Cette ville vise l’autonomie alimentaire avec ses fruits et légumes bio, "ce n'est que le début de l'aventure"

La mairie de Kembs dans le Haut-Rhin a été séduite par le projet d'autonomie alimentaire de plusieurs associations de bénévoles de la commune. Désormais, ils avancent ensemble pour devenir plus indépendants en matière de production agricole et de consommation.

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À Kembs, entre Mulhouse et Bâle, des légumes et quelques arbres fruitiers poussent depuis 2021 sur un ancien terrain de football. Deux hectares mis à disposition par la commune, pour le projet "Archipel de Kembs", imaginé par un groupe d'habitants engagés dans l'écologie au quotidien.

Julien Broual est le maraîcher et seul salarié de l’Archipel de Kembs. Il cultive tout en bio et sans engrais chimiques de synthèse (les engrais, c'est du compost, du fumier et du bois broyé), en plein champ et sous serres, "sans chauffage, bien sûr" précise-t-il.

Tout au long de l'année (un peu moins en hiver), les enfants des cinq écoles de la commune viennent tour à tour sur site avec leurs enseignants, pour découvrir les cultures et mettre les mains dans la terre. C’est le maraîcher lui-même ou Julia Ludwiczak, l'initiatrice du projet, qui anime les activités.

En cette fin février, une dizaine d'enfants est là pour apprendre à semer. À leur disposition dans la serre réservée à la transmission, des godets en plastique, de la terre et des sachets de graines. "C'est amusant, on apprend comment faire", se réjouit Marisa, 10 ans. "On choisit les graines, comme la tomate, on la met en terre dans un pot et on arrose de temps en temps. On pourra peut-être la manger." Et elle rajoute : "Quand elle est très bonne, ça me fait plaisir, car je sais que c'est moi qui l'ai plantée et que je ne l'ai pas achetée."

D'autres élèves ont choisi des graines de concombres ou des fleurs de capucine. L'activité est ludique pour eux et ils apprennent le cycle des légumes, de la graine à l'assiette. Selon les classes et les enseignants, les enfants viennent plus ou moins souvent, mais tous les élèves de Kembs viennent au moins une fois par an, certains presque chaque semaine à la belle saison, pour les récoltes.

Grâce à ce champ, ce sont déjà huit tonnes de légumes qui alimentent les cantines des écoles de Kembs, chaque année. "Ce n'est pas encore assez pour manger du tout bio à chaque repas, mais ce n'est que le début de notre aventure", précise Julien Droual. D'où la décision de la commune de leur mettre bientôt un autre terrain à disposition, à la sortie de la ville, pour développer les cultures. "On tend à amener de la production de Kembs dans les assiettes des Kembsois. D'ici à quelques années, on aimerait être à 100% de légumes locaux", se projette le maraîcher, spécialisé en culture biologique, mais aussi titulaire d'un brevet professionnel de responsable d'entreprise.

Des gens sont venus s’installer exprès à Kembs, car ils savent que nous avons engagé une démarche globale, plus respectueuse de l’homme et de la nature

Julia Ludwiczak, fondatrice de l'Archipel de Kembs

Dans la commune, tout le monde n'est pas forcément actif et investi dans le projet, reconnaît Julia, mais "Ça crée forcément un état d’esprit particulier. Des gens sont venus s’installer exprès à Kembs, car ils savent que nous avons engagé une démarche globale, plus respectueuse de l’homme et de la nature."

À Kembs, tout a commencé par la projection du film documentaire " Demain" de Mélanie Laurent et Cyril Dion. Sorti en 2015, il présente des initiatives citoyennes mises en place dans dix pays pour proposer des réponses concrètes face aux problèmes environnementaux et sociaux du début du XXIᵉ siècle.

À la mairie de Kembs, le discours est tout aussi convaincu que dans le champ de légumes. Forcément. Car au départ, Brice Laloy, aujourd'hui conseiller municipal à l'environnement, était trésorier de l'antenne locale du mouvement colibris, montée suite à la projection du film "Demain". 

Lors du changement de municipalité en 2016, le nouveau maire a recruté des conseillers municipaux dans les associations sportives et celles engagées pour l'environnement. Voilà donc Brice Laloy, conseiller à l’environnement à la mairie de Kembs. "Concrètement tout le monde était prêt à embarquer dans l’aventure et tout le monde nous soutient. C’est devenu le programme de la commune. Ça va des employés communaux qui s’occupent des espaces verts jusqu’au maire et à la directrice des services généraux. À toutes les strates, il y a quelque chose à faire," explique-t-il.

Après une première année de production maraichère, on est à peu près à huit tonnes de légumes

Brice Laloy, conseiller environnement de Kembs

La directrice générale des services a eu beaucoup de travail avec leur action, la comptabilité aussi, les services techniques également. Administrativement, il y a de nombreux dossiers à gérer (ça, c'est sa partie à lui). "Il y a des conventions à signer, pour le terrain, avec les différents partenaires du projet, les rivières de Haute Alsace, Haies vives d’Alsace, donc administrativement, c'est lourd, mais c’est très beau puisque 600 enfants sont allés au moins une fois mettre les mains dans la terre. Et après une première année de production maraîchère, on est à peu près à huit tonnes de légumes distribués entre enfants des écoles, cantine et marché des producteurs à Kembs, dont l’épicerie solidaire. Donc c’est une belle réussite !"

Vers une autonomie alimentaire sur 50 km à la ronde

Après quelques mois d'existence, ils ont compris qu'ils n'atteindront pas l'autonomie alimentaire sur leur seule commune. Ils ont donc décidé de s'associer aux producteurs en cultures bios ou raisonnées sur une cinquantaine de kilomètres à la ronde sur des communes voisines.

Ce type d'initiative nécessite bien sûr l'investissement de bénévoles. Une épicerie, gérée par le groupement d’achats solidaires du pays rhénan, est ouverte au public tous les samedis. Le vendredi, des volontaires préparent des paniers commandés en amont sur le site web de l’association. Certains paniers (en réalité des cageots) sont offerts à des personnes dans le besoin.

Pour son fonctionnement, l'Archipel bénéficie de subventions de la Région Grand Est, de la CEA (Collectivité européenne d'Alsace), de Saint-Louis Agglomération et de l'aide de la commune de Kembs. "C'est vraiment un ensemble d'acteurs qui se réunissent pour réaliser ce projet commun", insiste Brice Laloye. Et de préciser que le nom d'Archipel, qui évoque une succession d'îlots proches, a été réellement bien choisi par les habitants.

Ce projet collectif semble déjà intéresser d'autres communes, puisque les acteurs de l'Archipel de Kembs accueillent de plus en plus souvent des visiteurs venus d'autres municipalités et régions afin de s'informer sur le processus.

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