Dans le contexte de confinement lié au Covid-19, les Mulhousiens ont pu échanger et poser leurs questions directement via un Facebook live à leur maire et au président de la région Grand Est, ce jeudi 19 mars. Installée à mon poste de télétravail, j’ai suivi les échanges.
La démarche est inédite. Pour la première fois, la maire de Mulhouse, Michèle Lutz, organise, ce jeudi 19 mars, un Facebook live pour pouvoir discuter et directement répondre aux questions des habitants. Et elles sont forcément nombreuses au soir de ce troisième jour de confinement national, alors que l'agence sanitaire Santé publique France annonce que la prolongation du confinement "sera très vraisemblablement nécessaire". Surtout dans cette ville « cluster » de près de 110.000 habitants où la propagation du virus est particulièrement active. Une autre manière de communiquer en face-à-face avec ses administrés à l'heure où tout contact direct est à proscrire.
Michèle Lutz est accompagnée de son premier adjoint Jean Rottner qui est également le président de la région Grand Est. Celui-ci est également médecin urgentiste et président du Conseil de Surveillance du GHRMSA, le groupement hospitalier de la région mulhousienne. Il est donc à ce titre particulièrement au fait de la situation en temps réel au sein des services hospitaliers. Depuis plusieurs jours, il multiplie les interventions dans les médias pour alerter sur la gravité de la crise sanitaire. Quelques heures avant ce Facebook live, il publiait sur les réseaux sociaux un message pour trouver des masques pour les soignants :
J’ai besoin de vous. !!!
— Jean ROTTNER (@JeanROTTNER) March 19, 2020
Si votre entreprise dispose de masques de type FFP2 et si dans un geste citoyen vous pouvez nous aider à équiper les médecins et infirmières libéraux :
Laissez nous un message sur masques@grandest.fr@AFPStrasbourg @PhilippeRivet @FredGouis @dnatweets pic.twitter.com/SZO2qiTHqT
Il est 17 heures. Les élus sont à l'heure au rendez-vous. Sur la page facebook de la ville de Mulhouse, la maire Michèle Lutz prend la parole. A ses côtés, Jean Rottner, en chemise blanche, arbore l'air sérieux de circonstance. Entre eux deux trône une chaise vide, symbole du mètre de distanciation imposé en ces temps de propagation du virus. C'est par un message du général à ses troupes que la maire ouvre cette discussion publique. Après avoir remercié le personnel soignant, elle tient à saluer Mulhouse "ville résiliente qui ne s'est jamais résignée". Rappelant que la municipalité avait créé une page "Mulhouse résiste !" sur les réseaux sociaux, elle reprend le ton martial du président de la République :" vainquons ensemble cette espèce de guerre sanitaire !" Et comme pour se mettre en ordre de bataille, c'est pas un point sur l'évolution du bilan de contamination que Jean Rottner introduit les échanges : 2163 cas de Covid-19 sont à cette heure officiellement recensés en Alsace, 800 personnes sont hospitalisées dont un quart en réanimation.
Mais déjà les questions des administrés affluent. "Alors que le confinement a été activé, on voit encore beaucoup de rassemblements. Pourquoi ne les interdit-on pas ? "" Pourquoi les marchés ne sont pas fermés ?" "Pourquoi les gens continuent leur footing comme si de rien n'était ? " Loin de se plaindre des contraintes liées au confinement qu'ils subissent depuis maintenant trois jours, les Mulhousiens semblent à l'inverse surpris voire choqués lorsqu'il n'est pas respecté.
"Moi-même, j'ai une maman âgée"
Est-ce le contexte qui est inédit ou la formule d'expression choisie ? Toujours est-il que le ton ne répond pas au protocole plus guindé que peuvent avoir certaines réunions ou conférences de presse d'ordinaire. Comme pour se rapprocher de la population, Michèle Lutz et Jean Rottner n'hésitent pas chacun à mettre leur expérience personnelle en avant. A une question posée sur le sort des personnes âgées qui se retrouvent isolées, la maire répond par son exemple personnel : " j'ai moi-même une maman âgée, je suis tentée d'y aller plus souvent. Ne le faites pas." Quand un internaute évoque ses difficultés pour sortir, le président de la région témoigne de son cas : "pour venir ici, j'ai pris mon vélo. Du coup j'ai rédigé mon papier justificatif au cas où j'aurais été contrôlé".Si certains commentaires critiquent la gestion de la crise, notamment autour du foyer épidémique du rassemblement évangélique dans le quartier de Bourtzwiller mi-février, ce sont surtout des questions d'ordre très pratique que se posent les Mulhousiens : "Jusqu’où avons nous le droit de nous déplacer en voiture pour faire nos courses ?"" Les attestations remplies au crayon de papier sont elles valides ? ""Les poubelles vont-elles encore être ramassées ?" Nombreuses sont aussi les interrogations autour de l'hôpital militaire de campagne en début d'installation au moment-même de la discussion : " 30 lits : est-ce vraiment suffisant ? "
"Non, la patinoire de Mulhouse n'a pas été transformée en morgue"
Cet échange est aussi l'occasion de mettre fin à une rumeur persistante depuis quelques jours sur les réseaux sociaux. La patinoire de l'Illberg n'a pas été transformée en morgue. Michèle Lutz explique avoir identifié l'origine de cette légende urbaine : la patinoire de l'Illberg fait bien partie des équipements et structures qui peuvent être mobilisées en cas de catastrophe avec nombreuses victimes. "Les chambres funéraires du cimetière de Mulhouse ont été mises à disposition de l'hôpital. A cette heure, il n'y a pas de tension au niveau de l'accueil des personnes décédées", tient-elle à rassurer, comme elle l'avait déjà fait plus tôt sur les réseaux sociaux.⚠ #Coronavirus #COVID19 | Ne relayez pas les infox !
— #Mulhouse (@mulhouse) March 17, 2020
? Non, la patinoire de l'Illberg à #Mulhouse n'est pas actuellement réquisitionnée pour servir de morgue. https://t.co/iGIafc7wSu
Dernière question relayée par les deux élus : "que peut-on faire pour aider ? " En guise de réponse, en plus d'appeler au strict respect des consignes sanitaires, Jean Rottner a invité chacun à exprimer un message de soutien au personnel soignant : un dessin d'enfant pour ceux qui travaillent à l'hôpital ou un simple merci à son médecin généraliste.
Voir ou revoir le Facebook live :
"Je voudrais que ce soir Mulhouse résonne de mille cris, de mille applaudissements pour exprimer son soutien". Pour conclure cette discussion "virtuelle" suivie par près de 10.000 personnes, qui aura duré une quarantaine de minutes, la maire de Mulhouse a demandé à tous les habitants de saluer à 20 heures précises le personnel soignant engagé en première ligne contre le Covid-19.