Pouvoir d'achat : dans son livre, une Rémoise prend la parole pour tous les "oubliés" qui vivent, comme elle, avec une petite retraite

"Un bol de coquillette et puis voilà..." raconte le quotidien de Bernadette, une Rémoise de 77 ans. Avec sa retraite de 877€, elle jongle entre bons plans et débrouille pour garder la tête hors de l'eau, mais toujours avec le sourire et une philosophie attendrissante. Sans trop l'avoir vu venir, la timide Bernadette fait aujourd'hui la promotion du livre de sa vie. Rencontre.

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C’est dans les quartiers chics de Paris que Bernadette nous attend. Bien loin de son appartement de Reims où elle vit depuis bientôt 40 ans. Dans les bureaux de la prestigieuse maison d’édition Flammarion, la Marnaise de 77 ans revient d’une interview de promotion à la radio pour son livre. "Je n’habiterai jamais ici, c’est trop grand, c’est atroce" remarque-t-elle à propos de Paris.

Dans son manteau rouge, sa couleur préférée, Bernadette se prête presque volontiers au jeu des questions même si elle n’aime pas trop attirer l’attention sur elle : "j’aime bien être dans mon petit coin" nous murmure-t-elle. Le livre Un bol de coquillettes et puis voilà… raconte son histoire. Une histoire sans détour et sans filtre, parfois décousue, comme ses réponses. "Je ne pensais pas que ça aurait pris autant de proportions. Pour moi, c’était un petit bouquin et ça s’arrêtait là. Je ne savais pas qu’il y avait tous ces trucs-là à côté, maintenant, je le saurai." Elle doit rester trois jours dans la capitale, invitée par la maison d’édition qui a publié l’histoire de sa vie. Elle n’avait pas revu Paris depuis au moins 10 ans. "On était venus visiter le château de Versailles avec la Croix-Rouge française et puis après on avait fait un petit tour en bateau mouche dans Paris. Mais je ne suis jamais revenue depuis parce que la Croix-Rouge a changé d’endroit et que je n’y vais plus. Je vais au Secours Populaire maintenant" commence à nous raconter Bernadette.

877€ par mois

En 2018, la journaliste Charlotte Leloup est chargée d’écrire un article sur les petites retraites dans le journal pour lequel elle travaille. A Reims, elle rencontre Bernadette au Secours Populaire. Deux ans plus tard, pendant le premier confinement, les deux femmes échangent presque tous les soirs. Charlotte Leloup a fait de la vie de Bernadette un livre. Au fil des pages, Bernadette, qui préfère garder son nom de famille pour elle, partage et raconte son quotidien avec les lecteurs.

Son quotidien est rythmé par les sorties au supermarché (où chaque centime compte) et les visites au Secours Populaire, une fois par mois, pour récupérer son colis alimentaire. A la retraite depuis plus de 10 ans, Bernadette vit avec 877€ par mois. "J’ai quitté l’école à 14 ans. J’habitais à Cernay-lès-Reims et mes parents ont voulu partir alors je suis arrivée à Compiègne. J’allais travailler à vélo, j’étais couturière." nous explique la septuagénaire. Quinze kilomètres aller, quinze kilomètres retour "avec ce maudit vélo trop vieux. C’est mon père qui l’avait rafistolé" nous raconte la couturière à la retraite. "877€, je me dis que c’est vraiment peu. C’est vrai qu’il y a quelque chose à faire. On les entend à la télé « retraite, retraite, retraite ». Ils parlent des futurs retraités mais pour nous qui le sommes déjà ? Et puis il y a les gens qui sont seuls, comme moi." détaille la Rémoise. Une fois ses factures payées, il ne reste à Bernadette que 15€ par jour pour vivre : "et il faut regarder les prix. Vous regardez tout : les fruits, les légumes, la viande, les habits d’occas et il y a certaines choses que je préfère acheter sur les brocantes" nous explique-t-elle. Un bol de coquillettes et puis voilà…, c’est le récit d’un quotidien de débrouille et de petites économies qui font beaucoup, mises bout à bout.

A travers son histoire, Bernadette nous fait toucher du doigt les difficultés d’un quotidien précaire, le fragile équilibre d’une vie qu’une facture plus élevée que d’habitude peut faire basculer. En France, en 2019, 9,2 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. 9,2 millions de Français vivent avec 1102 euros par mois pour une personne seule, 2314€ pour un couple avec deux enfants. Bernadette vit bien en dessous du seuil de pauvreté. "Quand je me suis trouvée à la retraite, déjà je ne croyais même pas qu’on allait me la donner. On m’a dit que j’avais beaucoup de « trous » dans mon parcours mais j’ai eu 11 enfants. Si j’avais trouvé quelqu’un pour me les garder, j’aurais travaillé plus que ça." nous explique-t-elle.

Hasta la victoria Siempre

Au début de son récit, Bernadette, par la plume de Charlotte Leloup, nous raconte ses petits plaisirs, ses passions et ce qui la tient : "Chez moi, il y a le Che partout parce que j’aime le rouge. Je me répète dans ma tête : « Hasta la victoria siempre », ça veut dire : « Jusqu’à la victoire toujours. » Le Che, il aurait pu choisir d’abandonner mais il s’est battu. Moi, il me donne de l’espoir au quotidien, et quand j’ai envie de lâcher la rampe, je pense à lui." peut-on y lire. Une vie de combat pour une dame qui choisit aujourd’hui de prendre la parole pour tous ceux qui n’osent le faire. "C’était important pour beaucoup de personnes. Pour moi, ça a remué beaucoup de choses mais mes enfants était contents en lisant quelques pages. Moi, ça ne me plaît pas trop car je n’ai pas très envie qu’on raconte ma vie, j’aime pas trop parler de moi" finit par s’agacer la Rémoise de 77 ans. Après une petite demi-heure de conversation, Bernadette nous fait comprendre qu’elle a bien assez parlé d’elle. Elle a encore quelques interviews à faire à Paris avant de retrouver Reims et son quotidien : "Il faut que je rentre. Lundi, j’ai le monsieur du chauffe-eau qui vient".

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