Le groupe Réalités, spécialisé dans les grands projets immobiliers, annonce ce vendredi 30 décembre la nomination de Jean Rottner à sa future direction régionale Grand Est. Il prendra ses fonctions à l'été 2023. Les groupes d'opposition s'interrogent sur ce "pantouflage" et le risque de conflit d'intérêts.
Une dizaine de jours après avoir quitté la vie publique, Jean Rottner rejoint le secteur privé. Le groupe Réalités annonce en effet ce vendredi 30 décembre sa nomination à la tête de sa future direction régionale du Grand Est.
"Poursuivant son développement au service des territoires, le groupe Réalités annonce l’ouverture à l’été 2023 de sa Direction régionale Grand Est. Elle sera dirigée par Jean Rottner, ancien Président du Conseil régional qui, après avoir quitté la vie publique, rejoint l’aventure entrepreneuriale de Réalités", peut-on lire en tête du communiqué de presse.
Voila qui lève quelque peu le voile sur la voie dans laquelle s'engage Jean Rottner après sa démission surprenante de la présidence du Grand Est le 20 décembre 2022. Le communiqué en dit un peu plus sur les motivations qui ont poussé le groupe Réalités à lui confier la direction du Grand Est : "La rencontre entre Jean Rottner et Réalités, entreprise à mission, est apparue comme une évidence. L’un comme l’autre partagent le même sens de l’intérêt général, la vocation d’être utiles aux territoires et à leurs habitants, et des valeurs fortes telles que l’humanisme, l’exigence, l’optimisme".
Le groupe Réalités, déjà implanté dans sept régions française, ouvrira sa direction régionale Grand Est à l'été 2023, date à laquelle Jean Rottner prendra ses fonctions. Le groupe, fondé en 2003, se présente comme un "développeur territorial qui construit avec et pour les villes et les métropoles de nouvelles solutions porteuses de sens, créatrices de valeurs, d’attractivité et de développement économique".
Accusations de "pantouflage"
"Je peux comprendre que quelqu'un quitte la vie politique pour un impératif familial, et dans ce cas il faut bien gagner sa vie", a réagi Eliane Romani, cheffe de file du groupe écologiste au conseil régional. "Mais cette annonce vient un peu vite, ce qui laisse penser que c'était déjà conclu depuis un certain temps. Il utilise le réseau qu'il a acquis dans ses fonctions publiques pour aller servir une organisation privée qui a des rapports avec les collectivités, c'est une définition du pantouflage."
"Prendre la direction régionale d'une agence qui fait de l'ingénierie territoriale au plus près des collectivités (...), ça interroge"
Christophe ChoserotPrésident du groupe "Centristes et Territoires" (Renaissance)
"La prise d'une telle position ne se fait pas sans l'accord de la HATVP" (Haute autorité pour la transparence de la vie publique), a déclaré M. Rottner à l'AFP. "Elle se chargera elle-même de publier son avis."
La Haute autorité pour la transparence de la vie publique saisie dès juillet
Saisie par Jean Rottner le 12 juillet 2022, c’est-à-dire plus de six mois avant son annonce de démission de la région Grand Est, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) estime dans son avis publié ce vendredi "écarter" le risque de prise illégale d’intérêts.
Mais la HATVP appelle Jean Rottner à "s’abstenir", dans le cadre de ses nouvelles fonctions, "d’accomplir toute démarche [...] auprès des élus et des régions de la région Grand Est et des établissements publics qui en relèvent " durant une période de 3 ans :
Jean Rottner "a évoqué des motifs familiaux que je ne connais pas donc c'est délicat d'émettre un jugement", a commenté Laurent Jacobelli, élu du groupe Rassemblement National. "Mais changer de président en cours de mandat devient une habitude au conseil régional, c'est un problème. Les gens votent mais ne sont pas sûrs du président et de la politique qu'ils auront. S'il voulait dissuader les électeurs de voter, il ne ferait pas autrement".
"Prendre la direction régionale d'une agence qui fait de l'ingénierie territoriale au plus près des collectivités, alors même qu'on est en pleine révision du Schéma régional d'aménagement et qu'il sait les modifications qui vont être apportées, ça interroge", a confié Christophe Choserot (Renaissance), membre du groupe centriste. "Qui est mieux placé qu'un président de région pour faire du conseil et de l'accompagnement territorial ?", s'est-il interrogé. "Peut-être qu'un jour en tant que maire, je vais le recevoir pour tel ou tel projet, c'est troublant", a-t-il souligné.
Valérie Debord (LR), cheffe du groupe majoritaire au conseil régional, n'a pas souhaité réagir sur ces aspects. "Je suis ravie pour lui (Jean Rottner), et je lui souhaite beaucoup de réussite", a-t-elle simplement déclaré.
Jean Rottner, 55 ans, ex-médecin urgentiste, avait succédé en 2017 à Philippe Richert, démissionnaire. Il avait ensuite été élu en juin 2021.
L'élection de son successeur aura lieu le 13 janvier, et devrait introniser Franck Leroy (Horizons), maire d'Epernay (Marne) et membre du groupe majoritaire.
Avec AFP