Incident à la centrale de Fessenheim en 2014 : la presse allemande s'inquiète

La presse allemande revient ce vendredi sur un incident qui avait provoqué l'arrêt d'un réacteur de la centrale de Fessenheim en 2014. L’enquête de la Süddeutsche Zeitung et du WDR (West Deutscher Rundfunk) évoque une série de défaillances techniques et un "désordre" rarement atteint.

Le 9 avril 2014, des employés de la centrale découvrent des flaques d’eau dans la salle de contrôle du réacteur numéro 1. Une voie d’évalucation était bouchée. L’eau de refroidissement débordait. Selon le journal Süddeutsche Zeitung, "on se rendit très vite compte que l’eau s’était répandue dans trois couloirs situés en contre-bas. Là se trouvaient des armoires électriques de sécurité. L’alarme fut donnée. On ne parla alors que d’un petit incident. Mais ce ne fut que le début. C’est ce qu’on peut lire dans un courrier de l’ASN qui pose des questions et demande des éclairicissements sur cet incident" expliquent les journalistes allemands. 

Un arrêt de manière inhabituelle

Toujours selon l'enquête de nos confrères, le personnel de la centrale a décrit l'incident de la manière suivante : "on aurait d'abord essayé d'activer des "barres de commande" qui influent sur l'activité du réacteur numéro 1. Il s'agit de tuyaux qui contiennent un liquide d'absorbtion. Or, celles-ci étaient défaillantes, et ne permettaient donc pas l'arrêt du réacteur de la manière habituelle. Dans le même temps, on a découvert que l'eau qui se trouvait dans les armoires électrique de sécurité a provoqué l'arrêt l'un des deux systèmes de sécurité. C'est la raison pour laquelle l'équipe de crise a décidé d'arrêter le réacteur à l'aide d'une injection de bore (produit chimique) dans le système de refroidissement. Un élément qui n'apparaît pas dans le compte-rendu d'incident de la centrale". Ce serait la première fois qu'une centrale nucléaire est arrêtée par injonction de produit chimique.

Quelques jours plus tard, l'Autorité de Sureté nucléaire tenait une conférence de presse pour présenter le bilan annuel des activités de la centrale (29 avril 2014). Celui-ci concluait que l'année écoulée avait été "satisfaisante" et que la plus vieille centrale de France était
"dans la moyenne" des installations françaises.

La presse allemande revient ce vendredi sur un incident qui avait provoqué l'arrêt d'un réacteur de la centrale de Fessenheim en 2014. L’enquête de la Süddeutsche Zeitung et du WDR (West Deutscher Rundfunk) évoque une série de défaillances techniques et un "désordre" rarement atteint. ©F3Alsace


L'ASN a "détourné le regard" selon les écologistes allemands 

Le Bund (collectif de défense de l'environnement allemand) réagit ce vendredi matin dans un communiqué : "Les responsables de la centrale et la préfecture ont minimisé cet incident en 2014, comme toujours" expliquent-ils. "Et l'autorité de sûreté nucléaire a une fois de plus "détourné le regard" et n'a pas joué son rôle d'autorité de contrôle."
"Les associations de défense de la nature et les médias ont régulièrement le même problème lorsqu'il y a un incident. C'est à chaque fois EDF qui communique et il n'a pas interêt, puisque la centrale lui appartient, à se montrer objectif. Les dirigeants minimisent et l'ASN ne contrôle pas assez."
"Le danger augmente avec cette centrale vieillissante.La sécurité ne viendra que lorsque le Président Hollande fermera cette centrale comme il l'a promis. Afin de maintenir la pression, des manifestations seront organisées sur les ponts qui franchissent le Rhin le 24 avril à midi en commémoration de la catastrophe de Tchernobyl.

Le rapport de l'ASN sur cet incident en 2014

Contactée ce matin par téléphone, l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) renvoie à son rapport de l'époque. Au lendemain de l'incident du 9 avril, l'ASN avait procédé à une inspection. "Cette inspection a mis en évidence des lacunes dans le processus de remplissage du circuit de réfrigération concerné" peut-on lire dans le rapport qui précise : "Cet événement n’a pas eu de conséquence sur le personnel ni sur l’environnement de l’installation. En raison de  la dégradation de matériels de protection qui a conduit à l’arrêt du réacteur n°1, il a été classé au niveau 1 de l'échelle internationale des événements nucléaires INES."

