Après des semaines de mobilisation, l’adoption hier de la réforme des retraites, par le biais du 49.3 est perçue comme un "déni de démocratie" par les organisations syndicales du Grand Est. Elles appellent à durcir le mouvement lors d’une "journée noire" le jeudi 23 mars.
"C’est un déni de démocratie ! C’est très grave ce qu’il se passe", affirme Denis Schnabel, secrétaire général de la CGT Grand Est. Après des semaines de mobilisation sociale, le gouvernement a finalement pris la décision de passer en force. Malgré ses efforts, Elisabeth Borne n’aura pas réussi à convaincre suffisamment de députés LR pour soumettre le texte au vote de l’assemblée en toute sécurité, et a donc dégainé une fois plus l’article 49.3 de la constitution.
Un déni de démocratie
Au lendemain de cette séquence historique à l’assemblée, c’est la consternation générale pour les leaders des différentes organisations syndicales. "C’est un scandale politique et démocratique. Les députés ont entendu la voix des actifs, mais le gouvernement reste dans sa tour d’ivoire et tente de passer en force", affirme Frédéric Nicolas, Secrétaire général de l'UD Force Ouvrière 54. Un passage en force, considéré par toutes les organisations syndicales comme un « déni de démocratie. »
"On est scotché. Le 49.3 est un outil constitutionnel, mais il est utilisé après un débat largement contesté. C’est légitimement insupportable ! Légal, mais pas légitime ! Cela vient juste confirmer que le gouvernement n’a pas de majorité sur ce texte", explique Dominique Toussaint, secrétaire général de la CFDT Grand Est, qui affirme regretter la situation. "On en arrive à cette situation désolante, alors que ça fait des mois et des mois qu’on prévient le président de la République. Il s’est mis lui-même dans une situation infernale."
"Depuis le début du processus, il n’y a eu aucune réelle négociation, que des concertations, ajoute Denis Schnabel, secrétaire général de la CGT Grand Est. Ça a été un vrai rouleau compresseur, on n'a rien pu faire bouger : ni sur la question des femmes, ni sur la pénibilité. On attendait a minima que le texte soit soumis au vote."
Un espoir : la motion de censure
Si l’indignation est générale, tous n’ont pas encore perdu espoir. "Il faut que le Président de la République se rende compte que ce serait une folie de maintenir ce texte. L’enjeu, c’est de maintenir la cohésion du pays."
"On attend de voir ce que donne la motion de censure. Et même si elle n’aboutit pas, il y a d’autres leviers possibles : un referendum, une initiative populaire, un contrôle du Conseil constitutionnel. Il faut que le président de la République se rende compte que ce serait une folie de maintenir ce texte. Il en a le pouvoir. L’enjeu, c’est de maintenir la cohésion du pays", affirme Dominique Toussaint (CFDT).
La mobilisation continue
Rassemblée hier soir à Paris, l’intersyndicale nationale, a décidé de faire du jeudi 23 mars une journée de mobilisation nationale contre la réforme des retraites. Une journée « noire » selon Denis Schnabel (CGT). "C’est du jamais vu donc on va se remobiliser. Au niveau de la CGT, c’est la grève reconductible dans l’entreprise qui doit bloquer l’économie. C’est la priorité. On va organiser des assemblées générales pour se questionner sur l’avenir du mouvement et rentrer dans une phase peut-être un peu plus dur."
Même son de cloche chez Sud Rail, qui s’exprime par le biais d’un communiqué : "Ce sont nos grèves reconductibles, la tenue des assemblées générales, nos sacrifices financiers et notre mobilisation depuis des semaines qui ont fragilisé Macron et le gouvernement. Il n’est pas envisageable de lâcher maintenant. Il faut généraliser la grève et les bocages partout."
La crainte d’une radicalisation du mouvement
Des blocages de ronds-points, opérations escargot et mouvements de grève pourraient donc se poursuivre dans les jours à venir avec une ligne rouge : "Pas de violence, pas d’attaque sur les biens ni sur les personnes" affirme Dominique Toussaint (CFDT). "Le climat est instable, il y a un vrai risque de radicalité. Une partie de la population est exaspérée, se sent bafouée par cet épilogue."
Le mouvement de protestation contre la réforme des retraites, pourrait-il prendre un tournant violent, à l’image des débordements constatés lors des gilets jaunes ? "C’est une vraie crainte. Il y a beaucoup de colère, et quand on voit ce que les gilets jaunes ont obtenu parce qu’ils ont cassé, ça pourrait en inspirer certains" conclut Denis Schnabel (CGT).