Un adulte haut-rhinois fan de Lego - ou AFOL (pour Adult fan of Lego) nous raconte sa passion. "Tout a démarré en mai 1987 quand j’ai eu ma première boîte de Lego, le set 4020, c’était un bateau de pompiers que j’ai toujours".
Yann Witzel a 38 ans. Quand il a fini sa semaine de travail comme employé communal, cet habitant de Katzenthal (Haut-Rhin) n’enfourche pas son vélo ou ses crampons de foot comme tout papa qui se respecte. Ce père de quatre enfants – âgés de 2 à 11 ans - ouvre ses boîtes de briques en plastique colorées pour entreprendre la construction tantôt d’un camion de pompiers tantôt d’un manège de fête foraine.
Le coup de foudre avec sa passion, cet AFOL – acronyme pour Adult fan of Lego devenue l’expression communément admise chez les accrocs de la brique – s’en souvient parfaitement : "tout a démarré en mai 1987 quand j’ai eu ma première boîte de Lego, le set 4020, c’était un bateau de pompiers que j’ai toujours. J’ai démarré comme ça ma collection à l’âge de 6 ans. Comme j’avais un parrain et des parents assez généreux, assez vite j’ai eu une caserne de pompiers, un commissariat, une station essence, un parking et ainsi de suite. Et très vite j’en ai eu plein ma chambre."
Ce que j'aime avec les Lego, c'est qu'on n'est limité que par son imagination. On peut fabriquer un vaisseau spatial à partir d'une maison, qui peut aussi devenir une camionnette... On a l'histoire et la création en même temps.
- Yann Witzel, 150 sets à son actif
Comme tout adolescent, vers l'âge de 14-15 ans, Yann Witzel se met à délaisser ses Lego. "C'était devenu ringard", se souvient-il. Il remet alors tout en sachets avec les notices et un maximum de pièces, celles qu'il n'avaient pas perdues, et remise sa collection au grenier.
Le déclic a eu lieu quand j'ai ouvert la première boîte de Lego de mon fils de 5 ans, une caserne de pompiers qu'il avait reçue à Noël.
- Yann Witzel, papa fan de Lego
C'est comme cela qu'il y a trois ans, Yann est retombé dans l'"engrenage" comme il dit. Il ressort ses cartons du grenier, recommence à monter ses vieux sets, rejoint l'association haut-rhinoise des passionnés de la brique danoise Fanabriques. Sa collection se monte aujourd'hui à environ 150 "sets" (terme employé par les puristes pour décrire un modèle Lego). Avec une règle d'or : rester fidèle à l'univers "City", la gamme ville de Lego qui décline immeubles, aménagements urbains et véhicules en tous genres.
Pour moi, un vaisseau spatial comme Star Wars, ça n'a rien à faire dans une ville.
- Yann Witzel, fidèle de la gamme Lego city
Les Lego de Papa, on n'y touche pas
Pour concilier son statut de père de famille nombreuse et son amour des briquettes, Yann a dû mettre en place certaines règles : "Les Lego de Papa, on y joue, mais avec la plus grande précaution !" Autant vous dire que quand l'un des bambins Witzel approche les boîtes de leur père, ce dernier n'est jamais loin pour surveiller qu'il n'y ait pas de destruction. "Les enfants savent qu'avec leur Lego, ils peuvent faire ce qu'ils veulent, les déconstruire, mélanger les pièces. Mais les miens, je les préserve."
Yann veille aussi à ce que sa passion ne déborde pas trop sur sa vie familiale. "Ça peut m'arriver, l'hiver notamment, de jouer tous les jours. Mais j'ai une famille sur laquelle ne doit pas empiéter ma passion. Je ne vais pas m'enfermer tout seul dans une pièce à jouer. Ça doit rester un plaisir."
Un plaisir que comprend la compagne de Yann, bien qu'elle-même ne joue pas. Mais pas question pour autant de transformer le domicile conjugal en lieu d'exposition permanente. Car cette passion peut vite s'avérer très envahissante. Pour l'instant, Yann conserve donc ses Lego dans des cartons au garage. En attendant LA pièce... "On est en train de réaménager les combles pour faire la chambre de la petite dernière. Je vais pouvoir aménager un petit espace dédié à ma collection", annonce-t-il avec une pointe d'excitation perceptible dans la voix.
"Financièrement, c'est un gouffre"
Si Yann tient autant à ses joujoux, c'est qu'ils représentent une part conséquente de son budget. Certains modèles peuvent coûter très cher : il lui a fallu débourser 350 euros pour sa dernière acquisition. "J'y consacre en moyenne 150 à 200 euros par mois maximum" avoue-t-il. Et pour limiter les frais, il a ses astuces : profiter des commandes groupées de son association, guetter les promotions qui proposent parfois deux mêmes boîtes pour le prix d'une. "Dans ces cas-là, on se met à deux passionnés, on partage la somme et on a chacun notre boîte. Ça fait baisser la note..."
Même s'il ne cherche pas à faire de spéculation, Yann a conscience que sa passion d'enfance représente aujourd'hui un véritable trésor : "je n'aurais jamais imaginé que des modèles qui valaient 50 francs de l'époque atteignent aujourd'hui jusqu'à 200 euros" (l'équivalent de plus de 1.300 francs, soit un prix multiplié par 26). Mais pas question pour lui de vendre la moindre boîte. Il y est trop attaché.
Collectionner c'est sympa, partager c'est mieux
Pour Yann, construire ses Lego est un plaisir solitaire. Mais qu'il a à coeur de partager. "Accumuler à la maison, je ne vois pas l'intérêt. C'est une satisfaction personnelle, mais c'est mieux de partager sa passion". C'est pourquoi il fait partie de ces aficiniados qui aiment exposer leur collection. Pour la deuxième fois, il a tenu à nouveau un stand à la 14e édition de l'exposition Fana'briques, en juin 2019 au parc-expos de Colmar. "J'avais un espace de 30 mètres carrés à ma disposition. Ça m'a demandé environ huit heures de montage", précise-t-il avec un accent de fierté. Des rendez-vous qu'il attend chaque fois avec impatience.
Ce qui me fait plaisir, c'est quand il y a des papas qui viennent sur mon stand et qui disent : "oh, vous l'avez gardé celui-là, je l'avais aussi" et je vois bien que certains ont des regrets de ne pas avoir conservé leurs boîtes d'enfant.
- Yann Witzel, fier collectionneur de Lego
Depuis deux ans, Yann anime également cinq fois par an des ateliers pédagogiques pour les enfants dans sa commune de Katzenthal. Les petits travaillent sur des thèmes imposés comme la mosaïque, les trains, les 4x4... Ces ateliers sont chapeautés par l'association fanabriques qui en propose ainsi dans 17 villes et villages d'Alsace, de Moselle et des Vosges.
Pour permettre aux enfants de jouer aux Lego autrement qu'en suivant uniquement une notice de montage, les bénévoles de l'association ont imaginé le jeu du "Qui va le plus loin ?" Yann nous en explique les règles : "les enfants doivent concevoir chacun leur circuit en pente avec des rails, des droites et des courbes. Ils doivent ensuite chacun créer un véhicule de leur imagination. Puis au top départ, ils le lâchent en même temps. Le but du jeu est d'aller le plus loin possible sur le parcours. Ça favorise la manipulation, l'imagination, la création, la stratégie. Et le challenge de la course rajoute de l'amusement." Une bonne idée à reproduire en famille.