Elle a reçu sa distinction des mains de Marlène Schiappa le 27 mai. La jeune Mulhousienne Chloé Forthoffer a été désignée « Prodige de la République ». Parce qu'à 23 ans elle a su transformer son parcours de vie chaotique en élan de générosité. Son association s'appelle Hopendog.
« Prodige de la République », une distinction qui honore la jeune Mulhousienne Chloé Forthoffer. L’association Hopendog qu’elle a créée et qu’elle dirige aujourd’hui vient en aide aux personnes en difficulté par la médiation animale. Les chiens sont eux-mêmes des animaux recueillis. Cette façon d’exercer la fraternité a été saluée fin mai par la ministre Marlène Schiappa lors d’une cérémonie place Beauvau. Il faut dire que le parcours de cette jeune femme de 23 ans a quelque chose d'exemplaire. Et la rencontrer est une chance, une bouffée d'optimisme et de simplicité.
L’ambiance est douce dans le petit jardin de la maison d'Hopendog, quartier Bourtzwiller à Mulhouse. Un groupe de jeunes femmes, salariées, stagiaire ou bénévole de l’association se prépare à accueillir le groupe de l’après-midi. A leurs pieds deux grandes boules de poils, Olympe et Eros, dorment paisiblement à l’ombre. Deux chiens médiateurs, sauvés de la maltraitance. Ce sont eux qui dans quelques minutes prendront soin des êtres humains.
De la famille d'accueil au foyer de jeunes filles
Chloé Forthoffer orchestre cette petite société pleine d’humanité, d’attention à l’autre. Une structure qu’elle a voulue à son image et sur mesure. L’écho de son parcours chaotique où les chiens ont toujours joué le rôle protecteur dont elle avait tant besoin. Comme ceux de la gardienne de nuit du foyer où Chloé vivait adolescente. « C’est toujours le rapport au chien qui m’a permis de tenir, d’évoluer. Les chiens du foyer c’était un contact essentiel, une "accroche" à la vie, une raison de me réjouir en rentrant de l’école. »
Le chien qui offre son affection sans juger. Une présence essentielle pour Chloé qui a dans un premier temps grandi en famille d’accueil. Elle a vécu aussi plusieurs mois sans domicile fixe avant d’entamer un service civique à Unis-Cités, accompagnée d’Eros, son husky sauvé de la maltraitance.
La France numéro un des abandons d'animaux en Europe
« J’ai commencé la médiation animale sans savoir que c’en était, en fait ! Cela m’a semblé naturel. » Son projet est né ainsi. Par empirisme. « Mon projet était compliqué car ce métier n’est pas reconnu, il n’y a pas de formation spécifique. Et comme ça n’existe pas, eh bien je l’ai créé. En France on est les numéros un de l’abandon des animaux et à côté de ça il y a plein de gens en difficulté. Moi, avec deux problèmes, je fais du positif. »
Le principe d’Hopendog est somme toute assez simple. Sauver des chiens de la maltraitance. Leur redonner confiance. Leur trouver une famille. Et permettre à ces chiens-là de devenir médiateurs. A leur tour ils aident les humains à se sentir mieux. A reprendre confiance, entrer en communication, développer sa motricité…
"En France on parle beaucoup de liberté et d’égalité mais pas assez de fraternité"
Un principe simple mais qu’il fallait savoir porter. Et Chloé Forthoffer l’a fait. Voilà pourquoi elle a été désignée cette année "Prodige de la République". Une surprise pour la jeune femme. Une belle reconnaissance aussi. « J’ai appris que j’avais été « dénoncée » (elle rit) par l’Institut de l’engagement, un de nos partenaires, auprès du ministère de l’Intérieur. La cérémonie qui s’est déroulée place Beauvau a été très émouvante avec la ministre Marlène Schiappa. Elle a dit qu’en France on parle beaucoup de liberté et d’égalité mais pas assez de fraternité. Et là ça permet de mettre la fraternité en avant parce qu’on la représente tous les jours dans nos actes. Ça a validé l’engagement que je porte au quotidien et le travail de l’association. Pourtant, ce qu’on fait, ça nous semble juste normal. »
Chloé a la parole douce et modeste pour parler de sa réussite. Hopendog a très vite trouvé son public. L’association basée rue Jeanne-d’Arc à Mulhouse dans une maison de location a démarré son activité sur les chapeaux de roue. « Nous avons eu des demandes avant même d’être ouverts, sept d’un coup ! »
Aujourd’hui Hopendog compte 3 salariées –dont la directrice Chloé- et un service civique. Une éducatrice canine sera embauchée en septembre. Viennent aussi des stagiaires et des bénévoles sans qui l’association ne pourrait pas fonctionner. Pauline, Sophie, Lysiane et Fantine parlent de Chloé en ces termes : inspirante, bienveillante, motivante.
Hopendog vit des abonnements des structures qui font appel à ses services : des institutions à caractère social, des résidences de personnes âgées, le milieu carcéral. L’association répond à des appels à projet et compte 50 partenaires des domaines public et privé.
Plus de 300 personnes ont ainsi été accompagnées en 2 ans par Hopendog. Parmi elles, des jeunes filles hébergées aux Hirondelles, le foyer où vivait Chloé il n’y a pas si longtemps. Des séances d’agility sont organisées. D’autres plus calmes, dans une pièce à la lumière tamisée. Olympe étalée de tout son long au milieu d’un petit cercle de participantes. Elle incarne à elle seule le mot confiance. Une chienne par le passé maltraitée, dénutrie, sauvée. Dorine est à ses côtés. Elle lui caresse les pattes tout en serrant un grand nounours dans les bras. Dorine a 16 ans et c’est une enfant placée, elle aussi. En rupture avec la société. Elle a trouvé « refuge » chez Hopendog auprès de Chloé: « Elle était dans le même foyer que moi, ça m’aide, on a la même histoire. Elle était en difficulté et c’est un exemple pour moi, faut aller de l’avant.»
Ce n’est pas Chloé qui dira le contraire. Elle affirme que la vie est belle. Qu’elle est simple. Et que la simplicité est la plus belle des choses. « Le passé n’existe plus, le futur n’existe pas encore, donc la seule chose qui reste c’est l’instant et il faut en profiter au maximum", conclut-elle avec l'assurance de ses 23 ans.