"Stop aux réflexions grivoises et machistes!" C'est ce qu'a déclaré la responsable départementale FO de Haute-Marne tout juste réélue pour un second mandat au CE de FO lors du 23e congrès du syndicat qui s'est déroulé à Tours.
En effet, le sexisme et l'absence d'égalité hommes-femmes dans les instances dirigeantes de FO ont été des thèmes sensibles évoqués lors du 23e congrès de la centrale. Mais pas question d'appliquer des quotas pour autant.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : il y a 45% de femmes adhérentes de Force ouvrière, mais elles ne sont que 5% au sein des organes de direction, du bureau confédéral et de la commission exécutive (CE).
"Un problème" pour Dominique Perchet, réélue samedi pour un second mandat au CE, le conseil d'administration de FO. Ce dernier compte quatre femmes sur un total de 35 membres. Et le bureau confédéral, fort de huit hommes et cinq femmes, ne peut se targuer de parité, contrairement à ses pendants à la CGT (5 hommes, 5 femmes) et à la CFDT (5 hommes et 5 femmes).
"Une égalité de façade"
A la tribune du 23e congrès de FO, qui s'est déroulé à Tours cette semaine, elle a donné l'exemple de commentaires peu amènes entendus sur des militantes femme ("La blondasse... Il faut pas se demander comment elle est arrivée là, heureusement qu'elle a un beau cul"). "Stop aux réflexions grivoises et machistes!", a lancé Mme Perchet, dont l'intervention a été accueillie par des sifflets et des interpellations.
Au niveau départemental, sur 105 unions, FO compte "seulement" une dizaine de femmes à leur tête, déplore Mme Perchet, également responsable départementale de la Haute-Marne depuis 2007. Pour encourager les vocations, elle raconte avoir suggéré six ans auparavant au numéro un, Jean-Claude Mailly, de venir présider les congrès d'unions départementales dirigées par des femmes. Une idée devenue depuis réalité. Ca a créé "un tollé général", se rappelle-t-elle, "certains ont crié à la discrimination, ils ne comprenaient pas". Car à FO, pas question d'appliquer des quotas, une "égalité de façade", ni de
mandater "des femmes alibis", selon M. Mailly, qui préfère en appeler au "volontarisme" pour "accélérer le mouvement enclenché".
Il se réjouit d'avoir posé le sujet "pour la première fois en congrès", ainsi que des interventions d'"une série de camarades femmes et quelques hommes".
"Conscient qu'il ne suffit pas de dénoncer le problème sur une tribune", le leader de FO croit aux "solutions concrètes", comme de revoir "l'organisation des réunions" ou "pousser" des femmes à se présenter sur des mandats à responsabilité.
Le syndicaliste "sacrificiel"
"Il a fallu qu'on me propose le poste pour que je décide, après 10 jours de réflexion,
de me lancer, sinon je ne l'aurais pas fait", explique Béatrice Cliq, déléguée centrale adjointe chez Orange, qui note parmi les freins à la prise de responsabilité, une tendance féminine à "l'autocensure" et à la "remise en cause" de ses compétences. "Mais aussi les tâches familiales reposent encore sur les femmes même si ça évolue", déplore la jeune femme, qui face au congrès a expliqué combien il avait été difficile mais "possible" de prendre son mandat en étant seule avec deux enfants.
Le sujet a alimenté les conversations du congrès. L'un y voit "un problème de société, pas du syndicat", l'une "n'a jamais eu de réflexions sexistes à FO". D'autres s'interrogent sur la "véritable volonté des femmes d'investir les instances syndicales" après avoir essuyé des refus de candidatures "par manque de temps ou à cause des enfants".
Pour Pierre, cadre de 55 ans dans les télécoms, "il faut se battre et ne pas attendre que ça tombe tout cuit".
Un argument "classique" pour Mme Perchet qui narre des réunions où l'on pensait qu'elle était la secrétaire et pas la responsable.
Mais tous s'accordent à dire qu'à FO, ce qu'on regarde "c'est l'individu" et sa "compétence" militante.
Sur le terrain, cela se traduit par une "ultra disponibilité", d'après Mme Cliq qui dénonce un "modèle sacrificiel du syndicaliste investi 24h sur 24", "inventé par les hommes" et "ne correspond pas aux possibilités des femmes". Ni aux "militants plus jeunes" qui souhaitent "poser un cadre" contrairement "aux autres générations moins portées sur la vie personnelle" : "oui, on veut défendre les gens, s'engager, faire du syndicalisme, mais on veut aussi avoir une vie privée".