Au moins 900.000 chevaux de l'armée française sont morts pendant la première guerre mondiale
Marne : les chevaux victimes de la guerre
A l'occasion de la sortie du film ''cheval de guerre'' de Steven Spielberg, reportage sur le lourd tribu payé par les chevaux dans notre région pendant la 1ere guerre mondiale.
"Cheval de guerre", le film de Steven Spielberg, inspiré du roman éponyme paru en 1982, écrit pour la jeunesse par Michaël Mopurgo, donne l'occasion de se rappeller que des milliers de chevaux ont été utilisés pendant la "Grande Guerre".
En 1914 la première guerre mondiale a commencé comme une guerre Napoléonnienne, avec la cavalerie: hussards, dragons, cuirassiers.
Des chevaux aussi pour tirer des chariots d'artillerie, d'armement et autres matériels; pour les ambulance (hippomobiles) pour les cuisines "roulantes", l'approvisionnement des hommes, et le fourrage destiné à nourrir les chevaux au front.
Toute sorte de chevaux: chevaux de traits, Percherons, Ardennais, et chevaux de selle pour les cavaliers.
En Août 1914, alors que la Belgique est envahie par les Allemands, la cavalerie française se lance vers le nord. Trois semaines de déplacements opérationnels sur plusieurs centaines de kilomètres, en plein été, dans une chaleur étouffante, avec des milliers de chevaux arnachés, portant Dragons et Cuirassiers: pas moins de 18 régiments de cavalerie.
Les chevaux étaient dans un tel état d'épuisement qu'il n'y eut aucun combat. La bataille eut lieu entre Britanniques et Allemands, à Mons.
En Septembre 1914, le 06 Septembre très exactements, c'est le début de la première bataille de la Marne. Les Allemands battent en retraite,devant l'artillerie et les fantassins.
Mais les chevaux de la cavalerie Française étaient dans un tel état de fatigue, et de souffrance, qu'ils étaient bien en peine de pouvoir engager une bataille.
Peu nourris, amaigris, jamais ou peu dessellés, les chevaux ont des plaies suppurantes, beaucoup meurent en chemin.
L'occasion donnée de diviser les forces allemandes, en s'engouffrant dans une brèche de 40 kilomètres de large, ne put être menée jusqu'au bout, malgré 3 divisions du 2ème Corps de Cavalerie ( 12 000 chevaux) et trois brigades de cavalerie britanniques. Les chevaux était incapables d'avancer au trot, et dans un extrême état de fatigue. L'ordre fut donné de se replier.
Les Allemands refermèrent la brèche, et stoppèrent leur retraite, puisqu'on ne les chassait pas. La guerre de position commençait: le front se stabilisa et les armées creusèrent des tranchées... La guerre allait durer 4 ans.
Les chevaux n'allaient plus que très peu être utilisés dans des offensives, mais ils continuent à servir pour tracter l'artillerie ( les engins motorisés ne passaient pas sur des terrains de boue, bosselés, difficiles d'accès), ils servent encore pour les ambulances, et autres acheminements.
Gazés, déchiquetés par les obus, blessés dans les barbelés, les sabots transpercés par des "chausse-trappes" les chevaux ont connu le même enfer que les hommes.
Pour en savoir plus
Et pour la suite ci-après: merci aux contributeurs du "forum pages 14-18"
Sur l'offensive du 25 Septembre:
14-18 - Combat 25 Septembre - Auberive à Mesnil des Hurlus
Léopold Joseph Charles LATIL, dit Léo LATIL, né le 10 mai 1890 à Aix-en-Provence, décédé le 27 septembre 1915, à Souain (Marne).
Il était licencié en philosophie de la faculté d'Aix-en-Provence.
En 1914, il écrivit "Les lettres d'un soldat" (48 pages) qui furent publiées après sa mort.
Réserviste, Léo fut mobilisé le 15 avril 1915 dans le 67ème Régiment d’Infanterie de ligne, (12ème DI, 6ème CA, 1ère Armée). Il était de la classe 1910.
Le 25 septembre 1915, après une préparation d’artillerie de trois jours, les IIe et IVe armées essayèrent de rompre les positions allemandes d’Auberive à Ville-sur-Tourbe, dans la "bataille de Champagne".
Léo LATIL était sergent dans la 12ème division sous les ordres du général GRAMMAT, à l’ouest de la ferme de Navarin.
Ils enfoncèrent la première ligne d’Auberive à Mesnil-les-Hurlus, sur trois kilomètres. Ils s’emparèrent de la deuxième ligne allemande, par un effort plus pénible. Ils buttèrent sur la troisième ligne allemande à contre-pente, avec un réseau de fils barbelés, intact et infranchissable car dissimulé à la vue.
Léo LATIL fut tué à l'ennemi le 27 septembre 1915, lors d’un assaut, à la tranchée de Lubeck tenue par les Allemands, à proximité de la ferme Navarin, au nord de Souain (51, Marne). La tranchée de Lubeck, à l'ouest de la ferme de Navarin.
Protégée par un fort réseau de fils barbelés avec piquets en métal, cette tranchée s'allongeait à l'ouest de la ferme de Navarin. Elle avait été épargnée par notre artillerie, car les obus tombaient en arrière, par suite de son établissement à contre-pente et de la déclivité du terrain.
Le 29 septembre, l’attaque fut arrêtée. Elle laissa 138 576 hommes hors de combat, et 25.000 prisonniers allemands. Le gain de terrain était d’une quarantaine de kilomètres carrés.
