au 22 avril 2019, l'équipe esport du SAHB participera à nouveau à la gamers assembly, la grande compétition française dans le domaine.


Deux clubs de football dans l'arène

La manne de l'esport n'a pas échappé aux acteurs du football régional, inspirés par la section esport lancée par le PSG en 2016. Deux clubs alsaciens affichent déjà leur intérêt dans le domaine. Depuis 2017, le football club de Mulhouse propose un cursus e-sport aux lycéens en section sport études qui commence dès la seconde, en partenariat avec le lycée Louis Armand et la Power House Gaming. Le club de football espère ainsi se moderniser en surfant sur cette vague numérique pour rajeunir son public.
 


Tout aussi curieux de cet univers virtuel en ébullition, le Racing Club de Strasbourg s'engage également dans l'aventure de l'e-sport. "On se lance tranquillement, confie Clément Calvez, le responsable commercial du RCSA. Pour l'instant, on ne cherche pas à monter une équipe professionnelle dédiée à un jeu ou à un autre. Dans un premier temps, on cherche à voir l'appétence de nos supporters pour cet univers. On envisage l'e-sport comme un service et une animation complémentaires pour notre public." Le club pense déjà à l'organisation de tournois virtuels avant les matchs, en restant sur des jeux de football type Fifa. En 2018, il a déjà organisé une compétition de ce type à la Meinau, accueillant notamment les quarts et demi-finales de l'Orange eligue1 (compétition nationale de football virtuel).


L'Alsace, première fédération régionale d'esport

Face à l'ébullition de la marmite e-sport, l'Alsace a décidé de se structurer. En ce début d'année 2019 a officiellement été créée la fédération e-sports d'Alsace, la deuxième de France après celle de Paris. "Beaucoup d'événements émergent dans ce domaine en Alsace, explique Terence Figuereido, le créateur de la Power House Gaming qui préside cette fédération. L'idée de cette structure est de créer des enjeux communs autour d'événements, de réunir amateurs et professionnels et de créer des compétitions régionales où pourront se faire remarquer les gamers alsaciens".

L'Alsace a profité de la brèche ouverte par le gouvernement. Ce dernier a senti la tendance: en 2019, le marché français de l'e-sport pourrait générer plus de 30 millions de dollars de recettes (selon une étude menée pour Paypal par SuperData Research). En 2016, la loi pour la République numérique évoque le "jeu vidéo compétitif" et propose un statut légal aux joueurs professionnels. Des joueurs français qui, faute de cadre juridique jusque-là, étaient nombreux à se faire débaucher par des équipes internationales. 
 

La France se voit-elle déjà aligner une équipe tricolore d'esports aux JO ? L'e-sport pourrait être discipline invitée en démonstration lors des Jeux olympiques de Paris en 2024, mais sa participation suscite beaucoup de débats. Il a en revanche été intégré comme discipline olympique lors des prochains Jeux d'Asie du Sud-Est.
 
 
Des geeks aux gamers: des gains de plus en plus élevés


L’e-sport - "e" pour électronique - est en pleine explosion depuis quelques années. Le terme est apparu au tournant des années 2010. On parlait avant de jeux vidéo en réseau en mode multijoueurs auxquels s’adonnaient les geeks (fans d’informatique), casque sur la tête et yeux rivés sur l’écran dans les cybercafés. A la faveur du développement de la fibre optique permettant des débits de plus en plus fluides sur Internet et de la démocratisation des nouvelles technologies, ce loisir a mûri, passant du simple divertissement à un phénomène de société.

Désormais, les geeks d’hier sont devenus les sportifs de haut-niveau d'aujourd'hui. Les gains des tournois internationaux qui prenaient par le passé la forme de tee-shirts ou de produits dérivés de jeux vidéo affichent désormais des sommes en dollars à plusieurs zéros. Selon le site esports earnings qui recense les gains de chaque compétition et de chaque joeur, la dotation moyenne d'un tournoi s'établissait en 2018 à 44.552 dollars, contre 27.724 dollars en 2017.
 
Certains joueurs (ou gamers) parviennent désormais à vivre de leur passion et à envisager une carrière dans cet univers, passant d’un avion à l’autre pour sillonner le monde entre deux compétitions. A 26 ans, l’Allemand Kuro Takhasomi, alias «Kuroky», occupe la tête du classement international des gains. Il a déjà empoché plus de 4 millions de dollars en onze ans de compétition grâce à sa passion des jeux vidéo.

Le meilleur Français du circuit se niche à la 13e place du classement mondial. Sébastien «7ckngMad» Debs a empoché la rondelette somme de 2.280.000 dollars en 2018. L’Alsacien Nathan « NBK » Schmitt, originaire de Kaltenhouse dans le Bas-Rhin, occupe la 2e place du classement français avec un total de 616.000 dollars récoltés grâce aux jeux vidéo.

Les jeux les plus prisés des tournois ont pour nom Fortnite, Counter Strike, League of Legends, Overwatch, World of warcraft... Chaque tournoi s'organise autour de l'un de ces jeux, les joueurs jouent en général en équipe. Les matches sont retransmis en direct sur des sites dédiés, la plus prisée de ces plateformes étant twich, d'où ils sont suivis par des centaines de milliers d'internautes.
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