La permanence parlementaire du député Christophe Bentz, du Rassemblement national (RN), a été couverte de tags, a-t-on appris ce jeudi 28 décembre. Il a été élu il y a un peu plus d'an, mais c'est déjà la troisième fois que ça lui arrive. Le bâtiment est situé à Langres (Haute-Marne).
Christophe Bentz, professeur de profession et député de la première circonscription de la Haute-Marne, a découvert sa vitrine couverte d'inscriptions tracées à la peinture rouge. Il est membre du Rassemblement national (RN), le parti de Marine Le Pen.
Sa permanence parlementaire a été ciblée ce jeudi 28 décembre 2023 malgré la présence d'une alarme installée par Verisure (et de caméras environnantes). Elle est située au 21 rue Jean Roussat, à Langres (Haute-Marne), l'une des deux sous-préfectures de ce département (voir commune sur la carte ci-dessous).
"Fachos, cassez-vous", "Langres est anti-rasictes [sic]"... Les deux vitrines côté rue ont été recouvertes par ces propos difficilement lisibles du premier coup (ainsi que par des petites flèches semblant hostiles à la présence d'une crèche de Noël derrière la vitre). La vitrine du porche et la porte d'entrée ont été également couvertes de zigzags de peinture rouge, ainsi que la poignée de la porte et la serrure.
Dégradations en récidive
Le député a reçu le "soutien" d'un de ses collègues à l'Assemblée nationale, Pierre Meurin (RN également). Ce dernier dénonce sur Twitter (renommé X depuis son rachat par Elon Musk) "un troisième vandalisme par des gauchistes toujours plus en roue libre". Il a réclamé le soutien de la présidente de l'Assemblée nationale, et du ministre de l'Intérieur (voir le tweet ci-dessous).
Soutien à mon collègue et ami @BentzChristophe qui vient de se faire vandaliser sa permanence pour la troisième fois par des gauchistes toujours plus en roue libre ! A quand le soutien de @YaelBRAUNPIVET et les actes de @GDarmanin pour protéger les élus ?https://t.co/5elHWbyOYF
— Pierre Meurin (@Meurin_P) December 28, 2023
Selon le Journal de la Haute-Marne (JHM), qui révèle cette dégradation, c'est la troisième fois que ça arrive au député Christophe Bentz, élu en juin 2022. Ce dernier a confirmé cette énumération auprès de France 3 Champagne-Ardenne, et précisé avoir "bien entendu porté plainte comme les fois précédentes".
On ne peut pas librement tracer ce qu'on veut sur la vitrine d'un député (ou de quiconque d'ailleurs) : la liberté d'expression ne le permet pas car il en résulte un "dommage léger" qui se heurte à la liberté de propriété. L'article L322-1 du code pénal prévoit deux ans de prison et 30 000 d'amende, sauf si le dommage est considéré comme "léger". Le fait de "tracer des inscriptions sans autorisation sur les façades" est spécifiquement considéré comme un dommage léger, passible de 3 750 euros d'amende et d'une peine d'intérêt général.
Il n'a fallu que quelques heures pour effacer les traces de peinture. "Il n'y a pas de drame", tempère Christophe Bentz. "Cette personne, en l'occurrence un étudiant, va être probablement condamné à une amende qui sera à mon avis très élevée par rapport à ses moyens. Et il payera la conséquence de ses actes, tout simplement." Le procureur de Chaumont, Denis Devallois, a été saisi (voir le tweet du député ci-dessous).
Visiblement, l’extrême gauche est toujours fâchée avec l’orthographe…
— Christophe Bentz (@BentzChristophe) December 28, 2023
Un grand merci à ce jeune étudiant boutonneux (eh oui, la vidéosurveillance a du bon) de montrer le vrai visage de ces groupuscules puérils qui détestent la France et la démocratie. pic.twitter.com/184nmaxj0u
"Ce n'est pas tant ça qui me dérange... Au final, c'est une expression politique, ce tag. Assez puérile. Ce qui me dérage plus, c'est qu'il y a six mois, mon véhicule personnel, dans la cour de mon domicile personnel à Langres, a été dégradé, fracturé. Il y a un très fort soupçon qu'il s'agisse de la même, ou des mêmes personnes."
Il y a six mois, mon véhicule personnel, dans la cour de mon domicile personnel à Langres, a été dégradé, fracturé.
Christophe Bentz, député du RN
"Ces gens-là ne se rendent pas compte que ce qu'ils font, ça déplaît énormément aux gens de Langres. Qu'ils soient pour, ou contre le RN. L'agressivité, cette forme de violence, les gens n'aiment pas. Ça les dérange. Il y a un paradoxe avec ces petites frappes d'extrême-gauche, car ça reste quand même de la délinquance : ils sont contre-productifs par rapport à ce qu'ils veulent défendre. Beaucoup de gens m'ont dit qu'ils n'avaient pas voté pour moi, mais qu'ils trouvaient ça scandaleux d'attaquer une permanence, que c'est la démocratie. Il y a un respect à avoir des institutions."
