Indispensable pour éviter les crues et intervenir en cas de sécheresse, le lac du Der est avant tout un ouvrage technique avant d'être un haut lieu touristique. Le niveau des cours d'eau, particulièrement bas dans le Grand Est, va être secouru par les lâchers d'eau du lac du Der.
Le niveau des cours d'eau particulièrement bas dans le Grand Est, dû au manque de précipitation, n'est pas encore préoccupant, en cette mi juillet 2020 et les lâchers d'eau du lac du Der entre Marne et Haute-Marne, ont de quoi rassurer. Indispensable pour éviter les crues et intervenir en cas de sécheresse, le lac du Der est avant tout un ouvrage technique pour venir en aide aux rivières et approvisionner en eau les populations.
Jérôme Brayer, responsable d’exploitation chez EPTB Seine Grands Lacs est serein, même si la vigilance reste de mise, la sécheresse annoncée n'est pas au rendez-vous. Il semble même surpris quand il entend parler de risque de sécheresse. " Dans le coin, je n'ai pas entendu de risque de sécheresse, nous avons bien eu un petit pic d'alerte en juin, mais cela n'a duré que 24h" rassure-t-il. Cette année est bien moins alarmante que l'été 2018 et les stocks sont pleins en cas de nappes phréatiques assechées.
Vigilance
"La vigilance tient du maître-mot en matière de ressource en eau dans nos territoires". La situation actuelle n’est pas alarmante, les nappes affichant des niveaux normaux constate Jérôme Brayer. Le pôle technique travaille avec Metéo France et leurs prévisions restent de bonnes informations. Actuellement, nous débutons le remplissage de l'affluent la Blaise et de la Marne. C'est vrai que pour la Blaise qui est une petite rivière, nous avons commencé à la remplir plus tôt le 16 juin tandis que la Marne a débuté son remplissage le 1er juillet". La Blaise est une rivière qui s'assèche toujours très vite compte tenu de sa position en contre-bas ce n'est pas forcément lié à la sécheresse mais plus à sa formation", explique Jérôme.La Blaise est une rivière française qui prend sa source à Gillancourt dans le département de la Haute-Marne. Elle se jette dans la Marne, dont elle est un affluent de rive gauche, sur la commune d'Arrigny, dans le département de la Marne. La Blaise, avec la Marne et la Saulx, construit la plaine alluviale du Perthois.
Le premier lac artificiel de France
En dérivation de son cours et de celui de la Marne, fut édifié en 1974 le lac du Der-Chantecoq, géré par l'institution des « Grands Lacs de Seine ». En 1974, après 10 ans de travaux gigantesques, le Lac du Der naît en plein coeur de la Champagne. Le lac du Der-Chantecoq est le premier plan d’eau artificiel de France. Sa superficie est de 4 800 hectares ce qui fait de lui, un des plus grands lacs d’Europe. Sa capacité de stockage (350 millions de m3) en fait la pièce maîtresse du dispositif des Grands Lacs de Seine, son principal ouvrage pour régulariser le bassin de la Seine , à savoir limiter les crues et soutenir l’étiage lié à la secheresse des cours d'eaux.
Le site, retenu notamment en raison de ses caractéristiques géologiques et topographiques, a englobé le réservoir existant de Champaubert-aux-Bois.
Ce chantier de grande ampleur étendu sur deux départements (Marne et Haute-Marne) a nécessité la construction de 14 ponts, de 100 km de digues et de canaux d’amenée et de restitution. Il a duré 5 années, de 1970 à 1974. " Ce site a été choisi car les sous-sols très argileux rendaient le projet possible" précise Jérôme Brayer.
Le choix de l'implantation du réservoir est donx lié aux caractéristiques locales du sous-sol. Il était nécessaire de trouver un terrain imperméable (30 à 50m d’argile de gault en sous-sol) de surface importante et comportant un relief en forme de cuvette. Ce fut le cas de la région du Bocage Champenois riche en argile. "Malheureusement, le tracé du plan du lac impliqua la disparition de trois petits villages : Chantecoq, Champaubert-aux-bois et Nuisement-aux-bois ayant pour conséquence l'expropriation et le déplacement de la population soit 284 habitants, mais c'était necessaire pour sauver Paris et tous les habitants beaucoup plus nombreux", souligne Jérôme Brayer.
Contrôler les inondations
La Marne, rivière prenant sa source sur le plateau de Langres en Haute-Marne traverse les villes de Saint-Dizier et de Vitry-Le-François, puis, longe les côtes de Champagne. Les inondations de la Marne ont été tristement célèbres en mettant les pieds du Zouave du Pont de l'Alma à Paris dans l'eau au début du siècle dernier, en 1910. La Seine et ses affluents devaient donc être maîtrisés.Pour cela, l'Institution Interdépartementale des Barrages-Réservoirs du Bassin de la Seine (IIBRBS), aujourd'hui EPBT, composée des départements de la Seine St Denis, des Hauts-de-Seine, du Val-de-Marne et de Paris, entreprit donc de régulariser les flots de la Seine notamment après la grande crue de 1924. Un programme de travaux fut établi en 2 étapes.
La première étape consista à construire 4 réservoirs, entre 1932 et 1949, dont celui de Champaubert-Aux-Bois (Vieux Der aujourd’hui) en 1938.
Celle-ci se révéla rapidement insuffisante, surtout après les inondations de 1955 qui démontrèrent l'urgence de réaliser la 2ème étape, comportant des ouvrages beaucoup plus conséquents.
Le réservoir Seine, dit Lac de la Forêt d'Orient (terminé en 1966) Le réservoir Aube (terminé en 1990) Le réservoir Marne, dit LAC du DER-Chantecoq (inauguré en 1974) et qui représente 350 millions de m3, soit 4 800 hectares.
