"On n'a plus rien à perdre", une caravane incendiée lors d'une grève chez Tereos, 62 emplois menacés à cause de la fermeture du site

En guise d'action "symbolique", une caravane destinée à la déchetterie a été incendiée lors d'un piquet de grève. Tenu ce mercredi 20 septembre, il a lieu devant la féculerie de Haussimont (Marne), détenue par Tereos. Le site, employant 62 personnes, est menacé de fermeture.

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C'est une scène que l'on ne voit pas tous les jours. Une caravane brûlée sur le parking de l'usine où on travaille.

Pour en arriver là, les ouvriers et agents de maîtrise considèrent qu'ils n'ont plus rien à perdre. La féculerie où ils travaillent, celle de Haussimont (Marne), va fermer. La rumeur courrait depuis l'été, et se voit maintenant confirmée par Tereos.

Ce sont 62 emplois qui sont menacés, avec guère de possibilités de reclassement (il y a déjà eu deux fermetures de sites semblables, où pas mal de reclassements ont déjà été proposés). Les négociations syndicales avec la direction sont au point mort. 

Clément Meunier, journaliste de France 3 Champagne-Ardenne, s'est rendu sur place. Il a rencontré Johan Petit, conducteur d'engin de chantier et d'épandage au sein de l'intersyndicale Force ouvrière-CGT (Confédération générale des travailleurs). "On était en négociations sur trois réunions, qui ont eu lieu le 5 septembre, 11 septembre, et 19 septembre. Les offres qui nous ont été faites sont inéquitables."

La prime de la discorde

"Ceux qui seront reclassés au sein de Tereos toucheront 30 000 euros de plus que ceux qui seront licenciés. On n'est pas d'accord avec ça. Ceux qui ne seront pas reclassés devraient pouvoir les toucher aussi."

La proposition de l'intersyndicale est d'augmenter le montant de la somme (de base de 25 000 euros, l'augmenter à 55 000 euros) qui doit leur être remise lors de leur départ. "Ceci afin de récupérer les 30 000 euros. Ce qui a été refusé par la direction." 

La prime de bon déroulement de campagne (traitement des pommes de terre livrées à la féculerie) a aussi été abordée. "On nous a proposé 7 500 euros à la première réunion pour qu'on démarre la campagne, qu'il n'y ait pas de problème, qu'on la finisse correctement. On leur a répondu qu'ils se foutaient de nous..."

Lors de la deuxième réunion, 7 500 euros ont à nouveau été proposés pour cette même prime. Puis 10 000 euros lors de la réunion du 19 septembre. "Ils se sont clairement moqués de nous. On leur a dit 50 000 fois que les chiffres n'étaient pas bons. On leur a proposé de monter cette prime à 37 500 euros pour récupérer les 30 000 euros. Ils ont clairement dit non. On a interrompu la séance."

Campagne retardée voire annulée

Résultat, les pommes de terre attendent sur les aires de livraison. La campagne n'a pas démarré au jour prévu (le mardi 19 septembre). "On va au bras de fer avec la direction. C'est notre seule chance de récupérer cet argent. Il faut les faire plier. On attend qu'ils reviennent vers nous." Le matin de ce mercredi 20 septembre, des instructions auraient été transmises par la féculerie aux agriculteurs et agricultrices partenaires pour ne plus récolter (et donc livrer) les pommes de terre destinées au site. "Jusqu'à nouvel ordre." (voir sur la carte ci-dessous)

Le travailleur explique qu'il n'y a que deux sites spécialisés dans le traitement de la fécule en France. Celui-ci, et un autre du groupe Roquette en Picardie. "Ils mettent la fermeture de l'usine de fécule de Haussimont sur le réchauffement climatique. Les pommes de terre ne pousseraient plus, il n'y aurait pas assez d'eau, ça leur coûterait trop cher... Et le Danemark aurait pris le dessus sur le marché de la fécule." 

Ces arguments, les membres du piquet de grève ne l'entendent pas. Brûler la caravane, "c'est pour montrer qu'on est là. Qu'on ne lâchera pas. On ne baissera pas notre culotte, pour résumer. On est prêt à aller jusqu'au bout. Ceux qui doivent plier, ce ne sont pas les ouvriers et les agents de maîtrise. Ce sont ceux de la direction. On s'attend à rester dehors une dizaine de jours. Je pense qu'ils doivent vouloir voir jusqu'où on peut aller. Et on est prêt à aller jusqu'à la fermeture. Si l'usine ne démarre pas [pour la campagne], tant pis. Dans tous les cas, qu'on fasse campagne ou non, on sera tous licenciés en février." 

La caravane, vétuste, appartenait à Johan Petit. Il la destinait à la déchetterie, mais a décidé finalement de s'en servir à l'occasion de ce baroud d'honneur. Peu après, le poteau de signalisation de l'entreprise a lui aussi été brûlé. 

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