Une mère a accouché dans sa voiture, assistée par son mari, le mercredi 13 novembre. Venu de Seppois-le-Haut (Haut-Rhin), le couple tentait de se rendre à la maternité de Mulhouse, celle d'Altkirch ayant fermé il y a quelques jours. Mais le bébé est arrivé trop vite.
Elle était un peu trop pressée... Lilou est née le mercredi 13 novembre 2019 à 17h10, à Zillisheim (Haut-Rhin). Ce carnet rose n'aurait rien d'inhabituel si Lilou n'était pas née dans la voiture de ses parents, partis de Seppois-le-Haut (Haut-Rhin). Il n'était plus possible pour la mère d'accoucher à la maternité d'Altkirch située à 22 kilomètres de son domicile, mais fermée au début du mois de novembre 2019. Et Mulhouse, située à plus de 40 kilomètres de la maison des parents, était trop loin pour Lilou.
Selon une étude réalisée par Evelyne Combier, pédiatre et chercheuse, plus on augmente la distance avec la maternité, plus le risque d’accouchement hors maternité augmente mécaniquement et avec lui, le risque de mortalité pour la mère et l'enfant. Or, le nombre de maternités en France métropolitaine a été divisé par trois en quarante ans. Il y en avait 1.369 en 1975, en 2016, il n'en restait plus que 498 (lien PDF).
France 3 Alsace a joint l'heureux papa (c'est ainsi qu'il a souhaité qu'on le nomme) qui, s'il est doué en activité manuelles, n'avait encore jamais dû procéder à un accouchement.
Que s'est-il passé ?
"Les premières contractions sont arrivées dans la nuit du 12 au 13 novembre. Nos deux filles étaient nées à la maternité d'Altkirch, mais à cause de la fermeture, on allait se diriger vers Mulhouse. On est prudents, on a l'expérience, donc on est partis bien en avance, à une heure du matin. On a eu un très bon accueil à Mulhouse. Mais c'était une fausse alerte. Alors, on est revenus à la maison.""Jusque midi, ma femme se reposait, ça allait. Et là, ça a repris à 13 heures. Des petites contractions. Jusqu'à 16 heures, où il y en a eu une plus forte... Là, ma femme a perdu les eaux. On ne s'était pas inquiétés jusque-là : ça avait été long les deux premières fois... Mais pas là. On est partis sur les chapeaux de roue. Le sac de naissance était prêt, les petites étaient chez leurs beaux-parents depuis la veille."
Comment s'est déroulé le trajet ?
"On a roulé vers Mulhouse. Ma femme avait de fortes douleurs, ça faisait bien plus mal que lors des deux premières fois. On a eu un petit doute en dépassant Altkirch. On hésitait à y aller. Mais dans le doute, vu tout ce qu'on avait entendu à propos de la fermeture... on a continué.""Arrivés à Illfurth, ma femme m'a dit que ça devenait trop fort... Et à Zillisheim [situé à 32 kilomètre du domicile des parents et à une dizaine de kilomètres de Mulhouse, ndlr] , juste après, on s'est pris un feu rouge de travaux, avec pas mal de voitures devant nous. Là, elle me dit : 'Je crois qu'il ou elle est là !' On n'avait pas voulu savoir son sexe. La tête dépassait !"
Comment vous êtes-vous débrouillés ?
"Passé la zone de travaux, on s'est garés sur un arrêt de bus. Il était 17h05. Tout est allé très vite : à 17h10, elle avait accouché... J'ai d'abord mis mes mains sous la tête du bébé, pour bien la retenir. Un bras est sorti, puis deux, et elle s'est retournée. Je l'ai prise dans mes bras, en vérifiant le sexe, puis je l'ai donnée à la maman. C'était vraiment rapide.""Ensuite, on a pas eu à réfléchir : on allait repartir vers Mulhouse. On n'allait pas appeler les pompiers ou le samu et attendre. Je les ai quand même contactés pour qu'ils préviennent l'hôpital. J'ai fait le point avec le Samu par téléphone sur l'état de notre fille, mais tout allait bien. Elle avait pleuré tout de suite, et elle était bien rose : il n'y avait aucune inquiétude. On était euphoriques !"
Qu'est-ce que le personnel soignant a fait à Mulhouse ?
"Tout le monde était devant à nous attendre. Je me suis presque garé dans le couloir ! J'ai pu couper le cordon ombilical dans la voiture : je l'avais fait dans la chambre de la maternité à Altkirch les deux premières fois. C'est symbolique. J'ai plaisanté en disant que je l'aurais bien fait avant d'arriver, mais que j'avais oublié mon couteau suisse.""Ma femme a été prise en charge pendant trois jours avec la petite. Il y avait certains examens à faire, et à Mulhouse, ils ne sont pas trop pour les retours anticipés. Moi, je suis rentré à la maison pour tout préparer et chercher ses deux soeurs, et je suis revenu pour les présenter au bébé."
Quel est votre état d'esprit après tout ça ?
"On est très contents de l'équipe de Mulhouse, ils étaient très accueillants. Mais on est un peu tristes, c'est dommage que notre fille n'ait pas pu naître à la maternité d'Altkirch comme ses deux soeurs. Après, on nous a dit qu'on aurait pu s'arrêter à Altkirch : ils ne nous auraient pas mis dehors ! Il y a toujours des sages-femmes de garde. Mais il fallait le savoir et on avait entendu le contraire.""Ça s'est bien passé pour nous, on avait l'habitude... Mais ça peut être très inquiétant pour une première fois. Et on n'habitait pas si loin de la maternité ! Ça aurait pu très mal finir. On en parlerait beaucoup moins légèrement : il faudrait attirer l'attention là-dessus."
Il paraît que vous avez rencontré le maire ?
"À Mulhouse, on m'a dit qu'il fallait que j'appelle à Zillisheim pour l'acte de naissance de notre fille. Quand j'ai eu le maire au téléphone, il a dû se renseigner sur la procédure : il ne savait pas comment s'y prendre car ça faisait plus de 50 ans que personne n'était né dans sa ville ! Le maire nous a invités pour le mercredi 27 novembre. Il tenait à nous remettre l'acte de naissance lui-même. On va y aller à cinq, tous ensemble en famille."Selon nos informations, Joseph Goester (Agir), qui se trouvait au congrès des maires de France à Paris au moment des faits, a prévu une petite surprise pour le bébé et ses parents. Mais ça ne serait plus une surprise si on la rendait publique...