Handisport : la natation artistique compte sur les championnats du monde en France pour être reconnue comme une discipline à part entière

Après l'euphorie autour des Jeux Olympiques, l'association Nat Handi Artistique espère bien tenir le haut de l'affiche. Du 13 au 15 août, à la piscine de Châlons-en-Champagne, elle organise les championnats du monde de natation artistique handisport. 42 athlètes porteurs de handicap représentants 7 nations et 12 clubs seront présents pour tenter de monter sur la plus haute marche du podium.

Une association créée en 2021. Des parents qui se bagarrent pour la reconnaissance d'un handisport. Une envie folle de voir ces enfants et ces adultes porteurs de handicap intégrer une discipline sportive. Nat Handi Artistique et ses bénévoles se sont mis en "mode combattant" depuis trois ans. Tous parents d'enfants porteurs de handicap physiques ou cognitifs, ils sont convaincus que le sport, quels qu’ils soient, est un atout majeur dans la construction de leur vie. 

Depuis un an, Sandra Millart, présidente de l'association Nat Handi Artistique et son équipe portent l'organisation de ces championnats du monde de natation artistique pour les athlètes porteurs de handicap et les équipes inclusives. "Nous y sommes ! Dit-elle entre soulagement et fierté. Nous sommes arrivés à Châlons-en-Champagne ce samedi et avons pris possession des lieux. Cela concrétise plusieurs mois de travail. Depuis le retour des championnats du monde aux Etats-Unis en 2022, l'idée a germé. Puis, dès avril 2023, nous avons tenté de trouver une piscine. Les premiers contacts ont été pris avec la ville de Reims. Les élus nous ont tout de suite dit que cela ne serait pas possible car avec les Jeux Olympiques, ils devaient déjà fermer plusieurs jours l'UCPA au grand public pour accueillir la délégation britannique. Que ce serait trop. En octobre, nous avons appelé la communauté d'agglomération de Châlons-en-Champagne et les élus nous ont dit oui, tout de suite. Ils étaient enchantés du projet, de mettre en lumière leur bassin fraîchement rénové. Cela faisait sens aussi pour eux, car la ville est très investie dans les sports inclusifs".

Service 4 étoiles de la ville de Châlons-en-Champagne

La piscine trouvée et réservée, il fallait ensuite trouver un budget d'environ 25 000 euros. L'association Nat Handi Artistique, reconnue d'intérêt général à caractère sportif, porte un sport qui n'a aucune reconnaissance nationale, ni internationale. La natation artistique, ex-synchronisée, discipline confidentielle chez les valides (20 000 licenciés), sans délégation fédérale chez les handi n'attire guère les subventions et encore moins les sponsors privés. "Nous nous sommes dit, dès que nous avons l'argent pour la piscine (4200 euros de location), les médailles (138 à distribuer) et la sono, on lance le projet", explique encore Sandra Millart. Cagnotte participative, médiatisation locale et nationale, démarchage de sponsors permettent à l'association de se lancer dans l'aventure. "Puis il y a de belles surprises financières avec l'Agence Nationale du Sport qui a labellisé "Impact 2024" notre projet et le subventionne. La région Grand Est s'est aussi engagée à nous verser une subvention et puis le service quatre étoiles de l'agglomération châlonnaise nous aide beaucoup. Nous louons la piscine, mais deux salariées sont mises à notre disposition pour l'accueil et nous avons des locaux prêtés pour la prise des repas. La ville a aussi beaucoup communiqué sur l'événement".

J'espère que suite à ces championnats, notre discipline sera reconnue. Notre but est que cela devienne paralympique.

Louison, membre de l'équipe de France de natation artistique handi

Au bord du bassin ce week-end, la délégation française portée par l'association Nat Handi Artistique se retrouve. Les sourires sont au rendez-vous, elles sont trop contentes de se retrouver ! Elsa, Louison, les deux locales de la compétition, ne voient pas souvent Rose-Marie, Lilou, Selya, Léonice et toutes les nageuses françaises. L'ambiance est bon enfant et l'excitation commence à monter chez les athlètes. Elles ont hâte d'en découdre mais aussi de rencontrer les délégations concurrentes : Brésil, Mexique, Etats-Unis, Canada, Italie, Espagne. "J'espère bien repartir de ce week-end en parlant quelques mots de langues étrangères", sourit Louison, médaille d'or en duo avec Elsa aux derniers championnats du monde et médaille de bronze en figures imposées.