Le lac du Der s'avère être un vrai protecteur. Le lac est alimenté en eau par deux canaux : un principal, le canal d'amenée Marne, long de 11,8 km et par un canal secondaire, celui de la Blaise. Cette eau est ensuite rendue aux rivières par des canaux de restitution, celui de la Marne mesurant 3,5 km. Le lac est avant tout un réservoir conçu pour réguler les niveaux d'eau de la rivière Marne qui alimente la Seine.
Indispensable pour éviter les crues et nourrir les cours d'eau en période d'étiage, le Lac du Der qui offre au fil des saisons des paysages impressionnants, est avant tout un ouvrage technique. "Sa raison d'être, est son importance de stockage. Au départ de Saint-Dizier, il régule le cours de la Marne, affluent de la Seine et plus grande rivière de France, réduisant d'un côté l'effet des crues à Paris ou inversement permet de maintenir la circulation des bateaux en période d'étiage" explique Jérôme Brayer.
"Soutien d'étiage"
En hiver et au printemps, pour assurer sa mission de régulation des deux rivières, l'eau est prélevée pour l'étiage alors qu'elle est au plus haut, dans le but de prévenir les crues. Si une crue importante se prépare, un niveau supplémentaire d'eau est puisé dans les deux cours d'eau. Le lac se remplit ainsi peu à peu entre la mi-décembre et le 30 juin. Il est ensuite vidangé généralement entre le 1er juillet et la mi-décembre une partie des eaux du lac est restituée à la Marne et à la Blaise pour venir en aide aux rivières qui sont alors à leur niveau d'étiage.
Cette action s'appelle le « soutien d'étiage ». Le soutien des étiage, qui a lieu en principe de début juillet à fin octobre, peut fournir une moyenne de 30 m³/s supplémentaires de soutien du débit en Marne pour un débit naturel estival moyen de 7 m³/s à Saint-Dizier. Le 1er novembre, le lac sera vide entre fin novembre au quinze décembre. Il n'y reste que la « tranche morte », volume indispensable à la survie des poissons, et une tranche de réserve pour prolonger la vidange en cas d'étiage important.
La partie du lac alors immergée se transforme en d'immenses vasières attirant de nombreux oiseaux, qui viennent s'y nourrir. Le niveau de l'eau du lac du Der varie donc en fonction des besoins de la Marne et de la Blaise. Ensuite, dés mi-décembre, le lac se remplira de nouveau grâce à nos ouvrages de prises d'eau qui sont des vannes de dix mètres de diamètre installées au milieu du lit de la rivière explique Jérôme Brayer. " Notre rôle constitue à dériver l'eau de la rivière, on remplit le lac et on redistribue derrière pour remplir de nouveaux les rivières". En fonction des situations, on ajuste le tir.
Cela peut paraître très technique, mais en vidant le lac, le débit qui coule représente 70% de l'eau dans la Seine. " En ce moment, il y a 4 m3 par seconde qui passe dans la Marne et derrière le lac du Der donne 15 m3 à Paris et ses communes aux alentours" explique Jérôme. Le lac du Der a deux missions principales, d'une part l'écrêtage des crues, par stockage des volumes d'eau provenant de la Marne, dont il modifie l'écoulement à l'aval de Saint-Dizier, et d'autre part le soutien d'étiage.
Des projets en cours
Il y a un réel besoin d'eau explique Jérôme mais il y a aussi un réel besoin de réagir quand il y en a trop d'un coup alerte-t- il. "Un projet, celui d'un « lac des côtes de Champagne », était à l'étude dans les années 80" souligne Jérome. Ce projet devait permettre de contrôler le bassin, versant de la Saulx, en amont de Vitry-le-François. D'une superficie possible de 2 300 hectares et d'une capacité d'environ 130 millions de m3, il aurait été construit sur le principe des autres lacs comme le Der. Finalement, le projet n'a pas été retenu et on a privilégié celui de " la Bassée" conclut Jérôme.Dans l'éventualité d'une nouvelle crue d'importance, un tel phénomène toucherait directement des millions de franciliens. Pour aider les lacs qui stockent jusqu'à 830 millions de m3 d'eau, EPBT Seine Grands Lacs envisage la création d'un cinquième aménagement. "En effet, les lacs existants permettent d'atténuer les crues, mais pas de les éliminer" précise Jérôme . Ce nouvel aménagement appelé « la Bassée » a donc pour but de parfaire l'action des quatre lacs-réservoirs.
Situé en Seine-et-Marne, ce site s'étend sur 16 000 hectares. Au stade d'étude depuis 2001, le projet est exposé en 2011 sous la forme d'un débat public. Depuis, les études se poursuivent pour concevoir, de façon détaillée, le site pilote et les mesures de valorisation écologique en vue de la réalisation d’une enquête publique en 2020.
Ce projet consiste à réaménager une plaine, en amont de Montereau-Fault-Yonne, pour y stocker temporairement 55 millions de m3 d'eau pompés dans la Seine pour réduire une éventuelle crue exceptionnelle de l'Yonne ou de la Seine.
Le lac du Der est connu du grand public pour son site touristique, mais sa construction a été pensé avant tout pour protéger la population, plus particulièrement Paris des inondations et pour approvisionner les habitants en eau potable rappelle Jérôme. Ensuite, le Syndicat d'Aménagement Touristique du Der a été créé après validation des autorités parisiennes afin d'autoriser des activités de loisirs à des fins touristiques.
Aujourd'hui, de nombreux visiteurs profitent des activités 'vertes' en rapport à la nature et des activités 'bleues' liées à l'eau et font du Lac du Der la 2ème destination de la Champagne.