A l'approche de la fête nationale du 14 juillet, la directrice de l’EHPAD de Vertus, dans la Marne, a voulu faire de la fête des six centenaires de l’établissement la fête de la résistance. Entre souvenirs et émotions.
La résidence Paul Gérard à Vertus, dans la Marne, est un EHPAD qui accueille 174 personnes. Six d'entre elles ont plus de 100 ans et se sont pour certaines illustrées pendant la seconde guerre mondiale. Pour rendre hommage à leur courage et ne pas laisser s'envoler les souvenirs, la toute nouvelle directrice, Laurence Sartor, a voulu organiser une fête placée sous le signe de la résistance. La date n'a pas été choisie au hasard, le 13 juillet, à deux jours de la fête Nationale. "Il faut réaliser que dans résistance, il y a le fait de résister. On en a bien besoin aujourd'hui. Il faut transmettre cela aux nouvelles générations".
Le député centriste de la Marne Charles De Courson assiste à la cérémonie. Il est très ému. " En tant que représentant de l'Etat, je suis là par patriotisme. C'est important de rendre hommage à ces femmes dont certaines ont été résistantes. Je pense à mon grand-père, qui était député, qui a été arrêté et qui est mort en déportation. Je pense aussi à mon père, qui s'était engagé dans la résistance aux toutes premières heures. C'était un agent de liaison, dans le réseau d'Epernay".
Une fête de la Résistance en bleu, blanc, rouge
Toutes les équipes ont participé à l'organisation de la fête. Les animatrices ont revêtu des costumes d’époque, confectionnés avec soin par l’une d’entre elles. Chacun a eu droit à son béret rouge. Des photos d’époques ont été épinglées sur les murs. Des mannequins habillés dans le style des années 30 ont été placés prêt de la table du buffet, où le pâtissier a déposé deux énormes gâteaux bleu, blanc, rouge eux aussi, pour célébrer les centenaires. Un accordéoniste était là pour animer cet après-midi exceptionnel. A 15 heures tout était prêt, et de nombreux résidents étaient installés pour assister à l’ouverture de la cérémonie.
Des témoignages émouvants.
Elles sont six, âgées de 100 ans et plus. Certaines ne sont plus en mesure de parler, d’autres sont très vite gagnées par l’émotion, d’autres encore doutent de pouvoir intéresser des plus jeunes. Mais à petits pas, par bribes, elles racontent.
Gilberte Royer est la plus âgée, 103 ans, doyenne de l’EHPAD mais pourtant la plus dynamique. Elle chante tout le temps. Elle était agricultrice. Elle explique qu’elle a connu son mari dans son village de naissance, à Bierges. Il passait en vélo et ce fut le coup de foudre. Lui était riche, elle pauvre, mais sa belle-famille l’a acceptée. Son fiancé a fait le service militaire, puis il a été fait prisonnier et il est resté 5 ans en Allemagne. Elle l’a attendu, mais pendant ce temps il y a eu l’exode. Elle raconte en souriant : « L’émigration, ce n’était pas facile, on a dû partir, laisser tous les animaux. On a laissé les portes ouvertes. On ne pouvait pas les emmener. On a pris des chevaux, une carriole, et on est parti presqu’en Côte d’Or. »
« Quand il y avait des bombardements, on se cachait dans le fossé, ajoute Renée Laurain, elle aussi agricultrice, installée avec son mari à Villeseneux. Dès qu’on entendait la sirène, on avait peur ».
Décorée de la médaille de la Résistance
Geneviève Philizot a 101 ans. Elle est sparnacienne. Pour ses cent ans, elle a été décorée de la médaille de la Résistance. Pourtant elle ne se reconnait pas comme une héroïne. « J’ai fait toute ma scolarité à l’école Sainte-Marie d’Epernay. J’étais toujours à vélo. C’est pour ça qu’ils ont fait appel à moi. Pierre Servagnat m’a contactée. J’étais très jeune, je ne me rendais pas compte ».
Pierre Servagnat commandait à l’époque l’arrondissement d’Epernay. Geneviève va permettre à la résistance de passer des messages. « Je déposais mon vélo à l’atelier. J’allais boire un petit café au portique, dit-elle avec plaisir. Ils plaçaient des plis dans mon guidon et dans ma selle. Au début je ne m’en rendais pas compte. Je ne sais plus comment je l’ai appris. Mais j’ai continué. Je n’avais pas peur. pourtant j'ai vu des morts. Comme ce camarade qui a été tué tout près de la boulangerie. Je venais de le quitter. Un type en scooter lui a tiré dessus ».
Garder la mémoire
Ces vieilles dames n’aiment pas ressasser le passé mais les souvenirs s’imposent à elles, parfois. Alors elles racontent, un petit peu, des larmes au coin des yeux. Puis les ferment, par pudeur. Elles écoutent la musique, ces chansons du passé qui ont bercé leurs jeunes années. Se demandant si elles ne feraient pas mieux d’aller esquisser quelques pas de danse sur la piste
Déjà Gilberte et Geneviève sont debout, commencent à tourner. Pour s’étourdir un peu. Et oublier les peines.