C’est l’histoire d’un homme aux mille vies. Louis Schittly est fils de paysan. Mais il est également médecin-humaniste, co-fondateur de Médecins sans frontières, écrivain, cinéaste et défenseur de la langue alsacienne. Ce documentaire, "Louis Schittly, de terre et de guerre", raconte l’histoire de sa vie.
Louis Schittly voulait changer le monde. Né en 1938 dans une famille paysanne à Bernwiller, petit village au sud de l’Alsace, il devient médecin et exerce là où il se sent le plus utile. Finalement, il empruntera divers métiers tout au long de sa vie. Médecin des champs, pionnier de l’aide humanitaire, paysan, défenseur de la langue alsacienne, écrivain et cinéaste, rien ne l’arrête. Le réalisateur Vincent Froehly rend hommage à ce compagnon en retraçant sa vie riche et longue dans ce documentaire.
Voici trois bonnes raisons de regarder le documentaire touchant de Vincent Froehly, "Louis Schittly, de terre et de guerre," en replay ci-dessus.
1. Pour en savoir plus sur la guerre
"J’ai découvert la guerre, la misère. C’était vraiment une autre planète," déclare Louis Schittly, songeur. Les guerres se succèdent et il est sur tous les fronts : Biafra, Vietnam, Afghanistan... En 1969, le Nigéria, en guerre contre le Biafra, utilise la famine comme arme de guerre. Louis rejoint l’équipe médicale de la Croix-Rouge française et sauve des milliers d’enfants. Des enfants qui attendent un peu de nourriture ou la mort. Alors chef d’un l’hôpital près de la ligne de front, il doit choisir quels enfants il pourra emmener à l’hôpital et sauver. "Il fallait faire des choix, un choix impossible à faire. Celui qui partait avec nous allait vivre, celui qu’on n’emmenait pas allait mourir," raconte-t-il tristement.
Parmi toutes ces épopées, certaines le marquent plus que d’autres. Il se rappelle très bien de la guerre du Vietnam. "J’ai flirté un peu avec la mort en allant au Vietnam. Je ne pensais pas que j’allais revenir. Une partie en moi ne voulait pas revenir," déclare Louis. Il se souvient en particulier de "ce garçon qui avait le visage complètement éjecté. [Il] était dans les rizières avec son buffle. Et le buffle a marché sur une mine […] Le gamin n’avait plus d’yeux. Le cerveau coulait mais il vivait encore." Ces atrocités ne le laissent pas indifférent. Louis a la haine et il ressent le besoin d’agir.
2. Pour la soif de liberté et de changement
Lorsqu’en 1970 le Biafra tombe, la Croix-Rouge ordonne aux soignants de fuir. Mais Louis et ses amis restent. Le monde entier les surnommera les French Doctors. Ceux-là même qui créeront Médecins sans frontières avec Bernard Kouchner, ancien ministre. 58 après, Louis Schittly et Bernard Kouchner se voient toujours. "Les deux amis se chamaillent souvent sur la finalité de l’aide humanitaire," rappelle Vincent Froehly. "Louis craint le néocolonialisme et ne veut que soigner. Bernard croit en l’aide au développement et au progrès," ajoute-t-il. "L’humanitaire était pour moi une bonne façon de faire de la politique," affirme Bernard Kouchner.
Pourquoi ils font la guerre aux paysans ? Les paysans ne font la guerre à personne.
Louis Schittly
Au contraire, Louis se considère comme "un anarchiste qui s’ignore." Certains le voient aussi comme un insoumis ou un réfractaire. Lui, ce qu’il comprend de la guerre au Vietnam, c’est que "l’Occident veut imposer sa façon de vivre avec brutalité." "Au bout d’un certain temps, je me suis rendu compte que c’était les paysans qui prenaient. Et je me suis dit, ah mais c’est comme chez nous," affirme Louis avec véhémence. "Pourquoi ils font la guerre aux paysans ? Les paysans ne font la guerre à personne," poursuit-il.
3. Pour la fierté d’être paysan
En 1974, Louis revient du Vietnam et s’installe dans son village natal à Bernwiller. Il reprend son métier de médecin de campagne et continue d’aider son père à la ferme. Mais il se retrouve face à une triste réalité. "Ce monde des petits paysans qu’il aime tant est en voie de disparition," raconte Vincent Froehly. Louis veut prévenir les villageois du danger qui les guette. La rencontre avec un jeune cinéaste lui donne l’idée d’un film, D'goda (1975). Il y défend l’idéal du monde paysan tel qu’il l’a connu dans son enfance. Il y défend également la langue alsacienne, reflet de sa culture paysanne. Le temps passe mais les enjeux restent les mêmes. Les paysans quittent la terre les uns après les autres pour une vie plus facile, plus confortable. Comment leur faire comprendre ? Alors il écrit un roman, Näsdla - une enfance au paradis (1976).
De retour au village après quelques temps en Afghanistan, Louis ne se rêve plus héros du monde rural. Dans une société en plein bouleversement, son but premier est de subvenir lui-même à ses besoins. "L’autonomie de subsistance, elle n’est jamais ringarde," affirme Louis. "La viande que nous mangeons en famille depuis 40 ans, je la produis moi-même exclusivement. Le cidre, je le fais moi-même," ajoute-t-il. Car il fait un constat amer : "Supposons que pendant trois mois, l’électricité, le gasoil ou l’essence soient fermés, qui va survivre ? A Mulhouse ? A Paris ?" Dans cette société titanique, il se rend compte que "tout le monde philosophe mais qu’ils ne savent pas se nourrir eux-mêmes." Finalement, Louis est un homme simple du monde paysan qui connait les sacrifices qu’il faut faire pour rester libre.