Alors que le harcèlement scolaire reste un enjeu, une autrice souhaite aller au-delà du livre qu'elle a écrit sur le sujet, et proposer un jeu de société. Un financement participatif a été lancé le samedi 18 mai. Elle compte offrir le plus possible de ces jeux aux établissements scolaires.
En finir avec le harcèlement scolaire, qui tue encore. Une tâche difficile, pour laquelle il faut beaucoup de volonté. Alexandra Thiery Saive n'en manque justement pas, et voilà qu'elle réunit des fonds via une cagnotte en ligne.
À l'origine, elle détenait un bon poste au sein de l'entreprise familiale. Mais ne se voyant pas faire ça toute sa vie, elle a fini par "voguer vers d'autres horizons", en se lançant dans l'écriture après une formation en ligne. Cette femme de Nuisement-sur-Coole (Marne) croit en la vertu "thérapeutique" de cette discipline : "poser des mots peut guérir des maux".
Dès 2015, alors qu'elle exerce encore son précédent emploi, la trentenaire (née à Châlons-en-Champagne, Marne), se met à écrire ce qu'on appelle des cérémonies laïques de mariage. "C'est un peu comme à l'américaine, en extérieur avec un maître de cérémonie - c'était moi - et tous les invités qui regardent. C'est ce que j'écrivais, et c'était personnalisé, en rapport avec l'histoire de mes mariés."
Elle en aura fait 100, de ces mariages qui sortent de l'ordinaire. Mais avec "l'envie d'écrire autre chose", elle souhaite aborder d'autres thématiques, plus terre-à-terre. Elle se tourne alors vers la biographie.
Sensible au harcèlement
Le deuxième livre qu'elle a édité, Parler, traite du harcèlement de scolaire. Le thème lui est venu sans signe avant-coureur. "J'avais lu beaucoup de témoignages. Et je suis très empathique." D'une vingtaine de récits de témoins réels, elle a fabriqué celui de deux protagonistes fictives, Sarah et Manon. Deux personnages dans lesquels chaque élève (ou adulte) peut se reconnaître.
"Si ce livre sert à faire échapper un gamin ou une gamine du harcèlement, alors j'aurais réussi. On me demande parfois si j'ai été harcelée pour être aussi sensible à ce sujet. Mais non, même pas. Et je crois même qu'en l'écrivant, parfois, je me suis demandée si je n'avais pas été un peu harceleuse, ou au moins contribué." Car ne pas contrer le harcèlement qui cible quelqu'un, se taire, c'est un peu y participer.
Ces rencontres ont été très enrichissantes.
Alexandra Thiery Saive, au sujet des élèves à qui elle a parlé de harcèlement
Ce livre en main, Alexandra Thiery Saive s'est muée en intervenante en milieu scolaire. "J'ai pu leur lire des passages, communiquer sur leurs traumatismes. Ces rencontres ont été très enrichissantes." Avec l'un des collèges (à Angoulême, Charente) où elle est allée, elle a coécrit un ultime chapitre à son livre, qui devrait être réédité sous peu avec la production de ces véritables "écrivains en herbe".
Le conseiller principal d'éducation (CPE) de ce collège lui a suggéré l'élaboration d'un autre outil pour traiter du harcèlement, d'encore plus novateur. Un jeu de cartes (il y en aurait 50) pour les collèges et lycées. "Mais il m'a fait remarquer qu'il fallait plus loin. Et c'est vrai. Le harcèlement ne commence pas au collège. Ils en ont énormément besoin dès la primaire. Mais ces écoles manquent de moyens, ils sont très restreints et ne disposent pas vraiment de budgets alloués au harcèlement."
Un financement participatif, via Leetchi, a été lancé. Si assez de fonds étaient récoltés, l'écrivaine se verrait bien offrir son jeu au plus possible d'établissements afin qu'ils n'aient pas à l'acheter. Plus il y a d'argent dans la cagnotte, plus il peut y avoir un prix de gros, moins les jeux seront chers, et plus il y aura d'impressions. Une illustratrice de talent, Coeur d'artiflo, a été trouvée pour participer au projet (voir l'illustration via Instagram ci-dessous).
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L'argent récolté servirait à payer cette illustratrice (c'est un vrai métier qui se paye avec de l'argent et pas de la visibilité), à hauteur de 1 000 euros, et le reste, l'impression. "Je suis consciente que toutes les 50 000 écoles en France n'en auront pas, mais on essaye de récolter un maximum." La cagnotte, démarrée le samedi 18 mai 2024, prendra fin le jeudi 30 juin. Les sponsors sont d'ailleurs les bienvenus : les entreprises qui participeraient à hauteur de 100 euros verraient leur nom inscrit dans le jeu (et peuvent le déclarer aux impôts). Pour ce faire, il est possible d'envoyer un courriel à l'adresse alexandrathierysaive@gmail.com ou de contacter le 06 84 28 28 50.
Et s'il ne devait pas y avoir assez d'argent collecté, Alexandra Thiery Saive le garantit, elle paiera de sa poche. "J'y crois beaucoup." Cet engagement, il lui tient à cœur plus que tout.
Il nait avec une malformation cardiaque... et inspire un livre
Avant ce livre sur le harcèlement, une des amies de l'écrivaine a accouché d'un bébé atteint d'une malformation cardiaque, non diagnostiquée. À seulement 15 jours de vie, il a dû subir une très lourde opération chirurgicale. "Mon amie a vécu un traumatisme. Et j'ai senti que je pouvais faire quelque chose. Je lui ai proposé d'écrire ma première biographie sur cette naissance" si particulière. Il était initialement destiné à cette famille, "ce ne sont pas des contenus destinés à être publiés", mais l'autrice a fini par le faire auto-éditer via Amazon. Plusieurs biographies demeurent privées, entre secrets de famille et histoires très intimes après des drames ("par respect").
"La plus belle chose que mon amie m'ai dit, c'est : 'merci, grâce à toi, je peux m'autoriser à ne plus y penser'. Son fils a 6 ans aujourd'hui, mais à la sortie du livre, il en avait 5. Et mon amie voulait pouvoir lui raconter tout ce qui s'était passé. Maintenant, tout est posé : l'histoire est écrite, il a son livre." Pour l'anecdote, le bambin avait précisé à l'autrice qu'il espérait voir mentionné dans sa biographie le fait qu'il avait "pris l'hélicoptère" (le transport en urgence pour se faire opérer après sa naissance). Il paraît qu'il est "fier" du résultat.