Consommation de drogue, le désarroi des parents : "mon enfant se détruit et je suis impuissant"

La consommation de drogue explose chez les jeunes. Utilisée dans les soirées festives, facile d'accès sur les réseaux sociaux, la drogue se banalise et devient un dérivatif au stress, au mal-être et à l'ennui. Les jeunes paient le prix fort et les parents, en plein désarroi, assistent impuissants au naufrage de leurs enfants. Un père de famille et une jeune toxicomane témoignent.

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Selon une enquête datant de juin 2024 de l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), 14,6% des 18-64 ans ont expérimenté des drogues autres que le cannabis ; ce taux s'élevait à 9,8% en 2017. Ce qui est au départ un comportement récréatif se transforme très vite en addiction. Ils deviennent dépendants et ont besoin de leur dose. Ils sont prêts à tout pour se la payer. Les parents, impuissants, tentent de sauver leurs enfants. Témoignages à Reims. (Les personnes interrogées souhaitent garder l'anonymat.)

Drogue, l'engrenage

Alain est le père d'une fille de 25 ans. Elle travaille dans un bar-restaurant de Reims. Rien dans son comportement ne m'avait vraiment alerté, sauf peut-être une consommation excessive d'alcool dans certaines soirées. Puis un jour, il y a environ un an, elle l'appelle.  Il raconte : "je reçois cet appel, un appel d'urgence. Elle me dit qu'elle n'a plus d'argent. Je suis étonné car elle n'a pas un gros salaire mais elle travaille. Elle m'avoue alors qu'elle prend de la cocaïne, et qu'elle doit payer ses doses".

Pour Alain, c'est le choc. Il ne sait pas quand exactement elle a commencé à se droguer. Mais au départ, c'était pour se sentir mieux, pour faire la fête. Et très vite, elle a eu besoin d'en prendre régulièrement. 70 euros la dose, 4 fois par semaine, ça coûte cher. " Elle est dans un engrenage. Elle finit tard, et fait souvent des afters avec ses collègues et ses amis. Ils se retrouvent dans un appartement, et boivent et consomment de la cocaïne". La drogue vient d'entrer dans leur vie.

Trouver de l'aide

Il réagit. Lui prend un RDV au centre d'addiction situé dans le centre de Reims. Elle va à ce premier rendez-vous mais n'y retourne pas. " Elle a de mauvaises fréquentations, un petit ami qui est toxicomane. Et puis il y a eu le décès de sa mère...". Elle continue à se droguer et sa situation empire. Carte bancaire bloquée, découvert sur son compte. " J'ai fini par l'accueillir chez moi. Elle était enceinte de plusieurs semaines. Il a fallu gérer l'urgence. La faire avorter et essayer de la sortir de là ".

Il découvre tout un monde, car sa fille lui parle. Les dealers, elle les connaît et ils la connaissent.  Au départ, ils lui disaient: " Pas grave si tu ne peux pas payer aujourd'hui, tu payeras plus tard". Mais en fait ils n'attendent pas, et le ton change vite. Ils la harcèlent, disent qu'ils sont prêts à venir frapper à sa porte pour récupérer leur argent. . "Elle m'a montré. Il y en a un qui lui envoyait des messages toutes les heures. J'avais peur pour elle. J'ai payé ", avoue ce père dans un souffle. 

Un fort sentiment d'impuissance

Il est inquiet pour l'avenir. Il a contacté son médecin de famille, un psychologue, des addictologues. " Je ne lâcherai pas, elle est ma priorité. Je le lui ai dit. Mais pour moi c'est une épreuve. Mon enfant se détruit et je suis impuissant ". Pour tenir bon, lui-même se fait accompagner. "Je ne veux pas lui montrer à quel point je m'inquiète. Mais je sais que je dois faire attention à moi. J'ai des limites ". 

Lundi dernier, il a fait une nouvelle tentative au centre d'addictologie de Reims et l'a inscrite pour une prise en charge. Une nouvelle fois, elle a rencontré une infirmière. Une première étape.  " J'espère qu'elle va continuer à venir aux rendez-vous. J'ai l'impression qu'elle va mieux, qu'elle me parle. ". Alain veut rester confiant même si la veille, il l'a attendue et qu'elle n'est pas rentrée de la nuit. 

Cécile, 25 ans, consommatrice occasionnelle

Cécile a 25 ans. Elle travaille dans une administration, à Reims. Depuis 4 ou 5 ans, elle consomme de la drogue, de manière festive. Elle explique qu'elle n'est pas addict. "Je me suis mise à consommer de la cocaïne ou des cachets d'ecstasy au cours de soirées. J'en ai pris pour être dans le même état d'esprit que les autres. Je n'en prends pas plus, parce que c'est trop cher et je n'ai pas les moyens de m'en payer. Je n'ai pas envie non plus de devenir comme ceux qui en prennent régulièrement. Certains tournent à un gramme de cocaïne par jour, ce qui fait 50 à 80 euros par jour. Ils deviennent menteurs, perdent parfois leur boulot, s'endettent".

Aujourd'hui, toutes les drogues sont accessibles, notamment des drogues de synthèse qui sont très bon marché. Un comprimé d'ecstasy ne coûte que 10 euros. " Grâce aux réseaux sociaux, c'est très facile de trouver des produits. On commande  sur internet, on est livré, c'est aussi facile que de commander une pizza". 

Cécile s'inquiète pour les très jeunes qui ne fument plus, mais qui utilisent des cigarettes électroniques qui contiennent des drogues synthétiques, le Fentanyl ou le PTC. " Certains ne savent même pas ce qu'il y a à l'intérieur de leur cigarette. Il faudrait faire de la prévention, dès le collège, sans diaboliser la drogue. Car finalement, c'est un peu comme l'alcool et les cigarettes" conclut-elle.

Quoi qu'en pense Cécile, l'augmentation de la consommation de drogue, notamment chez les jeunes, est un véritable fléau. L'usage de drogues dures fait entrer le consommateur dans un cycle infernal dans lequel il va se couper des autres, dans lequel il finit par abandonner tout projet professionnel et tout projet de vie, et dans lequel il va perdre la santé et parfois la vie. C'est un véritable problème de santé publique qui doit alerter nos politiques.

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