Justement, les délégations brésilienne et mexicaine sont passées, quelques minutes plus tôt par la piscine pour annoncer leur arrivée. 

Une immense fierté

"Je détends la tête et je pousse les genoux. Et un, et deux, et trois..." Noémie, ancienne nageuse, plusieurs fois médaillée aux championnats de France de natation artistique par équipe, possède aussi son diplôme d'entraîneur. C'est elle, qui, en compétition entraîne le groupe France.

Pour Louison et Elsa, les deux Rémoises du Stade de Reims Natation, c'est le retour dans les bassins. Depuis le 19 juillet, les deux jeunes filles sont privées d'entraînement spécifique, faute de créneaux horaire dans les piscines de Reims. "Ce n'est pas faute, là encore, de s'être battu pour que les filles puissent s'entraîner, explique Sandra Maillart, présidente de l'association Nat Handi Artistique. Mais leur club est en vacances et la municipalité de Reims via l'adjoint aux sports Mr Blanchard n'a pas accédé à notre demande. Nous allions donc sur les créneaux d'ouverture au public, pas simple". Les nageuses rémoises abordent donc ces championnats du monde, inquiètes du peu d'heures passé dans l'eau. Mais nager à la maison est une chance. "Ça donne plus de courage et de confiance, précise Louison, 15 ans, atteinte de surdité bilatérale sévère. Et puis c'est une fierté. J'espère que suite à ces championnats, notre discipline sera reconnue. Notre but est que cela devienne paralympique. Sandra, ça fait un an qu'elle est dessus. Je suis fière aussi de ce travail-là".

Louison disputera dès mardi 13 août les figures imposées, puis le solo le lendemain et le duo en, équipe inclusive avec une nageuse valide. "L'excitation commence à arriver, dit-elle encore avec un grand sourire. Il va falloir que je me calme ! L'objectif est de se faire plaisir et de profiter avant tout. Mais j'aimerais aussi montrer que je suis capable de grandes choses, de réaliser de belles figures et d'améliorer mon score".

Aujourd'hui, notre discipline, c'est du concret. Ce ne sont pas des paroles en l'air. Nous sommes aux championnats du monde

Elsa, membre de l'équipe de France de natation artistique handi

Elsa, triple championne du monde aux derniers championnats aux Etats-Unis en 2022, est aussi très excitée. Comme sa copine et concurrente Louison, Elsa est atteinte de surdité bilatérale sévère. Son magnifique sourire en dit long sur son impatience à défendre ses titres. "Je suis aussi un peu stressée car je connais le niveau de mes concurrentes". Elle aussi est engagée en figures imposées et en solo. Elle présentera également, en équipe inclusive, le ballet travaillé depuis de longs mois. "C'est un avantage d'être ici, dans ce bassin que l'on connaît. C'est aussi une immense fierté. On se bat pour que notre discipline soit reconnue en France et là, nous sommes en compétition justement en France". Elsa affiche la couleur : "mon objectif, c'est trois médailles d'or". 

Non reconnue mais très professionnelle

Alors que les Jeux Palalympiques de Paris 2024 débuteront le 28 août prochain, Louison et Elsa rêvent, un jour, d'y participer. Et comme un signe du destin, elles ont toutes deux porté la flamme lors du passage du relais en Haute-Marne et à Reims. "C’était waouh, se souvient Elsa. C'est un moment dont j'ai savouré à chaque seconde. Nous avons aussi eu la chance de rencontrer l'équipe de natation artistique olympique du Canada et puis les deux marraines de l'association Laelys Alavez et Eve Planeix font partie de l'équipe de France olympique que j'ai beaucoup suivie pendant ces Jeux. Aujourd'hui, notre discipline, c'est du concret. Ce ne sont pas des paroles en l'air. Nous sommes aux championnats du monde". 