Les tags semblaient viser le parti du député plutôt que le député lui-même. "On ne comprend pas trop quel est le message politique. À part que RN = fachos. Non seulement c'est insultant, mais en plus c'est scandaleux. Le fascisme a une histoire. Dire fachos en taguant la permanence d'un député du Rassemblement national, c'est proprement scandaleux."
"Moi, le fascisme, je la combats, comme tous les élus je pense. Dire ça, ça a du sens. En plus de la dégradation, l'insulte qui est faite au Rassemblement national est complètement indigne."
Défenseur de l'hôpital de proximité, opposant à l'avortement
Christophe Bentz est natif des Hauts-de-Seine et a longtemps été implanté dans les Yvelines. Il gravite autour du parti de Marine Le Pen depuis à peu près 2020, année où L'Actu souligne, à l'occasion des municipales, qu'il a fait liste commune (il est alors sous étiquette du Parti chrétien-démocrate, PCD) avec un responsable local du Rassemblement national (qui ne s'appelle plus Front national depuis 2018). Ceci au nom de "la convergence des droites".
Malgré son absence initiale d'ancrage local, il a battu un poids-lourd de la Macronie, la députée et secrétaire d'État à la Biodiversité Bérangère Abba. Elle concourait sous l'étiquette Horizons (le parti de l'ancien Premier ministre Édouard Philippe), au sein de la coalition Ensemble menée par le parti Renaissance (ex-LREM).
Christophe Bentz s'est ensuite notamment illustré sur les bancs de l'Assemblée en voulant favoriser l'accès aux soins en milieu rural. Plus localement, il a particulièrement activement dénoncé le manque d'accès aux soins palliatifs en Haute-Marne (un sujet transpartisan qu'il souhaite voir médiatisé), et plus généralement la "situation grave" de l'offre de soins du bassin de vie de Langres, et l'offre hospitalière dans le département, Il confie que c'est son "dossier numéro un".
Après avoir officiellement rejoint en 2022 le Rassemblement national, il s'est inscrit dans la ligne de ce parti à l'Assemblée, par exemple lors du vote de la deuxième version de la loi asile et immigration (initialement rejetée par l'Assemblée nationale). Le Monde a rapporté, à l'occasion de l'intention présidentielle de constitutionnaliser le droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG), que Christophe Bentz affirmait dix ans plus tôt que l'IVG "est un génocide de masse".
Pouvoir d'achat et crèche de Noël
Voulant favoriser le pouvoir d'achat des ménages, il a écrit un rapport lié à une proposition de loi d'un de ses collègues pour inciter les entreprises à augmenter les salaires nets de 10%. Dans l'hémicycle, le site DatAN contextualise plusieurs des votes du député. En un an, il a voté contre l'augmentation des ressources du Parquet national financier (PNF), pour la suppression de la TVA sur les produits alimentaires de première nécessité et pour les repas étudiants à un euro, et s'est abstenu lors du vote d'une proposition de résolution pour soutenir l'Ukraine et condamner la guerre menée par la Russie.
Un sondage pointe que 60% de la population considère le RN comme un parti ayant des idées racistes, mais également que 56% pensent également qu'il s'agit d'un parti comme un autre. Slate s'interrogeait aussi sur le caractère xénophobe ou non du programme de ce parti (dont l'histoire est trouble). Depuis 2018, Christophe Bentz est administrateur et enseignant à l'Institut des sciences sociales, économiques, et politiques (Issep) à Lyon (Rhône), établissement fondé par Marion Maréchal-Le Pen. Il est officiellement reconnu par l'État, mais le magazine Challenges rappelle que ce qu'il qualifie de "Sciences-Po d'extrême-droite" ne délivre pas de diplôme reconnu.
Quant aux inscriptions sur sa vitrine ("cassez-vous" ? "racistes" ?) qui semblent lui reprocher sa crèche en vitrine (il y a des petites flèches autour), difficile de comprendre le lien. Plusieurs polémiques politico-juridiques ont éclaté lorsque des mairies ont installé des crèches pour décorer lors de Noël. Monsieur Bentz n'étant pas maire, mais député, il n'est pas un agent public, rappelle Actu juridique, relayant Les Surligneurs. S'il était maire, le problème ne se poserait pas forcément : le Conseil d'État a reconnu qu'une mairie ne peut pas afficher de préférence religieuse, mais qu'une crèche n'est pas forcément un marqueur de cette préférence, en tant que décoration associée traditionnellement aux fêtes de fin d'année (le député a d'ailleurs posé la crèche à côté de son sapin).
Selon Maire Info, les "violences faites contre les élus [et leurs permanences] ont augmenté de 15%". Déjà, en décembre 2022, la députée (LR, ex-UMP) Valérie Bazin-Malgras avait "la peur de [sa] vie" quand l'un de ses administrés l'avait menacée par arme à feu.