Bactérie E. coli : deux ex-dirigeants de la société bragarde SEB devant la justice

Deux ex-dirigeants de SEB, une société de Saint-Dizier, qui fournissait des steaks hachés contaminés par la bactérie E.coli, à l'enseigne Lidl, comparaissent de mardi à jeudi devant le tribunal de Douai pour manquement à des contrôles sanitaires. En 2011, 15 personnes avaient été gravement malades.

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En juin 2011, l'Agence régionale de santé (ARS) du Nord-Pas-de-Calais avait alerté sur une dizaine de cas d'intoxications alimentaires à une souche spécifique de la bactérie E.coli chez des enfants de la région. L'un d'eux, alors âgé de deux ans, garde aujourd'hui de graves lésions neurologiques qui limitent sa motricité à 10%, ainsi que ses facultés intellectuelles. Beaucoup d'autres ont développé un syndrome hémolytique et urémique (SHU), qui a de fortes probabilités de perturber à vie le fonctionnement des reins.

L'enquête a établi que plusieurs des victimes, des enfants pour la plupart, avaient consommé des steaks hachés surgelés fabriqués par SEB et commercialisés chez Lidl sous la marque "Steak Country". SEB, entreprise de transformation de viande basée à Saint-Dizier (Haute-Marne), employait alors 140 salariés et fabriquait deux millions de steaks par semaine sur ses deux sites.

La chaîne de distribution allemande Lidl, qui remplissait entre 50 et 70% du carnet de commandes de SEB, a rompu son contrat après ces révélations. La société ayant été liquidée fin 2011, ce sont deux de ses dirigeants qui sont poursuivis : Guy Lamorlette, 76 ans, son créateur et gérant depuis 1966; et Laurent Appéré, 46 ans, le responsable qualité et hygiène. Ils sont poursuivis pour "blessures involontaires par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois" et "tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme", notamment.

Premier jour de procès à Douai dans l'affaire des "steaks hâchés contaminées". Deux dirigeants haut-marnais sur le banc des accusés.

"Dénégations"


L'enquête a mis au jour que la société avait unilatéralement modifié, début 2011, le Plan de maîtrise sanitaire (PMS), sans en référer aux services vétérinaires de l'État : au lieu de contrôler systématiquement ses steaks, issus d'un mélange de viande à la découpe et de viande de carcasses, SEB ne contrôlait plus que des lots aléatoires.

Entre autres manquements, à plusieurs reprises l'entreprise avait omis de conduire des analyses spécifiques à la recherche d'E.coli0157H7, une souche particulièrement dangereuse de la bactérie E.coli. Cette analyse est obligatoire en cas de concentration élevée de la bactérie E.coli dans la viande.

L'avocate de l'enfant le plus gravement atteint et de sa famille, Me Florence Rault, jointe par l'AFP, craint pour les débats au procès, car ses clients anticipent, "très angoissés", les "dénégations" des prévenus: "L'employé dit +C'est le patron qui m'a dit de pas respecter le cahier des charges+ et le patron dit qu'il n'a jamais demandé ça, on est dans une cour de récréation !" La défense n'a pas souhaité s'exprimer avant le procès.

Au-delà des réparations données aux victimes, les débats pourraient aussi être l'occasion d'une mise en cause des pratiques d'une partie de l'industrie de la viande visant à baisser les prix. "Les consommateurs ont subi plusieurs incidents depuis quelque temps, c'est un problème de santé publique qui concerne souvent principalement des enfants, plus fragiles", dénonce Robert Bréhon, de l'UFC-Que choisir de Lille, qui s'est constituée partie civiles au côté de la plupart des victimes et de... Lidl, qui estime avoir été trompé.

"Au-delà du pénal, Lidl a une responsabilité morale, car la société travaillait quasi exclusivement pour Lidl, qui aurait dû être plus intransigeant, mettre en place un système de contrôle beaucoup plus pointu", relève-t-il auprès de l'AFP. "Les normes ont un sens, si l'on veut ne pas vendre de viande avariée, on le peut. Mais il faut vendre, il faut honorer les commandes, il ne faut pas que la boîte coule...!", s'indigne Me Florence Rault. Ce qui n'a pas empêché SEB d'être liquidée.

Intervenants: Maître Loïc Bussu, avocat d'une famille/ Robert Bréhon, présidient UFC que choisir, Lille, partie civile


Rappel des faits lors de l'année 2011 :
Mercredi 15 juin / jeudi 16 juin :
Huit enfants sont hospitalisés dans le nord de la France, victimes de syndrome hémolytique et urémique (ou SHU), soit une complication grave des infections digestives à bactéries Escherichia coli entérohémorragiques (« E. coli »).

Jeudi 16 juin :
Après enquête, les soupçons se dirigent vers une consommation de steaks hachés congelés de marque Steak Country, distribués dans les magasins LIDL, et commercialisés par SEB-Cerf, société basée à Saint-Dizier (Haute-Marne). Les lots incriminés portant les dates limites de consommation des 10, 11 et 12 mai 2012 sont retirés du marché et rappelés. Un numéro vert est également mis en place, le 0800 802 511.

Jeudi 23 juin :
Lidl a suspendu ses commandes auprès de l’entreprise SEB-Cerf, le temps que l’origine de la contamination à la bactérie « E. coli » soit précisément identifié. S’agissant du principal client de la société bragarde (plus de 50 % du chiffre d’affaires), Guy Lamorlette, son PDG, n’a d’autres choix que de devoir mettre à l’arrêt ses chaînes de production.

Samedi 25 juin :
Devant cette situation dramatique, il est entendu que le patron de l’entreprise va déposer le bilan devant le tribunal de commerce de Chaumont.

Lundi 27 juin :
La société SEB-Cerf est placée en redressement judiciaire avec une période d’observation de six mois. La liquidation a été évitée de justesse, les ventes de l’entreprise se sont effondrées depuis la mi-juin et l’éclatement de cette affaire de contamination à la bactérie « E. coli ».

Mercredi 6 juillet :
Un bébé de 7 mois a été placé en réanimation au CHU de Lille, avec les mêmes symptômes que précédemment. Trois autres patients dont deux membres de sa famille souffrent des mêmes maux.

Lundi 11 juillet :
La préfecture de la Haute-Marne prononce un arrêté de suspension temporaire de l’atelier de découpe de l’entreprise bragarde. Bien que les chaînes de production sont arrêtés depuis plusieurs semaines, c’est un nouveau coup dur pour les salariés de SEB-Cerf.

Mardi 19 juillet :
Les contrôles lors du processus de fabrication des denrées alimentaires sont cette fois jugés satisfaisants par les services vétérinaires : la préfecture lève la suspension d’activité. Enfin une bonne nouvelle pour les employés, qui attendent avec impatience que Lidl ordonne la reprise des commandes.

Vendredi 22 juillet :
Un comité d’entreprise extraordinaire se tient sur le site principal de la société. Mais la nouvelle tant attendue ne vient. Lidl ne fera connaître sa décision de reprendre ou non son contrat avec SEB-Cerf que début août. En attendant, l’entreprise tourne toujours au ralenti, la majorité des salariés a déjà liquidé leurs congés. Le site principal de SEB-Cerf ne maintient qu’entre 20 et 30 % d’activité, dans une configuration de chômage partiel.

Mercredi 10 août :
Après environ deux mois d’attente, Lidl fait enfin connaître sa décision. La filiale française du géant allemand du hard discount ne reprendra pas ses commandes avec la société bragarde. Le sort des 140 salariés de l’entreprise est des plus incertains.
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