La natation artistique est une grande famille. Elle a accueilli les plus de 25 ans, puis les hommes en 2015. Ne manque plus que les personnes en situation de handicap. Aujourd'hui, tout le monde est prêt. C'est juste une question d'officialisation.

Sandra Millart, présidente de l'association Nat Handi Artistique

Pendant ce temps, les bénévoles de l'association organisatrice s'activent. Le podium est transporté sur le bord de la piscine. Les lignes d'eau sont enroulées et les nageuses peuvent prendre place pour leur entraînement dans le bassin. Tout le week-end, l'équipe constituée en grande partie des familles des athlètes, sera là, au service de la discipline, de leurs enfants. Des bénévoles, des amateurs, pour autant, ces championnats du monde auront un haut niveau technique et une rigueur dans l'organisation digne des compétitions valides.

"Les juges, ils sont 22, sont tous validés par les instances nationales et internationales", reprend Sandra Millart présidente de l'association Nat Handi Artistique. D'ailleurs, ils étaient presque tous aux Jeux Olympiques de Paris dans l'organisation des compétitions de natation artistique. "Ils viennent de Caen, d'Angers pour les Français. Il y aura aussi un juge brésilien et un juge canadien qui se déplacent avec les délégations. Certains même, nous ont appelés pour venir participer. Cela fait vraiment chaud au cœur d'autant qu'ils en sont de leur poche car nous ne prenons en charge que leur repas de midi". Pour le règlement des compétitions, les bénévoles organisateurs de l'association Nat Handi Artistique s'appuieront sur celui des Américains. "La natation artistique est une grande famille. Elle a accueilli les plus de 25 ans, puis les hommes en 2015. Ne manque plus que les personnes en situation de handicap. Aujourd'hui, tout le monde est prêt. C'est juste une question d'officialisation".

Notre association a été créée pour dire aux athlètes, nous sommes là pour vous trouver des solutions quand cela va moins bien. Mais surtout, ne baissez jamais les bras.

Sandra Millart, présidente de l'association Nat Handi Artistique

Lever les barrières du handicap

Du 13 au 15 août, la piscine de Châlons-en-Champagne accueillera donc les championnats du monde de natation artistique handisport. "La piscine est fermée au public, mais ouverte sur le monde" précise l'affiche de l'événement. Et surtout l'entrée est gratuite pour tous. 

"Nous voulons montrer au grand public que 80% de nos athlètes présentent un handicap invisible et que l'impact sur leur vie est une double tâche permanente, explique Sandra Millart. À chaque moment, ils doivent compenser leur handicap et cela est difficile à faire admettre à ceux qui sont en dehors de cet univers. Et puis, nous voulons prouver, que faire partie d'un club sportif est possible lorsque l'on est porteur d'un handicap. Il faut laisser les enfants s'exprimer là où ils le veulent. Leur laisser prendre des responsabilités, oser, les laisser performer et se faire plaisir". 

Mardi 13 et mercredi 14 août place à la compétition. Des initiations à la natation artistique seront aussi organisées pour les personnes atteintes d'un handicap. "Nous avons également une table ronde lundi 12 août sur le thème : “Enfant en situation de handicap et pratique sportive. Levons les barrières”, précise encore la présidente de l'association organisatrice. Les handicaps ne doivent pas être une entrave. Notre association a été créée pour dire aux athlètes, nous sommes là pour vous trouver des solutions quand cela va moins bien. Mais surtout, ne baissez jamais les bras".

Ces championnats du monde représentent une belle victoire dans ce combat porté depuis trois années. Le couronnement viendra peut-être avant la fin 2024. "En octobre, nous devons rencontrer la Fédération Française de Natation, la Fédération Française du Sport Adapté et celle du Handisport pour réfléchir ensemble à une co-délégation, précise Sandra Millart. La natation artistique handisport, ne pourra vivre qu'avec l'assentiment de ces trois instances. J'aimerais que l'on signe quelque chose avant la fin de l'année. Comme un héritage. Ce serait un nouveau parasport en France. Après les Jeux olympiques et paralympiques, ce serait beau".