La Revue du Vin de France a publié son fameux "Guide verts" des meilleurs vins de France 2021. Une quarantaine de domaines ont été distingués en Alsace. Le membre du comité de dégustation en charge de la région nous explique la méthode de travail et les spécifités du vignoble régional.
Le "Guide vert" des meilleurs vins de France 2021 est sorti le 12 novembre. C'est le fruit du travail des dix experts du comité de dégustation de la Revue du Vin de France, qui ont goûté plus de 10.000 vins dans tout le terriroire. Cette nouvelle édition recense ainsi 5.500 vins, issus de 1.150 domaines français, dont une quarantaine en Alsace, avec à la clé une ou plusieurs étoiles. Jean-Emmanuel Simond, journaliste et membre du comité de dégustation, avait pour mission d'évaluer les domaines alsaciens. Il nous explique les coulisses du guide et ce qui rend si particulier le vignoble local.
Comment avez-vous procédé ?
"Tous les ans, nous suivons des régions qui nous sont attribuées, que l’on garde généralement plusieurs années, pour approfondir et avoir une réelle expertise. J’ai repris l’Alsace cette année, donc c’est une première. Ce n’est pas non plus une découverte, je connais déjà bien la région, mais c’est un exercice assez important, intéressant de pouvoir déguster la gamme complète de plusieurs dizaines de domaines qui nous envoient leurs échantillons. Cette année, c’est un peu particulier. C’était plus compliqué de se déplacer dans le vignoble en période de confinement. Parce que d’habitude, ce guide, ce sont des dégustations que l’on fait entre mars et juin, et donc cette année c’était évidemment difficile. Donc tous les échantillons ont été expédiés à la revue des vins de France, et je les ai goûtés dans les bureaux parisiens de la revue."Combien de domaines avez-vous évalué ?
"Je n’ai pas compté exactement, mais on est facilement sur 60, 70 domaines. J’ai aussi goûté un certain nombre de domaines qui ne sont pas entrés dans le guide, soit parce que les vins ne le méritaient pas vraiment à mon avis, soit par manque de place aussi. Il faut que ce guide reste un peu sélectif, ça ne peut pas être un bottin non plus. Comme en Alsace, les gammes sont très larges, vastes, on a choisi de limiter cette année à dix vins par domaine. Mais du coup, cela représente vite 700 à 800 échantillons."Comment se situe l’Alsace ?
"L'Alsace est une très bonne élève, en progrès. La qualité moyenne des meilleurs domaines alsaciens n’a jamais été aussi élevée. On parle d’une région qui a certainement le nombre de domaines en bio et biodynamie le plus fort de France, c’est quelque chose d’important à souligner. Il y a énormément de domaines qui se sont convertis à ces méthodes de travail, qui leur permette d’exprimer des vins de terroirs d’une qualité exceptionnelle. L’Alsace n’est pas avare de grands terroirs. Il y aussi, malheureusement en Alsace comme dans toutes les régions de France, une viticulture à deux vitesses. Et on a aussi beaucoup de vins assez quelconques qui sont beaucoup moins fins, beaucoup moins complexes et qui ne font pas honneur à la région. Mais sur les meilleurs producteurs, il y a une centaine de domaines en Alsace qui sont censés incarner ce qui se fait de mieux dans la région.Quel est le point fort de son vignoble ?
"Il y a une complexité de terroirs exceptionnels. C’est l’Alsace qui a en France, avec peut-être le Roussillon et la Corse, la plus grande variété géologique, la plus grande variété de types de sols. En plus, la gamme des cépages alsaciens permet une diversité assez considérable, surtout si l’on va des vins les plus secs aux plus liquoreux, en passant par les crémant. Ça offre une gamme assez exceptionnelle pour l’amateur un peu curieux qui a envie de faire des découvertes. Mentionnons aussi les rouge, les pinot noirs, dont la qualité ne cesse de progresser.Quel conseil donneriez-vous aux vignerons ?
"Un conseil c’est difficile. Soit on suit les modes et on fait des vins pour plaire aux consommateurs, soit on fait des vins authentiques, de terroir, tels qu’on a envie de les faire. Et ensuite on cherche à les faire découvrir aux consommateurs. Je pense qu’il vaut mieux s’attacher à suivre cette deuxième voie qui me paraît plus pérenne, parce que si on suit les goûts et les modes des consommateurs, on arrête de produire des vendanges tardives et des vins liquoreux, parce qu’en ce moment, il y a une désaffection pour ces vins là. Il faut rester fidèle à ses racines, continuer à exploiter toute la diversité des cépages".