Depuis l'été 2016, les hôpitaux sont réunis en groupement hospitalier de territoire en fonction d'un projet médical partagé. Il y en a trois en Alsace. Mais depuis le début, les hôpitaux du nord de la région dénoncent le GHT Basse-Alsace Sud-Moselle auxquels ils appartiennent.
Une motion adoptée à l'unanimité le 15 avril 2021 lors du conseil de communauté d'agglomération d'Haguenau. Des élus vents debout, mais ils ne sont pas seuls. Le combat mené pour la constitution d'un groupement hospitalier de territoire (GHT) Nord Alsace est aussi celui des praticiens hospitaliers de ce territoire. Tous ont envoyé une lettre adressée à l'Agence régionale de santé Grand Est le 22 mars.
Les établissements du nord de l'Alsace appartiennent déjà à un GHT, ces groupements mis en place en 2016 à l'échelle nationale et censés, grâce à une coopération resserrée entre les établissements partenaires et un projet médical partagé, mieux soigner à un moindre coût. La région en compte trois, le GHT Haute Alsace avec l'hôpital de Mulhouse comme établissement support, le GHT centre Alsace avec celui de Colmar et enfin le GHT Basse-Alsace Sud-Moselle avec le CHU de Strasbourg en fer de lance et qui compte 13 établissements.
Et c'est bien la taille de ce dernier, qualifié d'XXL, l'un des plus gros de France qui pose souci, avec un bassin de population d'un million de personnes. "On avait des doutes au moment de sa création en 2016, qui se sont concrétisés au fur et à mesure, explique Claude Sturni, président de la communauté d'agglomération d'Haguenau et du conseil de surveillance de l'hôpital de Haguenau. Ce GHT est très lourd à gérer, on a du mal à avancer, par exemple, les élus concernés sont censés être réunis par l'établissement support, et pour l'instant, il n'y a eu qu'une seule réunion en cinq ans".
Une usine à gaz
Et pas question d'incriminer qui que ce soit. "Nous ne jetons pas la pierre à l'hôpital de Strasbourg qui a beaucoup à gérer, mais c'est pourquoi nous demandons la création d'un GHT Nord Alsace, avec un bassin de population de 250.000 personnes, ce qui correspond à la taille de nombreux GHT existants dans le Grand Est et ailleurs," précise Claude Sturni.
21 - 22.03.21 - Courrier Des CME à Mme CAYRE by France3 Alsace on Scribd
Une revendication posée sur le bureau de l'ARS Grand Est depuis le mois de juillet 2019, parce que justement les textes permettent de repenser les périmètres de ces GHT. Le Nord Alsace comprendrait six établissement dont Haguenau, Bischwiller, Wissembourg et la Grafenbourg. "Le souci au démarrage, raconte le docteur Michel Hanssen, président des commissions médicales d'établissement, c'est que les GHT devaient être construits sur la base de projets médicaux partagés et en réalité, on n'a pas attendu, on a d'abord mis en place les entités géographiquement, créant ainsi des mille-feuilles et des dysfonctionnements liés à la trop grande différence de taille des GHT et en l'occurrence, le GHT Basse-Alsace Sud-Moselle est une usine à gaz."
Un audit réalisé par l'ARS
Suite au projet médical déposé par les établissements Nord Alsace à l'été 2019, l'ARS Grand Est a réalisé un audit en 2020. "Dans ce rapport, il est clairement souligné que notre projet est pertinent avec un panier de soins cohérents, une coopération qui fonctionne, un volet transfrontalier intéressant et une bonne intégration des structures médico-sociales", explique encore Michel Hanssen.
Contacté par nos soins, l'ARS Grand Est confirme la réalisation de cet audit. "Cette demande (de scission, NDLR) n’étant pas partagée par tous les établissements du GHT actuel, une évaluation a été diligentée dont les conclusions ont été rendues en octobre 2020. Douze recommandations pour une gouvernance plus fluide ont été proposées par la mission d’évaluation, visant à répondre aux différents dysfonctionnements relevés. Elles portent sur le fonctionnement des instances, sur la circulation des informations, sur l’utilisation des moyens financiers et la fonction achat, sur les filières médicales, médico-sociales et transfrontalières. Par courrier du 19 novembre 2020, l’ARS demandait aux établissements de traiter les dysfonctionnements relevés par la mission d’évaluation dans un délai de 6 mois afin de pouvoir rendre une décision fin mai 2021."
Elus et praticiens devraient donc être bientôt fixés même s'ils ont le sentiment que l'ARS tente de gagner du temps. Parce que le gouvernement planche sur de nouvelles ordonnances "visant à donner aux GHT un caractère de plus en plus intégratif. De nombreuses fonctions ou responsabilités, notamment en matière de ressources et de projets médicaux auront vocation à être assumée par l'établissement support (autrement dit Strasbourg), visant ainsi à distendre un peu plus le lien entre les centres de décision et le terrain", regrette élus et praticiens dans leur courrier adressé à l'ARS.
Ce que déplorent aussi les soignants. "Avec ce dispositif, un hôpital ne peut plus prendre de décisions, l'établissement support décide du budget, des investissements, de la réorganisation des services, explique Christian Prudhomme, secrétaire général de FO-HUS. L'idée au fond, c'est de faire des économies, diminuer le nombre de services sur le territoire, économiser des plateaux techniques, ne conserver que les plus importants. On peut même obliger des fonctionnaires à changer d'hôpital en fonction des réorganisations", dénonce le syndicaliste.
A quoi ça sert concrètement les GHT ?
Et sinon concrètement, ça change quoi ces GHT ? A cette question, l'ARS nous a répondu :"un projet médical partagé a été élaboré, identifiant des filières prioritaires. Au sein de la filière prioritaire AVC par exemple, le télé AVC a pu être déployé pour offrir une meilleure prise en charge des AVC, grâce à une coopération entre le CH de Saverne et les HUS, ou entre le CH de Haguenau et les HUS. La coopération intra-GHT en biologie et en pharmacie a été renforcée. Des postes d’assistants spécialistes partagés ont été déployés (9 postes pour la filière mère-enfant, 7 postes pour la pharmacie, 5 postes en imagerie). Des fonctions supports sont mutualisées comme la fonction achat, ce qui renforce l’expertise et la capacité de négociation des établissements."
Quoi qu'il en soit, pour les élus comme pour les praticiens du Nord Alsace, pas question de lâcher l'affaire, ils veulent leur GHT pour une question de cohérence et d'efficacité, et ce avant que le gouvernement ne scelle définitivement leur sort par de nouvelles ordonnances attendues au plus tard en 2022.