Fagnières, seule commune écolo de Champagne-Ardenne, où la conscience environnementale ne s'est pas faite en un jour

Présents dans le paysage politique fagnérot depuis 1989, Alain Biaux, ancien maire de la commune, et Denis Fénat, ont bâti la conscience écologiste de leurs administrés. Un travail qui a porté ses fruits, puisque leur liste a été réélue avec 53,3% des voix ce dimanche 28 juin.

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2001, l'Odyssée des écologistes à Fagnières (Marne). Après 12 ans de présence sur la scène politique locale, Alain Biaux, Dominique Determ et Denis Fénat arrivent au tant convoité conseil municipal de Fagnières. Voilà plus d'une décennie qu'ils s'illustrent par des engagements écologistes. Après deux défaites en 1989 et 1995, les voici élus à la mairie.

En 2020, le scénario se répète, quoiqu'un peu différent. Les Verts passent à nouveau. Alain et Dominique sont toujours présents sur la liste écologiste mais cette fois, ils n'occupent plus la première et la seconde place. C'est Denis Fénat qui prend le relais, le couple a décidé de se présenter en position non éligible pour seulement apporter leur soutien à leur collègue et ami de toujours.
 

Une lente construction

"Disons que nous sommes élus depuis 2001, les maires des communes avoisinantes ont appris à nous connaître et nous avons de très bonnes relations avec eux", note Denis Fénat, le lendemain de sa victoire. Mais les relations entre représentants politiques n'ont pas toujours été ainsi. Être à la tête d'une mairie implique plusieurs choses : convaincre les habitants du bienfondé de ses actions, mais il faut aussi travailler avec les autres élus du département. "Dans les années 2000, les gens nous regardaient d'une façon curieuse et ne voulaient pas travailler avec "ces rigolos-là". Il n'y a plus de souci désormais, on a travaillé énormément sur l'écologie, on a été repéré comme ville précurseur", se rappelle, amusé, le successeur d'Alain Biaux. 

L'anecdote peut faire sourire, tant les écologistes ont conquis les villes à l'issue du second tour des élections muncipales, ce dimanche 28 juin 2020. En 2014 déjà, la mairie de Grenoble passait au vert, sous le regard surpris des commentateurs. Six ans plus tard, des villes de premier plan comme Lyon, Strasbourg ou Bordeaux passent sous la houlette Europe-Ecologie-Les-Verts. Beaucoup parlent de "vague verte". En Champagne-Ardenne, seule une ville répond à la règle. Sauf que dans le cas de Fagnière, cela fait presque vingt ans que ça dure.

Il n'en n'a pas toujours été ainsi dans la commune de presque 5.000 habitants. Longtemps vue comme la "ville dortoire de Châlons-en-Champagne", la bourgade convainquait pour sa proximité avec la préfecture, non pour son cadre de vie. "On est arrivé en 2001 avec une page blanche, il n'y avait, je ne vais pas dire rien mais pas loin", se souvient le maire sortant.
 

Avant 2001, les agences immobilières postaient des annonces de maisons ou d'appartement de la ville de Fagnières sans mentionner ni le nom de la ville ni celui du quartier, mais désormais, on voit que des maisons sont vendues très rapidement

Denis Fénat, maire de Fagnières


Alors, Alain Biaux et son équipe décident de commencer par l'embellissement de la commune. "On a beaucoup axé sur le fleurissement", dévoile l'élu. La première fleur du label ville fleurie arrive en 2003, la seconde en 2005, puis une troisième fleur et enfin le label commune nature. D'année en année, l'équipe municipale convainc les habitants de ne pas désherber, qu'"il n'y a pas de mauvaises herbes, il n'y a que des herbes non désirées", sourit Denis Fénat, citant l'Ardennais Hubert Lejardinier.
  

Patience et pédagogie

Pour convaincre, l'équipe municipale a fait preuve de pédagogie et de patience. Elle a su impulser des politiques en accord avec l'environnement, même si ces décisions n'émanaient pas de demandes de la part des Fagnérots. "On a plus impulsé que répondu à des demandes des habitants. On parlait des fauches raisonnées, un phénomène apparu il y a une dizaine d'années. Les habitants étaient outrés, ils se disaient 'mais mon dieu, que font vos employés? Ce n'est pas tondu ! Avant, tout était tondu façon green de golf partout", raconte l'ancien maire.

Alors les adjoints ont fait comprendre qu'il y avait d'autres solutions. "Ça a pris un certain temps pour que les habitants adhèrent, reconnaît Alain Biaux. Le 0 phyto c'était la même chose, il fallait accepter qu'une plante pousse dans le caniveau, alors ce que je disais aux habitants, c'est que rien ne les empêche, si elle les gêne, de tirer dessus." Un discours qu'il a fallu assurer auprès des habitants et du personnel municipal.
 

Surtout, il faut faire beaucoup de pédagogie avec les habitants, mais aussi avec l'équipe des espaces verts, car nous prenons des décisions qui ont des impacts sur leur travail quotidien. Il faut qu'ils soient inclus dans les projets et ça, c'est très important

Alain Biaux, ancien maire de Fagnières


Il faut dire que certains sujets sont épineux. Pour les aires de jeu et les aires sportives, facile de persuader les citoyens de laisser pousser ces herbes indésirables, si cela évite l'utilisation de produits chimiques ou toxiques. En revanche, Denis Fénat se souvient du cas du cimetière, plus long à faire accepter aux Fagnérots. "On a eu une très longue réflexion", se rappelle l'élu. Les habitants avaient du mal à imaginer des plantes dans le lieu de recueillement. "On nous disait que lors des cérémonies, que ce serait impossible pour des femmes à talons hauts", relate-t-il.
 


Finalement, c'est après un déplacement à Versailles sur la thématique qu'il parvient à séduire Alain Biaux. "Une ville républicaine, qui est en 0 phyto depuis 2005 et ville du roi soleil, on peut pas être plus royaliste que le roi", s'amuse-t-il. L'élue versaillaise en charge des espaces verts leur présente le cimetière de 13 ha, où des ruches ont trouvé leur place. "On avait peur de recevoir des plaintes, détaille-t-il. Et l'élue nous a dit : sur 90 000 habitants, nous n'avons reçu que 15 plaintes, donc c'est anecdotique. On a expliqué ce qu'on avait vu à Alain Biaux, et on a avancé comme ça. Cela me fait toujours sourire de voir qu'on n'a pas pris exemple chez des écolos, mais chez des Républicains. De l'écologie, on peut en trouver partout."

Depuis, de nombreuses villes alentours sont venues constater l'expérience fagnérote, ainsi que des compagnies des eaux. En plus du label ville fleurie, Fagnières a également reçu celui de ville nature et ville 0 phyto. Dans un classement publié en janvier dernier, elle était classée comme ville entre 3500 et 5000 habitants la plus agréable à vivre de la Marne. "Un ancien président de la république disait, 'il faut laisser le temps au temps'. En général, on le voit sur pas mal de grandes villes, des élus arrivant à s'implanter. Châlons a été communiste pendant trois mandats par exemple. C'est le lot de tous les politiques d'être battus avant d'être élus et d'arriver à avancer", philosophe Denis Fénat. Du temps, il en aura : il dispose de six années supplémentaires pour faire durer l'écologie à Fagnières.
 
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