Des propos déplacés et un comportement choquant. Voilà ce que reproche une dizaine d’étudiants du campus de la Fonderie de Mulhouse à leur ancien enseignant de droit public, Bertrand Pauvert. Alors qu'il est suspendu de ses fonctions d'enseignant-chercheur depuis le 6 octobre les étudiants dénoncent une réaction trop tardive.
"Pourquoi sa suspension n'arrive que maintenant ?" c’est la question que se posent des étudiants du campus Fonderie de l’Université de Haute-Alsace (UHA). Le 6 octobre, Pierre-Alain Muller, le président de l’Université de Haute-Alsace, a décidé de suspendre le maître de conférences en droit public Bertrand Pauvert à titre conservatoire pour une durée de onze mois.
Cette décision arrive après une énième alerte lancée le 27 septembre par douze étudiants inscrits en Master 1 Métiers de l’administration à leur doyen de la faculté des sciences économiques, sociales et juridiques (FSESJ), Hocine Sadok. Dans un mail, ils dénoncent "le comportement professionnellement et déontologiquement inapproprié de M. Bertrand Pauvert", des "propos sexistes, dénigrants" et mettent en cause "la déstructuration générale, voire l’absence de cours", pendant lesquels il "s’adonne à des tribunes politiques."
"Il tapait sur tout le monde, sans distinction" (un étudiant anonyme)
"C’était toujours des propos salaces et des insultes. A la rentrée, dès le premier cours, il nous a dit ‘pourquoi les Etats-Unis c’est de la merde ?', une personne est intervenue et il lui dit 'tu dis de la merde ma chérie, ta gueule", ça a installé une ambiance terrible. Sur une promotion de 15 ils n’étaient plus que deux ou trois à assister à ses cours", raconte cet étudiant anonyme en première année de Master. Pour lui comme pour tous les étudiants ayant témoigné ces dernières semaines, cette histoire serait devenue une véritable charge mentale. "C'est un point final à notre action, ces jours ont été angoissants et ça nous a pris de l'énergie", ajoute l'étudiant, qui indique être soulagé que l'omerta soit enfin brisée.
Mais ces propos déplacés ne dateraient pas d’hier. Enseignant depuis 20 ans au sein de l’UHA et directeur du Master droit, d’autres générations d’étudiants avaient souligné son comportement brutal. "C’était toujours sur le ton de l’humour, il tapait sur tout le monde, sans distinction. Certains ne supportaient plus ses cours et sortaient des amphis. C'est le prof de droit à l'ancienne.", lance un ancien représentant des étudiants en droit qui souhaite rester anonyme.
Les anecdotes fusent, comme ce jour où il aurait convoqué un étudiant sur l'estrade. "Il a dit, vous voulez voir ce qu'est l’Europe pour la France ? et il a mimé une sodomie", raconte un autre étudiant anonyme. Des gestes, mais aussi des paroles choquantes, comme lorsqu'il priait un étudiant de "fermer sa gueule. On a des enregistrements audio à l'appui, les étudiants enregistrent tout pour travailler leurs cours."
Déjà suspendu pour divulgation d'examen
Bertrand Pauvert n'en est pas à sa première suspension. Au mois d'avril 2020, l'ancienne présidente de l'université, Christine Gangloff-Ziegler, l'avait suspendu quatre mois pour la divulgation d'un sujet d'examen. Une montagne qui a accouché d'une souris selon l'ex-représentant d'étudiants. A l'époque, il avait été convoqué avec trois autres étudiants pour témoigner et avait souligné "les propos sexistes et racistes" de l'enseignant de droit. "La raison numéro 1 de sa suspension n'était pas la divulgation d'examen, c’était son comportement, et l’administration le savait", affirme un autre étudiant.
D'après la nouvelle présidence de l'UHA, la suspension du mois d'octobre a été prise en temps et en heure. "J'ai été élu le 25 janvier 2021 et c'est la première fois que j'ai eu des informations et des éléments factuels à son sujet. J'ai reçu les étudiants et j'ai séparé les protagonistes dès que possible. Ce qui compte, c'est que l'institution réagisse. C'est un message qui rassure", explique Pierre-Alain Muller.
On fait tout pour me tuer.
Le principal intéressé dénonce quant à lui un "climat de harcèlement depuis plusieurs années. Les choses seront dites le moment venu. Je n'ai ni à infirmer ni à affirmer quoi que ce soit. On fait tout pour me tuer. C'est une non-affaire qui interpelle sur les tenants de cette procédure et sur son caractère politique."
A cela s'ajoute la place de Bertrand Pauvert dans la vie politique mulhousienne. Début 2020, l'actuel conseiller municipal et communautaire M2A était numéro 2 de la liste du Rassemblement national (RN) pour les élections municipales. "Un prof d'université qui s’affiche ouvertement avec l’extrême-droite, ça le faisait pas", estime l'ancien étudiant en droit. Pour d'autres, peu importe la sensibilité politique de l'intéressé, "il avait avant tout un devoir d'instruction".
En plus de sa suspension, l'enseignant-chercheur est interdit d'accès à l'université pendant un mois. En attendant une éventuelle suite, la Fonderie a mis en place un soutien psychologique pour les étudiants dans le besoin.