Procès en appel de la rixe mortelle du nouvel an 2021 à Strasbourg : "je suis innocent du meurtre !", clament les deux accusés

Près de quatre ans après les faits, s'est ouvert ce lundi 30 septembre à Colmar, le procès en appel de Jonay Hoffert et Christian Haas, condamnés fin 2023 à 20 ans de réclusion pour le meurtre de Josué Gorreta lors de la soirée du nouvel an 2021, à Strasbourg.

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À la question de la présidente de la cour, concernant les raisons de cet appel de leur condamnation à 20 ans de prison, Jonay Hoffert et Christian Haas clament les mêmes mots : "je suis innocent du meurtre !"

Le meurtre, c'est celui de Josué Gorreta, 38 ans, lors d'une soirée de réveillon qui a mal tourné, le 1er janvier 2021. Ce soir-là, un chapiteau est monté dans le quartier de l'aéropostale à Strasbourg, quartier principalement occupé par des familles de gens du voyage sédentarisés.

Parmi elles, des gitans espagnols et des manouches alsaciens. En conflit ouvert depuis plusieurs mois voire plus, ils se retrouvent dans le courant de la soirée, et, l'alcool et les stupéfiants aidant, le ton monte au point qu'au petit matin, fusils et couteaux sont sortis.

Une altercation violente s'ensuit, au cours de laquelle, Josué Gorreta, du clan des Espagnols, s'écroule, atteint de 18 coups de couteau, il meurt peu après l'arrivée des secours. Noé Diaz, un autre membre de la communauté gitane espagnole, est également blessé par arme blanche. Trois autres personnes sont blessées par balle et une jeune femme de 17 ans, percutée par Josué Gorreta au volant de sa voiture, est gravement blessée à la jambe.

Une enquête est alors ouverte. Mais il n'existe pas de vidéo de la scène. Du sang, des couteaux, des munitions ont été retrouvés sur la scène de crime. "Les seuls éléments sont les déclarations des uns et des autres, précise l'enquêtrice appelée à la barre. Nous avons donc plusieurs versions différentes des faits."

Très vite malgré tout, Jonay Hoffert, Christian Haas et son jumeau Patrick, membres de la communauté manouche alsacienne sont désignés comme les auteurs des coups de couteau mortels. Patrick Haas ne comparaît pas pour des raisons de santé mais son frère et Jonay Hoffert sont condamnés devant les assises du Bas-Rhin fin 2023 à 20 ans de réclusion, la cour retenant la notion de scène de crime unique et infligeant la même peine à tous les protagonistes.

Niant les faits qui leur sont reprochés, les deux condamnés décident de faire appel. Tout comme Gérard Haas, qui comparaît libre, et qui avait été condamné cinq ans de prison en première instance pour avoir tiré les coups de fusil. 

"Je suis devenu une autre personne"

Ce deuxième procès s'est donc ouvert ce lundi 30 septembre devant la cour d'assises du Haut-Rhin qui statue en appel. Après le rappel des faits, la parole est donnée aux accusés. Jonay Hoffert, 25 ans, est formel, "je nie tout lien avec le meurtre!" martèle-t-il.

Incarcéré depuis près de quatre ans, il l'assure, lui qui souffrait d'impulsivité, "je suis devenu une autre personne, j'ai pris des cours de gestion des émotions, je suis suivi psychologiquement, cela m'aide à rester calme, à relativiser les choses".

Et la présidente de la cour de rappeler sa bonne conduite au sein de la prison de Lutterbach. "Jonay Hoffert est un prisonnier calme, qui ne présente aucune difficulté dans la gestion quotidienne, il est disponible et réactif, investi dans les activités sportives et volontaire pour les tâches ménagères".

Le jeune inculpé a par ailleurs passé un CAP de soudeur en prison et prévoit de se marier avec sa compagne de longue date.

Des tensions toujours très vives près de quatre ans après les faits

Christian Haas nie avec la même vigueur. "Je n'ai rien fait, ce soir-là, je suis simplement venu chercher ma fille". La cour s'est ensuite penchée sur la situation familiale et la personnalité des accusés. Tous deux ont grandi dans un environnement familial aimant, avec des frères et sœurs. Les bancs de la salle d'audience sont d'ailleurs garnis de membres des familles des accusés.

L'objectif de leurs avocats, c'est de rappeler, comme ils l'avaient fait en première instance, que les témoignages des uns et des autres sont flous et contradictoires, dans un contexte alcoolisé, et que donc le doute doit bénéficier à Jonay Hoffert et Christian Haas.

D’ailleurs, l’enquêtrice, interrogée par l’avocat général sur les coups de couteau portés, “peut-on savoir combien de personnes à votre avis ont porté les coups de couteau ?", répond “plusieurs mais combien, c’est dur à dire.”

Et maître Michaël Wacquez, avocat de Christian Haas, d'enchérir. "Y a-t-il dans le dossier d'accusation autre chose que le témoignage du frère de Jonay Hoffert pour incriminer mon client ?"  "Non", répond l'enquêtrice.

"Nous attendons de ce procès en appel, précise maître Mickaël Wacquez, peut-être un peu plus de quiétude, nous souhaiterions que ce procès puisse se tenir sereinement dans le cadre d'un débat contradictoire. Nous insistons sur l'argument selon lequel mon client n'a jamais porté de coups de couteau à l'endroit de cette victime et nous sommes toujours aujourd'hui dans l'incapacité de dire qui a fait quoi."

Deux clans irréconciliables

À l'autre bout de la salle, la compagne de Josué Gorreta, présente dès le matin, est elle aussi entourée de la famille de son compagnon décédé. La maman de celui-ci trouve la force de rejoindre les siens en début d'après-midi, mais elle doit être soutenue, ne peut retenir ses larmes, et ressort de la salle d’audience finalement 30 minutes plus tard, incapable d’en entendre davantage, pour respirer. Avant de finalement regagner son banc, visage fermé, les yeux cachés derrière des lunettes noires.

La sœur de Josué Gorreta, elle, tient bon jusqu'au rapport du médecin légiste avant de s'écrouler à l'énoncé des blessures reçues par son frère. Elle doit être évacuée de la salle d'audience pour être prise en charge, victime d'une crise de nerfs. 

"Cette peine abyssale de la perte de Josué Gorreta ne diminue pas avec le temps, précise maître Laura Mourey, avocate de la famille de la victime. Et je pense qu'elle restera ancrée même une fois que la justice se sera prononcée. Josué, c'était l'emblème de cette famille."

Deux clans irréconciliables donc installés chacun à un bout de la salle. Pour maître Thomas Steinmetz, l'avocat de la famille de la victime, celle-ci attend "une confirmation de la déclaration de culpabilité, les familles des victimes ont été rassurées, c'était important pour un quartier qui fait l'objet de poursuites policières régulières, de voir que ça fonctionne aussi dans l'autre sens". Quant aux doutes émis par la défense, "le dossier de l'enquête est suffisamment solide pour permettre d'établir une participation aux faits qui ont abouti à la mort de Josué Gorreta, il y a des témoins qui ont vu, qui ont parlé et il s'est dégagé une histoire simple et complète".

Une première audience qui démarre dans le calme, encadrée de forces de l'ordre discrètes mais présentes, jusqu'à ce qu'une altercation dans le hall du tribunal vienne rappeler à quel point les tensions entre les familles et dans le quartier restent vives. 

Auditions des enquêteurs, des experts et des témoins, les débats vont se poursuivre ainsi toute la semaine au sein de la cour d'appel de Colmar. La décision est attendue en fin de semaine.

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