Des scientifiques lorrains ont besoin de 10.000 téléphones mobiles pour mettre au point un procédé de récupération de tous les métaux précieux ou non, contenus dans les cartes électroniques. Un procédé vertueux pour l’environnement qui pourrait créer 80 emplois.
Qui n’a pas dans ses tiroirs, un vieux téléphone portable ? Vous savez, celui qui ne fonctionne plus ou que l’on conserve au cas où… Et depuis, on en a changé deux, trois ou quatre fois, mais on les a tous gardés. D’après une étude, 120 millions de mobiles dorment dans les tiroirs des Français. Et si nous les donnions à la science ? Les chercheurs lorrains, du projet collaboratif Thymo (Traitement hydrométallurgique de cartes électroniques de téléphones mobiles) ont besoin de 10.000 téléphones mobiles pour mettre au point un procédé de récupération de tous les métaux contenus dans les cartes électroniques. Il y a de nombreux points de collecte et vous pouvez même les envoyer par la Poste.
Les chercheur·e·s du projet THYMO ont besoin de collecter 10000 appareils mobiles pour mener à bien leurs travaux de recherche et récupérer, à partir des cartes électroniques des téléphones, or, argent, tantale etc. #recyclage
— Carnot Icéel (@Carnot_Iceel) June 11, 2021
Points de collecte ? https://t.co/uwAqJa0ILw pic.twitter.com/E3qVfBHrw5
Actuellement, les entreprises sur ce créneau de récupération et de recyclage ne s’intéressent qu’aux métaux faciles à extraire ou précieux. "90% des cartes électroniques des téléphones, quand on arrive à les récupérer, sont exportées en Belgique. Elles sont traitées par pyrométallurgie", nous explique Éric Meux, enseignant-chercheur à l'IJL (CNRS - Université de Lorraine). Pour les scientifiques lorrains, le but est de récupérer tous les métaux sans en perdre un seul. Le tantale, le palladium et l’antimoine, par exemple, en plus du cuivre, de l’argent ou de l’or.
Les cartes électroniques, de portables, sont parmi les déchets électroniques les plus riches en métaux.
Dans son laboratoire à Metz, Éric Meux et une partie de l’équipe de chercheurs reçoivent les téléphones mobiles. Et ils veulent répondre à la première question qu’on leur pose : les données… Les données, qui seraient restées dans le téléphone, ne les intéressent pas et la première étape est celle de la destruction du téléphone. Il est totalement désossé dès son arrivée. Les éléments du téléphone séparés : batterie, écran, coque et la fameuse carte électronique. "Le mobile, s’il est assez récent, pèse en moyenne 170g. La carte, elle, pèse14 g. C’est une toute petite partie du téléphone, mais un concentré de métaux. Il y a 15 ans, les premiers téléphones mobiles ne contenaient que très peu de métaux. Aujourd’hui, il y en a de plus en plus. Les cartes électroniques de portables sont parmi les déchets électroniques les plus riches en métaux. Ce que nous cherchons à mettre au point est un procédé qui peut s'adapter à n'importe quelle carte de téléphone, quel que soit le constructeur, quel que soit l'âge du téléphone. Pour cela, il faut partir d'une quantité suffisamment importante pour avoir des données scientifiques robustes. Il nous faut 200 kg de cartes électroniques".
Recherche collaborative
Pour développer le procédé, des laboratoires de Metz, Nancy et Bar-le-Duc travaillent ensemble.
Le projet est financé par l'Institut Carnot (ICEEL). À l’Institut Jean Lamour de Metz, la mission est de caractériser et de quantifier les métaux contenus dans les cartes électroniques broyées. Pour développer un procédé de récupération de métaux à partir de déchets, il est primordial de connaître parfaitement la composition des déchets. Cela passe par des analyses chimiques. "Ici, un instrument nous permet, une fois qu'on aura récupéré par broyage et séparation les morceaux de téléphone, de faire des analyses. On verra par exemple la concentration de cuivre, d'étain ou l’or. On va mettre en œuvre une récupération qu'on appelle la lixiviation, c'est-à-dire, qu'on va essayer de faire passer le plus de métaux possible en solution en attaquant avec des réactifs respectueux de l'environnement et de l'homme. Un des objectifs du projet est d'utiliser des techniques vertueuses. Cette technique peut nous permettre de connaître la quantité de métaux qu'on a réussi à dissoudre et à faire passer en solution". Une autre technique est utilisée au laboratoire pour analyser des solides : la spectrométrie de fluorescence X. "On va faire fondre la poudre issue du broyage. On va en faire des échantillons, qui vont être analysés par ce spectromètre de fluorescence X". Il s'agit d'avoir un pourcentage en masse dans le broyat.
Bon pour l’environnement et pour l’emploi
"Le secret pour pouvoir récupérer tous les métaux dans de bonnes conditions, c'est de pouvoir les séparer. Nos collègues de GeoRessources, et du CRITT TJFU, ont mis au point des techniques parmi les plus avancées pour broyer la matière et la séparer. Une fois que cela est fait, on récupère les éléments en fonction des teneurs en métaux. On va les analyser et en fonction de la composition chimique de chaque fraction, on va mettre en œuvre la technique la plus adaptée. On a développé dans une thèse récente, par exemple, les avantages de l’utilisation d’un réactif biosourcé. Il est contenu dans le blé ou le maïs. Il s’agit d’un déchet de l'agroalimentaire. Nous allons nous en servir pour éliminer les métaux indésirables comme l'aluminium et le fer. L'objectif est d'avoir les métaux les plus purs possible".
Pour la suite, une entreprise dans les Ardennes est déjà intéressée par le développement de ce procédé. Elle pourrait créer 80 emplois à horizon 2024. L’appel est lancé sur les réseaux. Les scientifiques lorrains ont besoin de 10.000 mobiles pour février 2022.