Liberté, solidarité, créativité. Voici les maîtres-mots de Motoco, une résidence unique en son genre située à Mulhouse (Haut-Rhin). Là-bas, 150 artistes travaillent sur leurs œuvres, s’entraident et se nourrissent des productions des uns et des autres. Ce documentaire suit le parcours de quelques résidents et raconte un pari, celui de tenir l'équilibre entre liberté et économie, pour que les hommes puissent à la fois vivre et rêver.
En plein cœur de Mulhouse (Haut-Rhin), la résidence d’artistes et d’artisans d’art Motoco est l’un des lieux emblématiques de la ville. Créé en 2012, Motoco signifie en réalité “More to come” et désigne une association située dans l'ancien site textile historique de DMC. Ce projet réinvestit le bâtiment 75, un ancien bâtiment industriel de 8500 m². Très grand, il dispose de trois étages : deux dédiés aux 80 ateliers d’artistes et le rez-de-chaussée dédié à l’événementiel. Soutenu par les collectivités locales, Motoco "répond à la volonté territoriale de reconversion du site en un lieu d’activités mixtes et émergentes."
Pendant un an, le réalisateur Robin Hunzinger a suivi de près cet établissement et ses pensionnaires (peintres, dessinateurs, plasticiens, architectes) qui expérimentent et travaillent dans une totale autonomie financière.
Voici trois bonnes raisons de regarder le documentaire poétique et instructif de Robin Hunzinger, "Motoco" disponible en replay ci-dessus.
1. Pour découvrir une résidence d’artistes unique en son genre
"On ouvre la porte à des artistes, on ne crée pas de règles et ils vont nous inventer la façon de travailler demain", raconte Martine Zussy, directrice de ce lieu inédit. Admirative de cet endroit, elle explique aux visiteurs qu'il n’y a pas d’horaires de travail, […] pas de week-ends, […] pas de vacances parce que les choix de vie des artistes, c’est comme ça." Elle explique que ces artistes trouvent à Motoco "du matériel qui leur permet de faire de l’expérimentation" et ils "apprennent à travailler en équipe."
Persévérante, Martine Zussy lutte pour faire de cet établissement un espace pérenne. "La résidence d’artistes est totalement déficitaire", affirme-t-elle de but en blanc. Mais il s’agit seulement là d’une des nombreuses difficultés qu’elle rencontre. Car elle doit veiller à ce que les subventions perdurent. Et puis, la facture énergétique pèse très lourd. "Si on est sur des x2, x3, on meurt", ajoute-t-elle en mettant en garde les artistes, tandis qu’elle réalise le bilan financier et énergétique.
2. Pour l’ambiance festive et conviviale
Mais l’ambiance n’est absolument pas morose, au contraire. Les fêtes et les bals masqués rythment l’année à Motoco. Et ce n’est pas la seule source de divertissement et de convivialité. En effet, les artistes s’épaulent et partagent régulièrement des moments ensemble. Anne-Sophie Tshiegg, l’une des artistes peintre dont on suit le quotidien, n’a pas peur d’affirmer que "Motoco [l’]a sortie de la solitude absolue du peintre." Cet aspect communautaire permet une émulation artistique et intellectuelle. Ils créent ensemble, certes avec des pratiques différentes, mais ils s’entraident et se nourrissent du travail des uns et des autres. Anne-Sophie Tshiegg a par exemple apporté son aide à Kiki DeGonzag, artiste pluridisciplinaire, en lui rédigeant un texte de présentation. "J’aimerais partir de mon regard sur ton boulot", lui dit-elle enjouée.
Toute ma vie d’avant je l’ai travaillée dans le système salarié […] Est-ce qu’on reste bien rangé ou on tente une aventure ? Je suis content de l’avoir fait.
Emmanuel Henninger, dessinateur contemporain
Les artistes s’ouvrent également sur l’extérieur. Ils reçoivent parfois des visiteurs, notamment les lycéens, mais pas trop non plus, car sinon c’est trop envahissant. Emmanuel Henninger, dessinateur contemporain, évoque avec satisfaction ses choix de vie aux élèves. "Toute ma vie d’avant je l’ai travaillée dans le système salarié […] Est-ce qu’on reste bien rangé ou on tente une aventure ? Je suis content de l’avoir fait", leur explique-t-il, apaisé.
3. Pour en apprendre plus sur le métier de peintre
"Je vis de ce métier, parfois bien, parfois pas bien. En ce moment plutôt bien", commente Anne-Sophie Tshiegg dans un studio de radio. Pour elle, peindre, "c’est à chaque fois résoudre un problème après l’autre." Même si elle gagne bien sa vie, elle regrette "de ne pas avoir le temps de se casser la gueule, de se chercher, de se planter." "Parce que c’est ce qui m’intéresse, de me planter, de revenir et de trouver un autre chemin", ajoute-t-elle avec détermination.
Elle admire un jeune peintre, Clément Bedel, 28 ans, qu’elle appelle "mon fils" et qui peint des scènes apocalyptiques. "Quand je vois les questions qu’il se pose, comment il résout ça, c’est merveilleux, il va en avoir pour toute une vie pour résoudre ces questions", affirme la peintre, émerveillée. La liberté de créer est également très importante pour elle. Elle souhaite "travailler le plus librement possible." Et pourtant, elle veut aussi "tenir à la fois une forme de volonté, [...] d’énergie, et de décision." Tant d’enjeux et de possibilités pour ces artistes.