Un très jeune lièvre a été ramassé le vendredi 18 février dans un champ, et confié aux bons soins de l'association Sentinelle Nature Alsace (SNA), basée à Hunawihr (Haut-Rhin). Ce n'était pas la meilleure chose à faire, car il n'était pas forcément égaré et sa mère aurait pu le retrouver et continuer à s'occuper de lui. L'association va donc devoir s'en occuper, et en profite pour sensibiliser la population.
Tomber sur une petite boule de poils de manière inopinée en faisant sa promenade dans la nature, ça arrive. Et l'on peut avoir la tentation de lui venir en aide.
Pourtant, cette petite bête n'est pas forcément égarée. De bonnes âmes ont pourtant eu cette impression vis-à-vis d'un bébé lièvre dans un champ (où un agriculteur voulait labourer), le vendredi 18 février, et l'ont emmené : on ne peut pas leur reprocher d'avoir voulu bien agir.
Le lendemain, ce levraut a été confié aux bons soins de l'association Sentinelle Nature Alsace (SNA). De quoi lancer un message de sensibilisation pour cette structure basée à Hunawihr (Haut-Rhin), derrière Naturoparc, où elle dispose d'un petit local pour apporter les premiers soins aux animaux sauvages avant que la Ligue de protection des oiseaux (LPO) ne prenne le relais (voir sur la carte ci-dessous).
En effet, il aurait été possible de simplement déplacer le levraut sans trop l'éloigner pour que sa mère le retrouve ensuite. Chose maintenant impossible, car la petite bête est désormais imprégnée de l'odeur humaine. La présidente de l'association, Anaëlle Cros, a répondu aux questions de France 3 Alsace... Mais seulement après une petite mise au point technique car pas mal de gens parlent ici de lapin au lieu de lièvre.
"Ce n'est pas du tout un lapin. C'est un lièvre. Il s'agit de deux espèces très différentes. Les lapins de garenne n'ont pas le même mode de reproduction et de vie, creusent un terrier et y placent leurs bébés qui sont sourds et nus à la naissance... Généralement, les gens ne les trouvent, et ramassent, donc pas. Contrairement à eux, les lièvres font leurs petits hors du terrier : ils n'en creusent pas. C'est pour ça qu'on a beaucoup de ramassage abusif de jeunes lièvres."
Abusif ?
"Souvent, ils ne sont pas réellement en détresse. Bien sûr, ça arrive parfois. Il peut aussi y avoir un problème avec des agriculteurs qui veulent labourer leur champ et découvrent un levraut de temps en temps. Mais on peut trouver d'autres solutions que le rapatrier en centre de soins : on peut le déplacer délicatement à côté si ce n'est pas trop loin et espérer que la mère va le retrouver. Dans le cas présent [voir publication Facebook ci-dessous; ndlr], ça partait évidemment d'une très bonne intention, ça posait clairement problème ici, mais peut-être que juste le déplacer un peu plus loin aurait suffi. Ou même nous appeler [06 60 10 30 86 ou la LPO, le Gorna, etc; ndlr] tout de suite pour qu'on puisse conseiller."
Quel est le problème avec le fait de l'emmener chez soi ?
"Le soir venu, la maman a dû chercher son petit sans le trouver. Et la personne qui l'a ramassé et mis à la maison l'a imprégné de son odeur. Il faut savoir que certains mammifères comme les lièvres - mais aussi les faons - ont très peur d'odeur pour se cacher des prédateurs. Si la mère revient et qu'elle ne le trouve plus... c'est compliqué. Très souvent, les lièvres disséminent leurs petits à droite et à gauche pour limiter le risque de prédation. S'il y en a un qui disparait... Donc dans le risque que la mère ne soit pas revenue, ou qu'elle ait été dérangée par l'odeur humaine, on a préféré ne pas le replacer. Trop de temps était déjà passé."
Que va devenir ce petit lièvre ?
"Notre petite association a 10 ans et s'occupe seulement des soins d'urgence aux animaux sauvages. C'est comme ça qu'on fonctionne car on n'a pas beaucoup de place dans notre relais, même si on est en train d'agrandir notre salle de soins et qu'on a lancé une cagnotte participative pour financer les travaux. Ce levraut, on a juste eu à le réhydrater. Pour la suite, c'est la LPO qui s'en occupe. Le jeune lièvre va grandir là-bas, sans qu'on l'imprègne car il n'est pas destiné à devenir un animal domestique. Et si tout se passe bien, il pourra être relâché quand il fera dans les un kilo."
Comment ça, si tout se passe bien ?
"On ne peut jamais dire qu'il est sauvé. L'élevage, ça reste compliqué. On n'est pas des mamans lièvres, on n'a pas forcément les laits qui sont les plus adaptés, on fait au mieux avec les recettes dont on dispose. Il y a très vite des soucis de diarrhée, il y a une mortalité qui est très importante auprès de l'humain. Si on avait 100% de réussite, et si ça ne nous prenait pas tant de temps, il n'y aurait pas de souci."
Il y a une mortalité du levraut qui est très importante auprès de l'humain.
Anaëlle Cros, présidente de l'association Sentinelle Nature Alsace (SNA)
"Mais c'est long, ça a un coût, et ça peut se solder par un échec à cause d'une diarrhée, ou d'une crise cardiaque car ils sont très sensibles au stress. Nos bénévoles y consacrent beaucoup de temps, pour des animaux fragiles mais techniquement en bonne santé, ce qui est un peu dommage quand tant d'animaux en mauvaise santé ont besoin de plus de temps et d'énergie."
C'est donc pour ça qu'il ne faut pas ramasser les levrauts... et quels autres animaux ?
"De manière générale, quand on voit un jeune animal dans une telle situation, il faut d'abord rester loin et observer. Est-ce qu'il a l'air en forme, bien portant ? Évidemment, s'il est complètement couché sur le côté, ou qu'il a une plaie ou bien qu'il hurle, dans ce cas-là, mieux vaut effectivement nous appeler. Ce qu'il faut toujours faire de toute façon en cas de doute. Ça vaut pour les levrauts, mais aussi les faons ou les petits merles, une partie des bébés chouettes aussi quand ils commencent à voleter. Autant d'animaux trouvés qui arrivent en bonne santé chez nous et qui vont donc avoir moins de chances de survivre, loin de leurs parents..."
Dans les rares cas où il faut absolument ramener un bébé chez nous, le soir par exemple, comment faire pour ne pas l'imprégner ?
"Il ne faut pas le mettre sur votre canapé et lui faire des câlins et des bisous... Le bon réflexe, c'est de le sécuriser dans un carton perforé ou une caisse à chat, à l'écart, dans le noir et dans le calme. On n'y touche pas, on ne lui donne ni à manger, ni à boire : il risque de s'y noyer ou d'avaler de travers, et ce serait dommage de tuer l'animal qu'on voulait sauver... Une fois l'animal bien sécurisé, il suffit de nous appeler dès la première heure du jour."