Écrans chez les enfants : le point de vue d'un expert, "il ne faut pas que les parents se culpabilisent"

Mardi soir lors de sa conférence de presse, Emmanuel Macron a annoncé vouloir réguler l'usage des écrans chez les enfants. Originaire de Haute-Marne, Romain Gallissot, spécialiste du numérique et auteur d'un livre sur le sujet, nous donne ses conseils.

"Reprendre le contrôle de nos écrans", tel est a été l'appel d'Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse mardi soir à l'Elysée durant laquelle il a annoncé plusieurs mesures concernant l'Education nationale. Le chef de l'Etat a déclaré vouloir "déterminer [leur] bon usage pour nos enfants, dans nos familles et à l'école", en se fondant sur l'avis des experts : "Il faut qu'on ait un consensus scientifique, que les scientifiques commencent à nous donner un plan et qu'on éclaire un débat public, qui viendra ensuite".

Romain Gallissot a suivi avec intérêt les propos du président. Professeur des écoles, médiateur numérique, exerçant désormais au service jeunesse de la Collectivité européenne d'Alsace (CEA), ce Haut-Marnais d'origine est aussi l'auteur de plusieurs ouvrages dont "Le petit livre pour bien vivre avec les écrans" paru en 2022 chez Bayard. Il a aussi publié en 2021 "Le numérique pas bête" et intervient régulièrement sur ce thème. Alors forcément l'intervention d'Emmanuel Macron sur le sujet ne le laisse pas insensible.

Si dans le fond, Romain Gallissot partage l'idée d'une réflexion à mener sur l'usage des écrans, le ton parfois impérieux du président le convainc moins. "Les conseils péremptoires sont plutôt anxiogènes pour les parents, expose-t-il. Le numérique est un sujet complexe à gérer à la maison. Beaucoup d'experts en parlent dans une démarche louable mais avec des conclusions un peu arbitraires, sans nuances." Ainsi le fameux slogan "pas d'écran avant trois ans" rabâché depuis plusieurs années n'est pas suffisant pour alerter sur les risques liés au numérique intensif. "Il ne faut pas que les parents se culpabilisent, il faut surtout qu'on leur donne les clés et les bonnes pratiques dans ce domaine. Le problème n'est pas l'écran en tant que tel mais l'usage que l'on en fait."

Bien utiliser les écrans 

Ainsi les éventuelles "interdictions" et "restrictions" de l'usage des écrans évoquées par Emmanuel Macron paraissent un brin radicales aux yeux de Romain Gallissot qui privilégie l'éducation et l'accompagnement des familles. "L'écran est aujourd'hui présent dans les foyers, on ne va pas l'interdire, il faut surtout bien savoir l'utiliser. Il y a besoin de repères, de limites : pas d'écran pendant le repas, pas le soir avant d'aller se coucher... ou alors on fait un planning avec des plages dédiées. On ne laisserait pas ses enfants se servir dans le frigo toute la journée. Pour les écrans, c'est pareil." 

Des préconisations pas forcément évidentes à appliquer dans un monde hyperconnecté où les parents eux-mêmes sont souvent happés par leurs smartphones et tablettes, au détriment de leur présence auprès des enfants. 

Pour Romain Gallissot, il s'agit donc de dédiaboliser ces écrans et de s'en servir comme un outil de partage. "Un écran bien utilisé peut être bénéfique pour les apprentissages. Il permet aussi de dialoguer sur telle ou telle chose, cela peut susciter des moments de complicité entre parents et enfants." 

Pas inquiet pour l'avenir

Quant à l'enjeu de la "solidité de nos démocraties" et au risque de voir survenir une "génération de complotistes" exposés par Emmanuel Macron en référence aux fake news des réseaux sociaux, le Chaumontais se veut là encore optimiste. "La nouvelle génération est beaucoup plus mature dans son usage du numérique. Bien accompagnée, elle saura s'épanouir. Même sur TikTok, réseau social pourtant fort décrié, il y a des contenus très intéressants, on peut y promouvoir par exemple la littérature jeunesse".

Su ce thème des écrans, Emmanuel Macron a réuni la semaine dernière une commission des experts, dont les travaux doivent être rendus "fin mars".