Comme celui de l'essence, le marché du fioul domestique est actuellement en forte tension. Les prix se sont installés au-dessus des 2 euros le litre avec en prime une forte volatilité. Les habitants ruraux qui se chauffent encore beaucoup au fioul domestique sont les plus touchés comme ici en Moselle.
Au téléphone, lorsque les clients appellent leur marchand de fioul pour passer commande et qu'on leur donne le prix, c'est la douche froide.
Les gens ont peur. Ils ont peur de manquer de combustible et que le conflit dégénère. Je n'ai jamais vu une telle hausse, même pendant la guerre du Golfe en 1990
le gérant d'un distributeur de fioul en Moselle
" Ils sont abattus, désabusés et nous disent "c'est une blague?" explique ce professionnel mosellan qui préfère garder l'anonymat. "Les gens ont peur. Ils ont peur de manquer de combustible et que le conflit dégénère. Je n'ai jamais vu une telle hausse, même pendant la guerre du Golfe en 1990, ce n'était pas aussi brutal". Une crise de l'énergie comparable au choc pétrolier de 1973 selon le ministre de l'Economie Bruno Le Maire.
Car au lendemain de l'annonce américaine d'un embargo de l'importation de gaz et de pétrole russes, les cours du brut, qui avaient déjà fortement augmenté avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie, ont littéralement bondi. Résultat mercredi 9 mars au matin, les 1000 litres de fioul ordinaire coûtaient la bagatelle de 2236 euros, et 30 euros de plus pour du fioul premier ou bien-être de meilleure qualité. Deux fois plus que début février.
Des clients très nombreux actuellement
Paradoxe de la situation, alors même que les prix ont bondi en quelques jours, les marchands de fioul sont saturés, submergés par les demandes de livraison. «Il y a plein de gens qui s’affolent’’ nous explique cette salariée qui prend les appels téléphoniques d'un distributeur de fioul de Creutzwald. «Il y a ceux qui sont en panne parce que malgré tout il fait encore froid la nuit et puis il y a des gens qui préfèrent faire des stocks, surtout les personnes âgées qui ont peur."
Face à cette flambée des prix, les livreurs sont en première ligne sur le terrain et ne reçoivent pas toujours un accueil agréable: «Ils sont parfois traités de voleurs, il y a même des clients qui menacent de ne plus payer, une fois que le fioul est dans la cuve».
A Rémering dans le pays boulageois en Moselle cette cliente allemande attend avec impatience la livraison matinale. Elle a commandé le minimum de 500 litres de fioul la semaine dernière pour finir l'hiver: " Ma cuve est totalement vide. J'ai un enfant, je n'ai pas le choix j'ai été obligée d'en prendre". Montant de la facture 996 euros.
Je pense que les prix ne vont pas descendre. A mon avis, ça va même encore augmenter. On ne sait pas ce qui peut se passer.
Claude, habitant d'Oberdorff
Dans le village d'à côté à Oberdorff, Claude a lui aussi appelé son fournisseur habituel pour une commande de 1000 litres:" Je pense que les prix ne vont pas descendre. A mon avis, ça va même encore augmenter. On ne sait pas ce qui peut se passer. Par rapport à l'année dernière, c'est à peu près le double". 1854 euros à débourser pour ce client, qui par chance, a commandé juste avant l'envolée des prix, liée à l'embargo américain sur le gaz et le pétrole russes. "Avec mille litres je vais chauffer la maison pendant trois mois et demi. Pour une année complète, j'ai une consommation de 3800 litres, et il n y a pas que le chauffage.... je travaille en Allemagne et ici nous n'avons pas de transports en commun. Il faut prendre la voiture pour aller travailler et pour faire les courses". En zone rurale, où beaucoup d'habitants se chauffent encore au fioul c'est donc la double peine avec l'explosion des prix de l'essence et du fioul.
Il y a plein de gens qui s’affolent, il y a aussi des gens qui préfèrent faire des stocks, surtout les personnes âgées qui ont peur.
Une commerciale d'un marchand de fioul à Creutzwald
UFC Que Choisir favorable à une baisse des taxes
De leur côté, les associations de consommateurs semblent démunis face à cette envolée des cours de l'énergie. Jointe au téléphone, la directrice d’UFC Que Choisir de Nancy Odette Beaumont rappelle que son association réclame depuis très longtemps une baisse des taxes: « La solution serait de baisser les taxes même temporairement. Ceux qui se chauffent au fioul sont souvent des personnes âgées qui n’ont souvent pas d’autres solutions parce qu’il n y a pas de gaz de ville, que les maisons ne sont pas forcément bien isolées. Donc on réclame une baisse de la TVA sur le fioul, car c'est un produit de première nécessité".
Ceux qui se chauffent au fioul sont souvent des personnes âgées qui n’ont souvent pas d’autres solutions parce qu’il n y a pas de gaz de ville, que les maisons ne sont pas forcément bien isolées.
Odette Beaumont, présidente d'UFC Que Choisir 54
Avec des cours du pétrole qui font le yo-yo depuis 48 heures, les prix du fioul devraient rester très volatiles ces prochains jours. Pour l'instant, même l'arrivée prochaine du printemps ne semble pas atténuer la frénésie d'achat des consommateurs.