Les prix des carburants sont à un niveau inédit en France, en dépassant largement les deux euros par litre. Les auto-écoles subissent comme tout le monde ces variations et certaines ont déjà dû augmenter leurs tarifs.
Bruno Roussel est le gérant de l'auto-école du Lycée à Chaumont, en Haute-Marne depuis 2004. Son établissement compte sept voitures et dix deux-roues. "On fait 350 litres par semaine pour tous les véhicules confondus. Donc dans l'année, ça fait environ 18 000 litres", précise-t-il.
Son budget carburant pour l'année est passé de 29 000 euros quand le gazole était à 1,60 euros le litre à près de 39 000 euros quand il se trouve à 2,20 euros. Il doit malheureusement répercuter cela sur le prix de ses heures de conduite. "Sur un permis qui coûtait 1 500 euros, on est obligé d'augmenter de 40 euros", indique celui qui préside également au niveau départemental le syndicat Mobilians, qui rassemble les professionnels de la route.
J'avais fait une première augmentation en février, quand le carburant est passé à 2 euros. Maintenant qu'il est passé à 2,2 euros, je vais refaire une deuxième augmentation en avril parce que sinon on ne va pas s'en sortir.
Bruno Roussel, gérant d'auto-école
Le professionnel vend des heures de conduite à l'unité mais également des packs d'heures. Des formules qui ne peuvent pas facilement suivre les variations des prix de l'essence. "On fait un contrat qui est valable un an. Une fois que le contrat est signé, on peut plus modifier les tarifs." Afin de limiter le poids du carburant sur le prix des leçons de conduite, il peut compter sur le simulateur de conduite qu'il a acheté en fin d'année dernière.
"On ne va pas avoir le choix"
Émilie Larché, gérante de l'auto-école Jean Jaurès à Reims (Marne) n'a pas encore modifié ses tarifs, mais cela pourrait être bientôt le cas. "J'ai échangé hier avec mon comptable parce que ce n'est clairement plus possible. On ne va pas avoir le choix que d'augmenter des prestations", confie-t-elle.
Celle qui est devenue gérante il y a moins d'un an songe même à prendre une décision plus radicale. "Je me pose la question de ne pas me sortir de salaire ce mois-ci", affirme-t-elle.
Le dernier plein, on était 2,27 euros le litre. On a mis trente litres pour 62,13 euros. Pour les trois voitures, ça fait 180 euros de carburant par semaine.
Émilie Larché, gérante d'auto-école
Elle s'interroge même sur l'évolution de la situation à plus long terme. "Est-ce que les gens vont continuer à vouloir s'inscrire pour passer le permis de conduire ? Ça devient un luxe de se payer une formation permis de conduire et encore plus derrière d'entretenir un véhicule."
2 euros de carburant pour une heure de conduite
Dans l'Aube, à Troyes, le gérant de l'auto-école Conduite Troyenne, Jean-Max Bianco, a augmenté d'un euro au 1er janvier ses heures de conduite à l'unité. Elles sont passées de 42 à 43 euros. Il estime que le carburant représente 2 euros par heure de conduite.
Depuis le début de l'année, il n'a pas fait varier de nouveau ses tarifs. "J'y réfléchis, mais je n'ai pas envie d'être le premier à sauter le pas", confie-t-il. "Je ne suis pas salarié de l'entreprise. Donc je compense l'augmentation pour l'instant en faisant un peu plus d'heures. Je n'ai pas trop le choix."
Il surveille de près les tarifs, en privilégiant les stations les moins chères. "J'ai une petite application sur mon smartphone depuis déjà quelques mois qui m'indique jour par jour quelle quelle station est la moins chère. Bien évidemment, quand il y a besoin de faire le plein, on va là."
"C'est très incertain"
À Châlons-en-Champagne, dans la Marne, l'auto-école Mireille n'a pas non plus fait varier ses tarifs. "On ne l'a pas fait pour l'instant, comme on ne l'avait pas effectué au moment du Covid", précise une salariée. Mais cela pourrait malgré tout être le cas prochainement. Rien n'est figé.
C'est d'ailleurs ça la grande difficulté. Les professionnels doivent faire face à une grande volatilité des prix. "C'est très incertain quand même, c'est ça qui est difficile. On espère qu'on ne sera pas obligé d'en arriver là, puisque cette crise qu'on vit aujourd'hui, malheureusement on la vit tous", explique-t-elle.
L'établissement qui compte plusieurs agences à Châlons et aux alentours espèrent que les discussions en cours à Paris entre le gouvernement et les représentants du secteur permettront d'obtenir des aides. Il rappelle par ailleurs que plusieurs dispositifs existent pour accompagner les candidats qui passent le permis de conduire pour le financer, par exemple via le compte personnel de formation, le CPF.Le Premier ministre Jean Castex a confirmé jeudi 10 mars que le "plan de résilience", attendu "la semaine prochaine" pour faire face aux conséquences économiques et sociales de la guerre en Ukraine, serait "très sectorisé" pour les entreprises, et qu'il comprendrait bien "des mesures complémentaires sur l'essence". Celles-ci n'ont pas encore été précisées.