En Haute-Marne, le festival de Montier-en-Der expose sur ses murs les plus impressionnantes photos de paysages, d'animaux et d'humains. À travers ces véritables invitations au voyage, les photographes mettent en garde le public sur l'équilibre fragile qui permet l'existence de ces trésors.
"Vous connaissez ce bout de l'Afrique qui s'appelle l'Ethiopie?" Sur son stand, Bernadette Gilbertas s'applique à raconter aux nombreux enfants l'exposition "Origines" qu'elle présente avec son compagnon, le photographe Olivier Grunewald. Les clichés exposés dans le Cosec de Montier-en-Der (Haute-Marne), à l'occasion du festival international de photo, proviennent du site éthiopien de Dallol, dont les particularités géologiques attirent l'oeil au premier regard. Les couleurs acides et ses cheminées de sel ont tapé dans l'oeil du photographe, mais aussi des géologues qui l'accompagnaient lors de deux expéditions, en janvier 2016 et 2017.
Les caractéristiques de Dallol pourraient en fait correspondre à celles de la Terre à l'origine de la vie, il y a 3,8 millions d'années. "C'est un environnement extrême : Dallol se situe 120 mètres sous le niveau de la mer, et réunit une acidité, une salinité et une température très importantes. Les fluides rejetés par les sols peuvent atteindre les 110°C!" décrit Bernadette Gilbertas. La théorie scientifique a finalement donné son nom à l'exposition, mais aussi à un documentaire "Dallol, aux frontières de la vie". Celui-ci a été diffusé lors du festival pour alerter les visiteurs sur la fragilité du site.
Car après avoir été longtemps isolé, coincé entre l'Éthiopie et l'Érythrée - deux voisins en très mauvais termes - Dallol est à présent menacé par un projet de l'État éthiopien d'exploitation de potasse. "Lorsque j'ai survolé la zone en hélico en 2008, j'ai remarqué la présence de pré-forages," raconte Olivier Grunewald. On a mis huit ans à convaincre des scientifiques et à obtenir des autorisations des autorités éthiopiennes et françaises afin de réaliser nos deux expéditions."
"Nous avons projeté le documentaire aux autorités éthiopiennes. C'est un vecteur de sensibilisation : on pourrait croire que la beauté de la nature l'aide à être préservée, mais cet exemple nous prouve le contraire, observe Bernadette Gilbertas. Le couple et les scientifiques qui les accompagnaient ont depuis créé une association et militent pour l'inscription de Dallol au patrimoine mondial de l'UNESCO.
À quelques mètres de là, sous le chapiteau, un autre couple partage avec ses photos sa passion pour une région reculée. Les Norvégiens Orsolya et Erlend Haarberg présentent leurs clichés de paysages lapons, région scandinave située au nord du cercle polaire. Les clichés impressionnent par leur couleur, leur lumière, leur graphisme. "On aime cette région car on y est seul, isolé, remarque Orsolya Haarberg. On ne trouve aucune trace de l'homme, tout y est vierge."
Mais faire l'éloge d'un site remarquable auprès du grand public, n'est-ce pas l'exposer à sa probable déterioration par le tourisme ? "C'est en effet paradoxal, concède Bernadette Gilbertas. Un tourisme plus conséquent que celui d'aujourd'hui pourrait aussi mettre en danger les populations locales de Dallol, notamment les tailleurs et les transporteurs de sel." À Montier-en-Der, la médiation est donc chose nécessaire pour responsabiliser les éventuels futurs visiteurs de ces régions reculées.