Le ministère de l'environnement allemand estime que Fessenheim "devrait être fermée le plus vite possible" 

La centrale nucléaire française de Fessenheim, est "trop vieille" et "devrait être fermée le plus vite possible", a déclaré un porte-parole de la ministre allemande de l'Environnement Barbara Hendricks.
Mme Hendricks, membre du parti social-démocrate (SPD), a déjà par le passé exprimé cette position sur Fessenheim, la plus vieille centrale du parc nucléaire français, revenue dans l'actualité en Allemagne vendredi à propos d'un incident survenu en 2014.
"Pour nous il est très clair que Fessenheim est très vieille, trop vieille pour être encore en activité", a dit son porte-parole, interrogé lors d'un point de presse régulier du gouvernement. "La ministre demande à ce que (la centrale) soit fermée le plus possible", a-t-il ajouté.
"Évidemment, un réacteur aussi âgé a beaucoup de problèmes techniques", a-t-il dit, et "pour nous des réacteurs aussi vieux représentent un risque sécuritaire". Il a évoqué "les inquiétudes des habitants des régions frontalières", alors que des élections régionales sont prévues dans le Bade-Wurtemberg (sud-ouest) le 13 mars.

Deux médias allemands revenaient vendredi sur un incident survenu en 2014 à Fessenheim, qui aurait été plus grave qu'annoncé. Néanmoins aux yeux du ministère allemand de l'Environnement, en charge de la sécurité nucléaire, la France ne s'est rendue coupable d'aucun manquement dans ce cas particulier.
La classification par les autorités françaises de l'incident en niveau 1 – sur une échelle qui en compte 8 de gravité des incidents nucléaires - "était justifiée" selon l'Allemagne.
La position sur Fessenheim, déjà exprimée par Mme Hendricks par exemple en septembre dernier quand le gouvernement français a décidé de prolonger la durée de vie de la centrale alsacienne, est celle de l'Allemagne de longue date.
Mais nous "n'avons aucune prise sur la durée de vie des centrales en France", a reconnu le porte-parole de la ministre.
L'Allemagne, en pleine transition énergétique arrête progressivement ses propres réacteurs nucléaires, dont le dernier sera débranché en 2022.

L'Agence de sûreté nucléaire (ASN) considère qu'"il n'y a pas de raison de fermer" actuellement la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin) "du point de vue de la sûreté nucléaire", a déclaré vendredi à l'AFP Sophie Letournel, chefde la division de Strasbourg de l'ASN.

Fessenheim est la doyenne du parc nucléaire français

La centrale est située tout près de la frontière avec la Suisse et avec l'Allemagne, qui a demandé vendredi sa fermeture "le plus vite possible", la jugeant"trop vieille".

Sa construction a commencé en 1970 et elle a été mise en service en 1977, pour un fonctionnement prévu à l'origine de 40 ans. Elle comporte deux réacteurs à eau pressurisée, d'une puissance de près de 900 mégawatts (MW) chacun. La centrale est située au bord du Rhin, face à l'Allemagne, à 25 km au nord de Mulhouse, 80 km au sud de Strasbourg et 40 km de Bâle, en Suisse.

L'Allemagne y détient une participation de 17,5% (Energie Bade-Wurtemberg, contrôlé par l'État régional) et la Suisse de 15% (Alpiq, Axpo et BKW), ce qui leur donne droit à une part équivalente de la production.

Environ 700 personnels EDF, ainsi que 200 personnels sous-traitants, y travaillent en permanence.

Depuis de nombreuses années, les écologistes français, allemands et suisses dénoncent sa vétusté alors qu'EDF a mis en avant les nombreux travaux de modernisation réalisés.
Les partisans de sa fermeture immédiate y dénoncent des incidents à répétition, ainsi que des risques de séisme et d'inondation.

L'installation est en effet construite sur une zone sismique et en contrebas du Rhin. Ces critiques ont pris une nouvelle dimension après la catastrophe de Fukushima (Japon) en 2011.

L'arrêt définitif des deux réacteurs de Fessenheim, réclamé avec vigueur par les antinucléaires français, constitue une promesse de campagne de François Hollande avant d'être élu président. Il s'était aussi engagé à réduire de 75 à 50% la part du nucléaire dans la production électrique française.

Le président de la République a reconnu, dans un entretien publié en septembre dernier, que Fessenheim ne fermerait pas comme initialement prévu en 2016, confirmant l'abandon de sa promesse de 2012.

Dans une lettre ultérieure, la ministre de l'Écologie et de l'Énergie, Ségolène Royal, a toutefois demandé à EDF d'entamer la procédure de fermeture de Fessenheim d'ici à "la fin juin 2016".

Plus récemment, en février, Mme Royal s'est dite prête à donner son feu vert à une prolongation de dix ans de la durée de vie des centrales nucléaires françaises, qui passerait ainsi de 40 à 50 ans.

De son côté, l'Allemagne, en pleine transition énergétique, arrête progressivement ses propres réacteurs nucléaires, dont le dernier sera débranché en 2022.

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