- La jument Paquerette (Extrait "Adieu Cavalerie" de M. CHAMBRE)
Il avait fallu obéir. Les chevaux avaient dû sauter en contrebas, à la lumière de rares réverbères et des lampes d'écurie. Beaucoup s'y refusaient, se cabraient. Il fallait que deux hommes se tenant par la main au-dessous de leur croupes les obligeassent à sortir du wagon.
C'était à cet instant que s'était passé dans mon peloton un triste accident : la jument Pâquerette, une excellente bête, douce comme un agneau, s'était fracturé une jambe de devant, prise entre deux rondins. Le canon était ballant, brisé en deux. Il n'y avait rien à faire, la pauvre bête était perdue, il fallait l'abattre sur place.
Comme par hasard, cela arrivait au cavalier de 1ère classe SERMADIRAS, un des meilleurs du peloton, celui qui peut-être aimait le mieux son cheval. Il adorait sa Pâquerette, la soignait comme ses yeux, ne la quittait pas, trouvait le moyen de la faire boire même lorsqu'il n'y avait pas d'eau, allant lui chercher au loin dans son seau de toile. Il couchait toujours derrière elle, lui parlait, la caressait. C'était ce qu'il aimait le plus au monde.
Le maréchal des logis SOUQUET était venu me chercher pour me faire constater le désastre :
- Venez voir, mon lieutenant, qu'est-ce qu'il faut faire?
Le cavalier SERMADIRAS le suivait, en larmes.
J'avais vu. C'était irrémédiable.
SOUQUET emmenez Pâquerette un peu à l'écart. Il faut l'abattre. Prenez deux hommes avec des carabines et qu'ils tirent à bout portant derrière l'oreille. Elle ne souffrira pas. Contre un mur. Prenez garde aux accidents! Attention aux balles!
SERMENDIRAS avait éclaté en sanglots.
- Non, mon lieutenant! C'est pas vrai! J'aime mieux être tué moi-même.
- Allons SERMANDIRAS, ne dis pas de bêtises! Tu vois bien qu'il n'y a rien à faire. On ne peut emmener ta pauvre Pâquerette. Elle souffre beaucoup d'ailleurs, il faut arrêter ça! Dis-toi qu'elle meurt au champ d'honneur. Ce ne sera pas la seule! Un peu plus tôt, un peu plus tard, tu sais...Nous aurons peut-être tous notre tour. Allons du courage."
Témoignages sur l'état de grande fatigue des chevaux (et des hommes) du Corps de Cavalerie du général Sordet qui, entre début août et la Bataille de la Marne aurait parcouru quelques 1200 km!
- " L' historique du 16ème Régiment de Dragons" mentionne à plusieurs reprises, l' extrême fatigue des hommes et des chevaux:"
La fatigue était grande, les chevaux [buvaient]rarement, [étaient] exténués et blessés sur le dos." A propos des blessures sur le dos, on lit, un peu plus loin:" .....une somme formidable d' endurance et d' énergie fut dépensée. Mais notre allure était lente car nos chevaux étaient bien las, de plus blessés sur le dos, ils répandaient de ce fait une odeur épouvantable de chair pourrie."
- Paul Lintier (1), à la date du 4 septembre, note que:
"les chevaux sont encore plus las que les hommes. Leurs plaies suppurent. Personne ne les soigne, et ce n' est pas le pire, car quelques uns ont à subir les remèdes stupides de leurs conducteurs.....
Rarement dételés, jamais déharnachés, les traits, les culerons, les croupières surtout leur ont fait des grandes plaies couvertes, tout le jour, de mouches et de taons.
Cavalerie misérable, affaiblie encore, comme les hommes, par une incessante diarrhée."
1 )- Ma pièce, journal de guerre d' un artilleur du 44è RAC. L' artillerie emploie pour ses attelages un nombre de chevaux (de trait) beaucoup plus important encore que la cavalerie pour sesrégiments montés
- Céline...dansVoyage au bout de la nuit:" [ mon cheval ] n' avait plus de dos, ce grand malheureux, tellement qu'il avait mal, rien que deux plaques de chair qui lui restaient à la place, sous la selle, larges comme mes deux mains et suintantes, à vif, avec de grandes traînées de pus qui lui coulaient par les bords de la couverture jusqu' aux jarrets....on ne pouvait plus le laisser qu' au grand air. Dans les granges, à cause de l' odeur qui lui sortait des blessures, ça sentait si fort qu' on en restait suffoqué. En montant dessus son dos, ça lui faisait si mal qu' il se courbait, comme gentiment, et le ventre lui en arrivait alors aux genoux.".
- Le docteur Schouteeten, vétérinaire:
" La guerre de mouvement ne laisse ni le temps ni les moyens matériels d' entretenir les chevaux, de les désseller et encore moins de les panser."
- Un officier de cavalerie, le capitaine Langevin:
" Il semble que la guerre ait aboli toute connaissance du cheval et toute règle de son emploi. On ne desselle plus jamais......Nos chevaux sont de misérables bêtes qui marchent la tête basse, les flancs creux. Ils ne boivent plus. Ils ne mangent plus. On ne les desselle plus dans la crainte de découvrir, sous la couverture, les blessures profondes qu' on y sait. Elles sont si terribles ces blessures, que certaines, déjà, exhalent une odeur intolérable....Nos pauvres chevaux sont une infection qui passe...La division empoisonne. Elle pue le charnier."
- Une image hantait la mémoire des hommes:
Celle des chevaux morts qui jalonnèrent, durant toutes ces semaines, les routes de Belgique et de France.
" Nous faisons la route par une poussière très dense; partout des chevaux crevés, le ventre gonflé, affreux à voir, répandant une odeur infecte."